Nouvelle étape franchie au chantier naval de Halifax pour les 15 futurs destroyers

Michael Tutton, La Presse Canadienne
Nouvelle étape franchie au chantier naval de Halifax pour les 15 futurs destroyers

HALIFAX — Le chantier naval Irving à Halifax a commencé à tailler des plaques d’acier en vue de la construction de 15 nouveaux destroyers canadiens, même si la Marine affirme qu’il faudra une dizaine d’années avant que le premier navire de 8000 tonnes ne rejoigne les opérations militaires.

Vendredi, devant des centaines de constructeurs navals d’Halifax, le ministre de la Défense, Bill Blair, a également annoncé que les 15 futurs navires de guerre ont reçu leur désignation officielle de «destroyers de la classe Fleuves et Rivières». Les trois premiers navires porteront ainsi les noms de grands fleuves canadiens — Saint-Laurent, Fraser et Mackenzie — un hommage aussi à des navires de guerre canadiens qui avaient porté ces mêmes noms pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ces 15 «navires de combat canadiens» doivent remplacer les destroyers de la classe Iroquois déjà mis hors service et les frégates de la classe Halifax, indique la Défense nationale.

Cependant, le premier des navires – doté de systèmes de missiles et d’un radar de pointe – ne sera pas capable d’opérer dans la Marine royale canadienne avant 2035, avec neuf des destroyers attendus d’ici 2040 et les 15 d’ici 2050, ont déclaré les responsables lors d’un point de presse jeudi soir.

Les responsables fédéraux des acquisitions avaient indiqué jeudi que les contrats finaux et détaillés pour les trois premiers destroyers n’avaient pas encore été signés avec Irving – et ne seraient officiellement attribués qu’à la fin de 2024 ou au début de 2025.

M. Blair a néanmoins vanté les premières étapes de la construction comme étant «historiques», tout en soulignant l’urgence de construire les destroyers.

«Il est important de remplacer les frégates Halifax, a-t-il dit. Elles atteignent la fin de leur cycle de vie et leur entretien devient de plus en plus coûteux.»

Éviter de nouveaux retards

Dave Perry, président de l’Institut canadien des affaires mondiales à Ottawa, s’est dit heureux de voir le projet progresser après des années de retard.

«Ces navires représenteront une augmentation vraiment significative de la capacité navale du Canada», a-t-il affirmé jeudi dans une entrevue, ajoutant qu’ils amélioreront la capacité du pays à mener tout type de guerre sous-marine et à participer aux forces opérationnelles navales de l’OTAN.

Mais il a également plaidé pour que les contrats soient signés avant les prochaines élections fédérales afin d’éviter de nouveaux retards. «Il ne reste plus beaucoup de temps à ce gouvernement et il lui reste encore beaucoup de choses à régler», a-t-il dit.

M. Blair a déclaré vendredi qu’il s’attend à ce que l’accord soit finalisé tant que le gouvernement libéral reste au pouvoir.

«La Marine royale canadienne et le chantier naval Irving ont besoin que ce contrat soit conclu (…) Je suis convaincu que nous y parviendrons avant les élections», a promis le ministre libéral.

Richard Shimooka, chercheur à l’Institut Macdonald-Laurier à Ottawa, a déclaré jeudi dans une entrevue que même si la marine a cruellement besoin de nouveaux navires, son calendrier de production n’est pas en décalage avec celui d’autres pays construisant des classes de navires similaires.

«Nous souhaiterions tous que les délais soient plus rapides, mais cela prendra probablement autant de temps (…) Il est difficile d’envisager d’autres options pour obtenir quelque chose plus rapidement», a-t-il fait savoir.

Conception

Le vice-amiral Angus Topshee a déclaré vendredi à Halifax que les navires canadiens, basés sur le modèle BAE Type 26 utilisé au Royaume-Uni et en Australie, sont plus lourds que leurs homologues en raison de modifications dans leur conception.

Le commandant de la marine a déclaré que les destroyers de la classe River disposent d’un radar – considéré comme le cœur du navire de guerre moderne – situé plus haut dans le navire que sur ses homologues australiens et britanniques. Cela nécessite l’utilisation d’une alimentation électrique, d’un système de refroidissement et d’autres machines de support, ce qui ajoute 900 tonnes.

M. Topshee a également affirmé que même si les navires australiens et britanniques de type 26 sont principalement destinés à servir d’escorte anti-sous-marine, la classe River devra se défendre contre les attaques aériennes et potentiellement superviser le commandement et le contrôle d’autres navires.

Si la conception finale des navires n’est pas terminée, la première production de tôles d’acier a commencé afin de faire avancer le projet, indique-t-on.

Vendredi, le chantier naval d’Halifax a commencé à produire et à tester ce que l’on appelle des plaques d’acier «minces», qui seront éventuellement utilisées dans les destroyers. L’acier est moins épais que les matériaux des patrouilleurs arctiques en construction au chantier. M. Topshee a déclaré aux journalistes que la production réelle de l’acier qui sera utilisé dans le premier destroyer construit – le NCSM Fraser – débutera entre avril et octobre 2025.

Les forces armées négligées

James Bezan, porte-parole du Parti conservateur en matière de défense, a indiqué dans un courriel que le calendrier du projet rappelle que les libéraux ont négligé les forces armées. Le gouvernement libéral «n’a pas réussi à recruter suffisamment de marins (…) Nos navires de guerre rouillent et vieillissent plus vite que prévu, laissant notre marine incapable», a-t-il écrit.

L’inflation et les besoins supplémentaires de la marine ont fait grimper le coût des destroyers. Alors que Bill Blair et les responsables de la défense continuent d’affirmer que la construction coûtera 60 milliards $, le directeur parlementaire du budget a suggéré qu’en 2022, cela pourrait atteindre 80 milliards $.

Dans un communiqué, la Défense nationale a fait valoir les retombées économiques du projet, qui «favorisera la croissance durable de la chaîne d’approvisionnement maritime du Canada. La phase de conception du projet devrait générer une incidence de plus de 5,1 milliards $ sur le produit intérieur brut cumulatif, et créera ou maintiendra environ 5000 emplois canadiens annuellement dans l’ensemble de l’économie.»

De son côté, la phase de réalisation du projet «permettra de créer ou de maintenir environ 10 800 emplois par an tout au long de la période de construction de 25 ans dans l’ensemble de l’économie.»

Jean-Yves Duclos, le ministre des Services publics, a pour sa part dit que le projet de Navires de combat canadiens est «au cœur de l’engagement de notre gouvernement à revitaliser l’industrie maritime canadienne (…) tout en créant des emplois hautement qualifiés et en favorisant les retombées économiques pour les Canadiennes et les Canadiens».

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