MONTREAL — Dans un pays traditionnellement dominé par deux compagnies aériennes nationales, de nouvelles rivalités aériennes sont apparues. Porter s’implante de plus en plus sur le territoire d’Air Canada, le centre du Canada, ainsi que sur les lignes qui traversent le pays.
D’un autre côté, WestJet cherche à contrer la menace de Flair Airlines. Tranquillement, le Canada s’éloigne de sa dynamique industrielle, vieille de plusieurs décennies, où Air Canada et WestJet étaient les deux plus grands transporteurs sans concurrence.
Porter, autrefois un acteur régional autour du triangle Toronto-Ottawa-Montréal, a triplé sa part de marché intérieur au cours des 18 derniers mois, à près de 10 %. L’entreprise compte désormais 35 jets Embraer dans sa flotte et en attend 40 de plus d’ici 2027, contre zéro en janvier de l’année dernière.
Avec son expansion rapide, Porter empiète largement sur le territoire d’Air Canada en Ontario et au Québec, incitant la plus grande compagnie aérienne du pays à servir des friandises et des boissons gratuites en vol. Les cocktails coûtent désormais 5 $ par verre, comparativement à 9 $ auparavant. Porter se vante depuis longtemps d’offres similaires.
«Cela montre qu’ils [Air Canada] sont préoccupés par la croissance de notre part de marché et par ce que nous faisons, et que nous représentons une réelle menace concurrentielle pour eux», a déclaré le président de Porter, Kevin Jackson, lors d’un entretien téléphonique.
«Comment puis-je le prouver ? Ils n’ont pas lancé de bière et de vin gratuits au Mexique et dans les Caraïbes. Nous n’y volons pas encore.»
Air Canada a affirmé qu’elle perfectionnait continuellement ses produits à bord. «Nous prenons toute concurrence au sérieux», a indiqué le porte-parole Peter Fitzpatrick dans un courriel.
Flair Airlines et WestJet se bousculent aussi pour obtenir des parts de marché.
Flair dispose désormais d’une flotte de 20 avions – encore une fraction des 180 appareils de WestJet, mais assez pour faire réagir la plus ancienne des deux compagnies aériennes basées en Alberta.
Dans le but d’attirer des clients plus sensibles au prix – le noyau démographique de Flair – plus tôt ce mois-ci, WestJet a remplacé son niveau de billet de base par une nouvelle catégorie tarifaire qui supprimait le bagage à main gratuit et d’autres avantages que les voyageurs tenaient autrefois pour acquis. Les clients qui choisissent l’option «UltraBase» doivent payer pour sélectionner un siège même lors de l’enregistrement. De plus, ils embarquent en dernier, bien qu’ils soient relégués à l’arrière de l’avion.
Flair s’est joint aux moqueries en ligne des Canadiens en retweetant un message du site d’information satirique The Beaverton sur le réseau social X: «WestJet annonce le tarif SuperUltraBase où les clients restent simplement à la maison et leur donnent de l’argent».
«Ne soyez pas ultra basique. Volez avec Flair», a publié un jour plus tôt la compagnie aérienne à bas prix, qui propose un niveau tarifaire presque identique.
Mais WestJet aura peut-être le dernier mot. Au cours de sa première semaine, la classe tarifaire a dépassé les attentes avec plus de 100 000 billets vendus, a indiqué la société.
John Gradek, qui enseigne la gestion de l’aviation à l’Université McGill, a déclaré que la décision de WestJet marque une avancée concurrentielle face à un rival grandissant.
«En gros, ils affrontent Flair en tête-à-tête», a-t-il dit.
Flair est intervenu pour combler le vide laissé par Air Canada lorsqu’elle s’est retirée de dizaines de liaisons régionales à l’ouest de l’Ontario pendant la pandémie de COVID-19.
Pendant ce temps, WestJet, basée à Calgary, a supprimé des liaisons vers l’Ontario, le Québec et le Canada atlantique pour se recentrer sur son territoire d’origine, l’Ouest canadien. Sur la ligne Toronto-Montréal, WestJet est passée d’environ 370 vols par mois il y a deux ans à aucun, selon les chiffres de la société de données aéronautiques Cirium.
WestJet s’est retirée de l’est du Canada et s’est implantée plus à l’ouest «plutôt que d’affronter Air Canada sur de nombreux marchés», a déclaré Helane Becker, analyste de l’aviation chez TD Cowen. «C’est là qu’ils étaient forts», a-t-elle expliqué, faisant référence à la Colombie-Britannique et aux Prairies.
Air Canada, basée à Montréal, a suivi cette décision en restant dans le centre et l’est du Canada tout en réduisant ses activités dans l’ouest. Porter a remplacé WestJet en tant que plus grand rival d’Air Canada sur des lignes telles que Toronto-Halifax, Toronto-Fredericton et Montréal-Moncton.
Les prix continuent quand même d’augmenter
La nouvelle dynamique du monde aérien ne veut pas nécessairement dire plus de concurrence, notamment sur les voyages régionaux.
Lynx Air et Swoop ont disparu – et Sunwing Airlines devrait devenir l’opération principale de WestJet l’année prochaine. Alors que les compagnies aériennes qui ont survécu se tournent vers des marchés étrangers plus lucratifs et abandonnent les avions plus petits au profit de voyages à plus grand volume, le nombre de vols sur de nombreux trajets courts a chuté au cours des cinq dernières années.
La capacité nationale de vols diminuera probablement cette année par rapport à 2023, a déclaré Mme Becker. C’est en partie à cause de cela que les prix continuent d’augmenter. Les tarifs aériens ont augmenté de près de 5 % en mai par rapport à la même date l’année passée, selon le dernier rapport sur l’indice des prix à la consommation.
WestJet et Air Canada restent rivales, tout comme Porter et WestJet, tous les quatre étant en compétition pour le trafic entre Toronto et Vancouver ainsi que pour les voyages vers la Floride, entre autres. Mais la carte de la compétition a été redessinée.
«Tous les transporteurs sont des concurrents, y compris les transporteurs américains (…) Mais la compagnie aérienne avec laquelle nous chevauchons le plus, bien sûr, est Air Canada», a déclaré M. Jackson, de Porter.
«Nous volons des parts de marché.»
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