Les eaux usées d’une école de Montréal se déversent dans une rivière depuis longtemps

Maura Forrest, La Presse Canadienne
Les eaux usées d’une école de Montréal se déversent dans une rivière depuis longtemps

MONTRÉAL — Depuis des années, une école primaire de Montréal rejette par inadvertance des eaux usées brutes dans une rivière voisine.

Même si la Ville a identifié le problème en 2021, ce n’est que maintenant qu’elle prend des mesures pour y remédier.

La Commission scolaire Lester B. Pearson a annoncé la fermeture temporaire de deux salles de bains de l’école primaire Terry Fox, dans l’arrondissement de Pierrefonds-Roxboro, puisque les eaux usées se déversaient par erreur dans un égout pluvial au lieu d’un égout sanitaire.

Cela a contribué à la contamination de l’eau à un endroit le long de la rivière des Prairies, au nord de l’île de Montréal. L’égout pluvial se déverse dans la rivière près d’un parc public, où le nombre de coliformes fécaux atteint régulièrement un niveau 60 fois supérieur au seuil de pollution fixé par la Ville.

L’administration municipale est au courant de la pollution depuis au moins 2008, mais affirme n’avoir identifié la source qu’en 2021. La commission scolaire, cependant, dit qu’elle n’a appris le problème des égouts que dans une lettre de la Ville le 26 juin – après que La Presse Canadienne a commencé à poser des questions sur la contamination.

Darren Becker, directeur des communications de Lester B. Pearson, a déclaré que la Ville avait demandé un plan d’action pour le 29 juillet. Il a ajouté que la commission scolaire engagera une société d’ingénierie pour modifier les raccords de plomberie et espère que les travaux seront terminés avant le retour des enfants à l’école en août. Il ne sait pas pourquoi la commission scolaire n’a pas eu connaissance du problème plus tôt.

«Je ne veux pas rejeter la faute sur la Ville, a-t-il dit. En fin de compte, les travaux de réparation seront effectués.»

Selon M. Becker, les deux salles de bains ont été ajoutées à l’école lors d’un agrandissement en 1966. Il n’est pas certain que des eaux usées se soient écoulées dans la rivière depuis toutes ces années.

Un problème bien connu depuis des années

Kim Nantais Desormiers, porte-parole de la Ville de Montréal, n’a pas répondu aux questions concernant les raisons pour lesquelles il a fallu trois ans pour informer l’école du problème. Elle a toutefois présenté un calendrier des mesures prises pour résoudre le problème depuis 2008, date à laquelle la Ville a procédé à une «première exploration» de la zone.

Selon ce calendrier, la Ville a effectué des tests de coloration entre 2009 et 2011 pour identifier les endroits où les eaux usées se déversaient dans les égouts pluviaux, mais n’a pas trouvé la source du problème. Une autre série de tests en 2015 n’a pas non plus permis d’identifier la source.

Enfin, une troisième série de tests en 2021 a révélé des connexions croisées – des tuyaux qui sont reliés à un égout pluvial au lieu d’un égout sanitaire – à une résidence et à l’école.

Entre-temps, la pollution de l’eau près de l’embouchure de l’égout pluvial s’est poursuivie sans relâche. Les données de la Ville de Montréal remontant à 2012 montrent que les concentrations de coliformes fécaux près du parc de la Rive-Boisée à Pierrefonds-Roxboro ont régulièrement atteint 60 000 par 100 millilitres et qu’elles ont même atteint 370 000 par 100 ml.

Le gouvernement du Québec considère qu’une eau dont le taux de coliformes fécaux est supérieur à 200 par 100 ml est impropre à la baignade et qu’une eau dont le taux est supérieur à 1000 par 100 ml est polluée. Sur près de 500 mesures effectuées entre mai 2012 et juin 2024, la qualité de l’eau au point d’échantillonnage situé près de l’égout pluvial a été inférieure au seuil de pollution à seulement 66 reprises.

Cette année, le nombre de coliformes fécaux le plus élevé jamais enregistré au point d’échantillonnage est de 56 000 par 100 ml, à partir d’un échantillon prélevé en mai. À ce niveau, un enfant jouant dans l’eau pourrait facilement souffrir de «diarrhée et de crampes d’estomac pendant quelques jours», et les effets pourraient être bien pires, a souligné Daniel Green, co-président du groupe environnemental Société pour Vaincre la Pollution.

Il n’y a pas de plage au parc de la Rive-Boisée et la baignade y est interdite.

Deux points d’échantillonnage situés à proximité montrent des niveaux de pollution beaucoup plus faibles.

Néanmoins, M. Green affirme que la contamination de la rivière près du parc est un «problème bien connu» depuis des années et que la Ville a été «extrêmement lente à identifier les coupables».

«Je pense que la Ville de Montréal agit de façon malhonnête, a-t-il soutenu. Il est facile de trouver (les sources) si l’on s’y met.»

Selon M. Green, des panneaux devraient être installés dans le parc pour avertir les gens de la contamination.

De la «procrastination politique»

Les raccordements croisés d’égouts constituent un problème de longue date, mais ils peuvent être difficiles à résoudre. Les réparations impliquent souvent de creuser des rues, et il peut y avoir des désaccords sur les responsabilités. Mme Nantais Desormiers a fait savoir que la Ville s’occupe des travaux lorsque le raccordement se trouve sur le domaine public entre la propriété et l’égout.

De l’avis de M. Green, la Ville est souvent lente à régler ces problèmes en raison des obstacles administratifs.

«Il faut leur faire honte publiquement pour qu’ils agissent, car ils n’agiront pas s’ils ne sont pas humiliés publiquement, a-t-il lancé. C’est un constat désolant, mais c’est ce que j’ai vu.»

Il y a eu d’autres cas très médiatisés impliquant des raccordements croisés à Montréal. En 2022, la Ville a enterré les 200 derniers mètres de la rivière Saint-Pierre, qui s’écoulait autrefois du mont Royal vers le fleuve Saint-Laurent.

Le dernier tronçon de la rivière traversait un terrain de golf dans l’ouest de Montréal, mais un tribunal a ordonné à la Ville de détourner le cours d’eau à cause de la contamination due à de mauvais raccordements aux égouts dans deux quartiers voisins. Les écologistes ont dénoncé cette décision.

La Ville estime que 450 à 500 propriétés ont encore des raccordements croisés aux égouts, soit environ 0,1 % des propriétés de l’île.

David Fletcher, vice-président de la Coalition verte, a avancé que les promoteurs immobiliers n’ont jamais été «particulièrement scrupuleux» en ce qui concerne les raccordements aux égouts.

«Ce n’est que depuis que les gens veulent utiliser le littoral que le problème est devenu réel.»

Dans les années 1960, lorsque l’école primaire Terry Fox a été agrandie, la plupart des eaux usées de la Ville étaient rejetées dans les cours d’eau sans avoir été traitées. L’usine de traitement des eaux usées de Montréal n’a ouvert ses portes que dans les années 1980.

Mais aujourd’hui, selon M. Fletcher, l’incapacité à résoudre le problème des raccordements croisés se résume souvent à de la «procrastination politique».

«Je pense que cela fait assez longtemps maintenant. À un moment donné, il faut que quelqu’un prenne le taureau par les cornes, dépense l’argent et le fasse.»

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