L’enquête sur le dirigeant de la Commission des droits de la personne est critiquée

Stephanie Taylor, La Presse Canadienne

OTTAWA — Trois semaines après avoir promis de procéder à un «examen formel et indépendant» de la nomination du nouveau commissaire aux droits de la personne du Canada, le gouvernement fédéral n’a toujours pas donné aucun renseignement sur son déroulement.

Birju Dattani, ancien directeur général de la Commission des droits de la personne du Yukon, a été nommé président de la Commission canadienne des droits de la personne, le 14 juin.

Le 8 août, il devrait entamer un mandat de cinq ans à ce nouveau poste, en tant que première personne de couleur et premier homme musulman à occuper cette fonction.

Mais sa nomination fait l’objet d’un examen minutieux après que les médias ont rapporté qu’il s’était servi de différents prête-noms pour tenir des propos anti-israéliens lorsqu’il était aux études supérieures. Cela n’aurait pas été signalé lors du processus de sélection.

Le Bureau du Conseil privé, l’organe administratif du gouvernement au service du cabinet du premier ministre, supervise le processus de sélection des personnes nommées par le gouvernement fédéral.

On indique qu’un «oubli administratif» s’est produit et que le processus de vérification n’a pas inclus tous les pseudonymes de M. Dattani. Ils ont depuis été partagés avec la GRC et le SCRS, qui «terminent actuellement les examens nécessaires», a indiqué le porte-parole Daniel Savoie.

Une nouvelle directive a également été émise au sein du Bureau du Conseil privé pour garantir que ce problème ne se reproduise plus.

Publications préoccupantes

Le problème concerne certains messages, désormais supprimés, publiés par M. Dattani sous le nom de Mujahid Dattani alors qu’il était aux études supérieures à Londres, il y a près de dix ans.

M. Dattani a admis qu’en 2014, il avait partagé un article intitulé «Les Palestiniens sont les prisonniers du ghetto de Varsovie d’aujourd’hui» sur les réseaux sociaux. Il a récemment confié à CBC News et au Globe and Mail qu’il n’était plus d’accord avec cet argument.

Il a rejeté les accusations selon lesquelles il aurait publié des articles comparant Israël à l’Allemagne nazie, comme le suggérait un article publié en 2015.

Une apparition que M. Dattani a faite à peu près au même moment dans un panel aux côtés d’un membre du Hizb ut-Tahrir, un groupe fondamentaliste islamique, a également été signalée comme préoccupante.

Le Conseil national des musulmans canadiens a défendu M. Dattani, affirmant qu’il s’attend à ce que «tout processus indépendant et équitable l’exonère complètement».

Il accuse ceux qui réclament son éviction de le «diffamer» pour avoir écrit sur des sujets de science politique tels que le terrorisme.

La récusation de Dattani demandée

D’importantes organisations juives ont demandé au gouvernement de reconsidérer cette nomination, et les conservateurs et le Bloc québécois estiment que M. Dattani devrait se retirer ou être remplacé. Les conservateurs ont également déclaré qu’ils annuleraient cette nomination s’ils formaient le prochain gouvernement.

M. Dattani a précédemment qualifié les allégations portées contre lui de non fondées et a déclaré qu’il maintenait son engagement en faveur des droits de l’homme.

Il n’a pas répondu à une demande de commentaire, mais son avocat a annoncé la semaine dernière dans un communiqué qu’il contesterait toute tentative visant à faire expulser son client.

Fin juin, le cabinet du ministre de la Justice, Arif Virani, a annoncé qu’il ouvrirait une enquête. Depuis lors, rien n’indique qu’un quelconque examen ait commencé.

«Je n’ai rien entendu concernant l’enquête, et je n’ai même pas vu le mandat», a indiqué Richard Marceau, vice-président du Centre d’Israël et des Affaires juives, dans une entrevue.

«Ce qui se passe est un peu flou», a-t-il ajouté.

M. Marceau a souligné que l’incident soulève des questions sur la manière dont la commission des droits de l’homme peut être fiable pour lutter contre l’antisémitisme à un moment où la haine en ligne augmente et où la police signale une augmentation des crimes connexes.

«Pouvons-nous vraiment faire confiance (…) au dispositif mis en place par le gouvernement pour lutter contre l’antisémitisme en ligne ? C’est une question légitime.»

Jaime Kirzner-Roberts, directrice des politiques et du plaidoyer au Centre des Amis de Simon Wiesenthal, a dit que son organisation était déçue de n’avoir pas eu de nouvelles de M. Virani.

«Comment est-il possible que le ministre, après sa nomination, ait ignoré certains faits fondamentaux découverts par une simple recherche sur Google ? demande Mme Kirzner-Roberts. Ce ne sont là que quelques-unes des questions auxquelles nous aimerions répondre par une enquête.»

Richard Robertson, directeur de la recherche et du plaidoyer de B’nai Brith Canada, a mentionné qu’il avait rencontré le bureau du ministre Virani et qu’on lui avait dit que l’enquête serait terminée avant l’entrée en poste de M. Dattani.

Le cabinet de M. Virani a confirmé jeudi que l’examen «devrait se terminer» d’ici le 8 août, mais a simplement ajouté que «des informations supplémentaires seront bientôt disponibles».

Moins d’un mois avant cette date, une source gouvernementale avait révélé qu’Ottawa étudiait des moyens de retarder l’arrivée de M. Dattani. La source a parlé sous couvert d’anonymat, car elle n’était pas autorisée à s’exprimer publiquement.

Le cabinet de M.Virani s’était précédemment engagé à rendre publics les résultats de tout examen.

Le député néo-démocrate Randall Garrison a fait savoir que son parti n’avait pas encore reçu d’échéancier clair quant à la date à laquelle le SCRS et la GRC termineraient leur examen.

«Les néo-démocrates insistent fortement pour que cet examen soit effectué le plus rapidement, le plus minutieusement et de la manière la plus transparente possible», a-t-il martelé dans un communiqué.

Plus tôt cette année, le gouvernement a proposé une loi qui permettrait à la Commission canadienne des droits de la personne d’entendre les plaintes pour discours haineux en ligne.

La loi sur les préjudices en ligne, qui propose également des sanctions plus sévères pour les crimes haineux et cherche à obliger les géants des médias sociaux à rendre des comptes pour les contenus préjudiciables, en est encore aux premiers stades du débat à la Chambre des communes.

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