Dominic LeBlanc s’est entretenu avec la GRC et le SCRS après l’attaque contre Trump

Jim Bronskill et Sidharta Banerjee, La Presse Canadienne
Dominic LeBlanc s’est entretenu avec la GRC et le SCRS après l’attaque contre Trump

OTTAWA — Des politiciens canadiens aux extrémités opposées du spectre idéologique ont souligné lundi la nécessité d’éviter d’enflammer les discussions au point d’inciter à la violence contre des personnalités publiques.

Une tentative d’assassinat de l’ancien président américain Donald Trump lors d’un rassemblement, samedi, en Pennsylvanie a suscité inquiétude et réflexion au nord de la frontière, où les politiciens ont constaté une augmentation constante des comportements menaçants.

La fusillade à Butler, en Pennsylvanie, a fait un mort et deux personnes grièvement blessées. Les autorités ont déclaré que le tireur avait été tué par le personnel des services secrets.

M. Trump, qui n’a pas été grièvement blessé, est à Milwaukee pour la Convention nationale républicaine.

Le président Joe Biden a déclaré dimanche qu’il avait ordonné un examen indépendant de la sécurité des événements ayant conduit à l’attaque contre son rival politique.

Le bureau du premier ministre a déclaré dimanche que Justin Trudeau s’était entretenu avec M. Trump, affirmant qu’il n’y avait pas de place pour la violence politique et exprimant ses condoléances aux victimes.

La GRC en charge

Le ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, s’est entretenu avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS). Il a indiqué que le gouvernement ne parlerait pas de mesures de sécurité spécifiques, mais s’est dit «confiant que la GRC fera ce qui est nécessaire pour protéger les dirigeants élus du Canada».

La porte-parole Marie-Ève Breton a affirmé que la GRC est en contact régulier avec des partenaires nationaux et internationaux concernant des questions de protection, notamment la fusillade en Pennsylvanie.

En plus du premier ministre et du gouverneur général, la GRC a pour mandat de protéger les ministres fédéraux et ceux désignés par le ministre de la Sécurité publique pour bénéficier d’une protection au cas par cas, a-t-elle souligné.

«Les mesures de protection sont fondées sur le renseignement et basées sur les dernières évaluations des risques et des menaces, des considérations de sécurité continues et un certain nombre d’autres facteurs.»

Les élus dénoncent unanimement la violence

M. LeBlanc a également affirmé avoir échangé des textos avec le chef conservateur Pierre Poilievre, dimanche, pour l’assurer que des mesures étaient en place.

Dans une entrevue radiophonique lundi avec Newstalk 1010, M. Poilievre a partagé qu’il avait demandé protection en réponse à des déclarations menaçantes.

«Certaines d’entre elles sont des menaces, d’autres sont des menaces implicites et d’autres encore sont du vitriol dont on peut dire qu’elles conduisent à la violence. Et beaucoup d’entre elles ont visé ma famille», a-t-il relaté.

«Il y a des fous qui pourraient faire quelque chose. Nous prenons toutes les précautions possibles , a-t-il poursuivi, ajoutant rapidement: Je dois parler aux gens et je ne vais pas arrêter de le faire.»

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a plaidé que les élus devaient s’abstenir d’enflammer le débat jusqu’au harcèlement ou à la violence.

«Je m’inquiète de l’augmentation de ce phénomène sur le forum politique en général. Je m’inquiète de cette polarisation», a-t-il indiqué, lundi, à Toronto.

« On doit être critique de nos adversaires politiques, on doit souligner comment leurs politiques auraient un effet négatif sur la vie des gens. C’est important, on ne doit pas hésiter», a-t-il ajouté dans un premier temps, avant de renchérir. «Mais il y a une différence entre critiquer les décisions et les politiques de nos adversaires et de dire que nos adversaires politiques sont nos ennemis. La violence n’a aucune place dans nos débats. Cette différence est importante, c’est la ligne rouge (à ne pas franchir).»

Aux dires de M. Singh, les élus ont aussi la responsabilité de se tenir loin de groupes faisant la promotion de la violence ou qui tiennent des propos extrémistes.

La première ministre de l’Alberta, Danielle Smith, a commenté lundi que la manière dont les politiciens conservateurs ont été qualifiés était scandaleuse, alléguant que cela avait conduit à l’atmosphère actuelle aux États-Unis.

«J’espère certainement que les politiciens progressistes ici feront attention à leur langage, car ils parlent des politiciens conservateurs de la même manière et ils doivent le modérer.»

Précédents

Un rapport des services de renseignement publié en mars indiquait que les menaces contre les personnalités politiques étaient devenues «de plus en plus normalisées» en raison de récits extrémistes motivés par des griefs personnels et alimentés par la désinformation ou des mensonges délibérés.

Le rapport de juin 2023, préparé par un groupe de travail fédéral qui vise à sauvegarder les élections, indique que les théories sans fondement, la désinformation et la mésinformation se sont propagées à un public plus large, exposant les utilisateurs en ligne à des récits qui portent atteinte à la science, aux systèmes de gouvernement et aux figures d’autorité traditionnelles.

«Les discours violents se concentrent régulièrement sur les élus, avec une hostilité particulière à l’égard des femmes de premier plan», indique le rapport.

Les accusations, les injures et les épisodes de violence ont rendu les élus de toutes allégeances politiques méfiants au Canada.

Un Manitobain a conduit un camion sur le terrain de la résidence officielle du gouverneur général en juillet 2020 et a percuté la porte. Il avait l’intention d’arrêter Justin Trudeau pour faire une déclaration sur les restrictions gouvernementales liées à la COVID-19 et son interdiction des armes à feu de type assaut. Il a finalement plaidé coupable à sept chefs d’accusation liés aux armes, dont celui de possession d’armes à feu dans un but dangereux pour la paix publique.

Un homme de Saint-Thomas, en Ontario, a plaidé coupable de voies de fait simples pour avoir jeté du gravier sur Trudeau lors d’un arrêt de campagne électorale en septembre 2021.

Des députés ont également été suivis dans la rue et menacés de mort ces dernières années.

La députée libérale de l’Ontario, Pam Damoff, a annoncé qu’elle ne se présenterait pas aux prochaines élections, affirmant que les menaces et la misogynie dont elle faisait l’objet lui faisaient craindre de sortir en public.

Le Centre fédéral intégré d’évaluation du terrorisme analyse régulièrement le paysage des menaces, y compris les dangers possibles pour les personnalités publiques.

Le commissaire de la GRC, Mike Duheme, a affirmé au printemps dernier que l’organisation constatait une augmentation des invectives dirigées contre les politiciens, y compris des commentaires des mêmes personnes à plusieurs reprises.

M. Duheme a déclaré qu’il souhaitait que le gouvernement envisage de rédiger une nouvelle loi qui permettrait à la police de porter plus facilement des accusations contre les personnes qui menacent les élus.

Cependant, le ministre de la Justice, Arif Virani, a par la suite laissé entendre que les dispositions existantes du Code pénal et les ressources policières étaient suffisantes.

Lundi, M. LeBlanc a reconnu qu’il y avait eu des menaces de violence contre des politiciens canadiens, mais il n’a pas voulu donner de détails sur leur nombre, à qui elles étaient adressées et d’où elles venaient.

«Cela peut en fait encourager d’autres personnes à se comporter et à faire des choses qui sont manifestement inacceptables dans une démocratie», a-t-il expliqué.

M. LeBlanc a déclaré qu’Ottawa avait accordé des fonds supplémentaires à la GRC au cours des deux dernières années pour s’assurer qu’elle dispose de «tous les outils et le personnel nécessaires».

Il a ajouté qu’il est également important de garantir la sécurité des politiciens lorsqu’il s’agit d’attirer les gens vers la vie publique.

«Si vous voyez des discussions sur les menaces de violence, sur l’intimidation, sur les attaques sur les réseaux sociaux, il va être plus difficile d’amener de bonnes personnes à se manifester et à se mettre au service de leurs communautés.»

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