La moitié des Ontariens soutiennent les employés de la LCBO, selon un sondage

Anja Karadeglija et Rosa Saba, La Presse Canadienne
La moitié des Ontariens soutiennent les employés de la LCBO, selon un sondage

Un peu moins d’un tiers des Ontariens disent vouloir que le gouvernement provincial intervienne pour mettre fin à la grève de 12 jours chez le principal détaillant de boissons alcoolisées de l’Ontario, tandis qu’environ la moitié d’entre eux appuient les revendications du syndicat en grève.

C’est ce qui ressort d’un nouveau sondage Léger qui demandait si le gouvernement devrait recourir à un arbitrage ou à une loi pour s’assurer que les magasins de la LCBO ouvrent leurs portes le plus tôt possible.

Parmi les répondants, 29 % sont en faveur d’une telle mesure, tandis que 44 % s’y opposent. Le sondage demandait également aux répondants s’ils soutenaient les objectifs déclarés du syndicat, notamment les augmentations de salaire et la création de postes permanents. Un peu moins de la moitié des répondants, soit 49 %, ont répondu par l’affirmative, tandis que 25 % ont indiqué qu’ils n’y étaient pas favorables.

Selon le sondage, les Ontariens sont bien au fait de la grève, puisque 89 % d’entre eux ont déclaré en avoir entendu parler, même si seulement 15 % ont déclaré avoir été personnellement touchés par le conflit.

Le sondage de Léger, réalisé le week-end dernier auprès de 601 résidents, ne peut être doté d’une marge d’erreur, car les sondages en ligne ne sont pas considérés comme des échantillons véritablement aléatoires.

Quelque 10 000 travailleurs de la LCBO ont débrayé le 5 juillet après l’échec des négociations. Le syndicat représentant les travailleurs a déclaré que les deux parties allaient retourner à la table des négociations mercredi.

Le Syndicat des employés de la fonction publique de l’Ontario (SEFPO) a déclaré que le principal problème était le plan d’expansion de la province, qui prévoit autoriser la vente de cocktails prêts à boire à l’extérieur des magasins de la LCBO. Selon le syndicat, cette mesure constitue une menace existentielle pour la LCBO et pourrait entraîner d’importantes pertes d’emplois.

Colleen MacLeod, présidente de l’unité de négociation du syndicat pour la LCBO, a déclaré que ce plan « entraînerait la perte de milliers d’emplois, une réduction du nombre d’heures de travail pour les 70 % de travailleurs occasionnels de la LCBO qui ont du mal à joindre les deux bouts, ainsi que la perte de centaines de millions de dollars de recettes publiques qui pourraient être consacrées aux soins de santé, à l’éducation et aux infrastructures ».

La LCBO, une société de la Couronne, rapporte à la province 2,5 milliards $ par an.

Lundi, le gouvernement de l’Ontario a accéléré son plan d’expansion. Les 450 magasins de l’Ontario déjà autorisés à vendre de la bière, du vin et des cidres pourront commencer à commander des panachés et des seltzers dès jeudi et les vendre dès qu’ils arriveront.

La province a affirmé qu’elle ne voulait pas privatiser la LCBO et que l’expansion visait à donner aux gens plus de choix et plus de commodité pour acheter de l’alcool.

Rallier l’opinion à sa cause

Stephanie Ross, professeure agrégée à l’école d’études syndicales de l’université McMaster, explique que le premier ministre Doug Ford n’a pas une excellente réputation en matière de relations sociales, compte tenu des conflits très médiatisés de ces dernières années avec les travailleurs des secteurs de la santé et de l’éducation.

Il a également été accusé de prendre des mesures politiques qui profitent à ses amis du secteur privé, un reproche qui lui a été adressé dans le cadre du conflit avec la LCBO.

«Le message du syndicat bénéficie d’un large soutien, tant en ce qui concerne les conditions de travail qu’il tente d’améliorer que le rôle que joue la LCBO dans le financement des services publics de la province», explique-t-elle.

Mais le public n’est peut-être pas aussi compréhensif à l’égard des travailleurs de la LCBO qu’il l’a été à l’égard de certains autres, comme lors de la grève des travailleurs de l’épicerie Metro l’année dernière, nuance la chercheuse – une mobilisation relativement simple de travailleurs mal payés qui luttaient pour se procurer de la nourriture contre une industrie accusée en partie d’être responsable de la hausse des prix des aliments.

«Au plus profond d’une crise historique du coût de la vie, je pense qu’il était plus facile d’éprouver de la sympathie pour ces travailleurs qui devaient vraiment se battre pour rattraper le terrain perdu», ajoute-t-elle.

Cela signifie que le syndicat de la LCBO a du pain sur la planche pour tenter de rallier le public à sa cause, selon Mme Ross, d’autant plus que les consommateurs sont déjà divisés sur la question de la privatisation des boissons alcoolisées. Elle estime toutefois que le syndicat fait du bon travail en défendant la LCBO comme un bien public qui aide à financer d’importants services publics.

D’après Larry Savage, professeur au département d’études sur le travail de l’université Brock, il est clair que le syndicat et le gouvernement Ford «travaillent d’arrache-pied pour gagner le public à leurs positions respectives».

Le syndicat dispose d’une «stratégie potentiellement puissante» pour attirer le soutien du public, mais ce n’est pas une stratégie infaillible, explique-t-il dans un courriel.

Cette stratégie «exige que les gens fassent le lien entre la privatisation de la LCBO et la perte d’une source de revenus essentielle qui contribue à hauteur de plusieurs milliards à des services publics tels que les soins de santé et l’éducation».

Entre-temps, la stratégie du gouvernement a consisté à essayer de tirer parti de la frustration des consommateurs à l’égard de la grève pour obtenir un soutien accru en faveur d’une privatisation, indique le chercheur.

«C’est une stratégie à haut risque, car une approche musclée peut parfois se retourner contre le gouvernement et susciter une plus grande sympathie pour les travailleurs et leur cause.»

Dans le sondage Léger, 32 % des personnes interrogées ont déclaré avoir cherché d’autres endroits pour acheter de l’alcool en raison de la grève, et 15 % ont dit craindre que la grève ne les amène à dépenser plus d’argent pour l’achat d’alcool.

Bien que de nombreux consommateurs soient probablement incommodés, M. Savage pense que la plupart des Ontariens se méfient des intentions du premier ministre lorsqu’il s’agit de la LCBO: «Il s’agit d’un cas classique où les profits privés l’emportent sur le bien public.»

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