De nombreux défis attendent la première femme chef d’état-major de la Défense

Sarah Ritchie, La Presse Canadienne
De nombreux défis attendent la première femme chef d’état-major de la Défense

OTTAWA — L’armée canadienne tournera une page d’histoire, jeudi, alors que Jennie Carignan sera promue au grade de général et prendra le commandement en tant que première femme nommée chef d’état-major de la Défense.

Son arrivée à la tête des forces armées survient alors que l’institution fait l’objet d’une surveillance critique, qu’elle tente d’inverser ce que le ministre de la Défense appelle une «spirale de la mort» dans le recrutement et cherche à réformer la culture toxique qui a donné lieu à la crise des inconduites sexuelles de 2021.

Au cours des trois dernières années, Mme Carignan a dirigé des efforts de réforme en tant que chef de la conduite professionnelle et de la culture. La pression exercée sur elle est cependant sur le point de s’accroître, avancent des observateurs.

«Aussi positive que soit la nomination de la première femme au poste de chef d’état-major de la Défense au Canada, cela ressemble à bien des égards à une situation de «falaise de verre», dans laquelle une femme est nommée en période de crise et de défis considérables», s’inquiète Maya Eichler, professeure d’études politiques et féminines à l’Université Mount Saint Vincent.

Ce qu’on appelle falaise de verre, c’est la notion selon laquelle de nombreuses femmes franchissent le «plafond de verre» pour accéder à des postes de direction uniquement lorsque l’organisation est déjà en difficulté, ce qui rend leur réussite plus difficile.

Charlotte Duval-Lantoine, chercheuse à l’Institut canadien des affaires mondiales et auteure d’un livre sur l’intégration des femmes dans l’armée canadienne, convient qu’il s’agit d’une réelle préoccupation.

La gestion des attentes

«Je pense que l’un des plus grands défis qui seront à relever, tant pour nous que pour elle, sera de gérer les attentes», a-t-elle déclaré.

Mme Duval-Lantoine a souligné qu’il y avait également de grandes attentes à l’égard d’Anita Anand, qui est devenue la deuxième femme ministre de la Défense du pays — et la première femme racisée à occuper ce poste — à la fin 2021.

À cette époque, l’armée était plongée dans des scandales depuis près d’un an, plusieurs hommes ayant été contraints de quitter leurs postes de direction après avoir été publiquement accusés d’inconduite sexuelle.

Mme Anand était ministre responsable lorsque l’ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour, a soumis un rapport externe sur la culture militaire appelant à une série de changements.

Le gouvernement a accepté les recommandations de Mme Arbour, notamment la création du bureau de déontologie professionnelle et de la culture, que Mme Carignan a dirigé.

À la fin de l’année dernière, Wayne Eyre, le chef d’état-major que Mme Carignan remplacera jeudi, a estimé qu’il faudrait probablement des années pour résoudre les problèmes de recrutements.

Les autorités estiment que plus de 16 000 postes dans les rangs militaires sont toujours vacants.

Mme Duval-Lantoine prédit que le personnel sera probablement le problème principal de la future chef de l’armée, et que la lenteur du processus de recrutement «doit être corrigée maintenant».

«Les Forces armées canadiennes n’ont pas besoin d’aide pour attirer des gens (…). L’année dernière, 70 000 personnes ont postulé. Seulement 4000 ont été sélectionnés», note-t-elle.

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