Un père poursuit le gouvernement de T.-N.-L. pour la mort de son fils dans une prison

Sarah Smellie, La Presse Canadienne
Un père poursuit le gouvernement de T.-N.-L. pour la mort de son fils dans une prison

ST. JOHN’S, N.L. — Un père de St. John’s poursuit le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador à la suite du décès de son fils l’année dernière dans la plus grande prison de la province.

Une déclaration déposée le mois dernier par Jerome Flynn auprès de la Cour suprême provinciale allègue que son fils, Seamus Flynn, est décédé faute d’avoir reçu des soins médicaux en temps opportun au pénitencier de Sa Majesté à St. John’s.

La poursuite affirme que Seamus Flynn a été soumis à des agressions routinières et à des conditions brutales qui ont rendu l’installation inhabitable».

Will Hiscock, l’avocat de Jerome Flynn, a mentionné que son client et lui avaient initialement demandé au ministère provincial de la Justice de tenir une enquête publique sur la mort de Seamus Flynn. Lorsque le ministère a refusé, il a intenté une action en justice.

Me Hiscock a affirmé que M. Flynn préférerait que le gouvernement tienne une enquête publique, car cela ferait la lumière sur les conditions auxquelles les détenus sont confrontés dans la prison et demanderait des comptes à la province.

«Il s’agit d’un problème systémique, a mentionné M. Hiscock dans une entrevue. C’est vraiment un fléau pour notre système judiciaire, la façon dont le (pénitencier) a été géré au fil des ans.»

Seamus Flynn est décédé le 2 décembre 2023 après avoir été transporté à l’hôpital, a confirmé le ministère de la Justice de Terre-Neuve-et-Labrador aux journalistes ce mois-là. Le ministère a précisé qu’il s’agissait d’une «mort subite». M. Flynn avait 35 ans.

Ses demandes de soins auraient été refusées

La poursuite allègue que M. Flynn, fils, «est décédé des suites de complications résultant de conditions inhumaines et d’agressions brutales de la part du personnel de l’établissement». On y indique que M. Flynn avait «un besoin évident» de soins médicaux urgents, mais qu’il avait été laissé dans sa cellule «sans surveillance et sans assistance». Ces soins ont été soit refusés, soit retardés, malgré les «multiples plaintes de mauvaise santé» de Flynn, selon la déclaration de son père.

«Ce jeune homme robuste et en bonne santé n’aurait pas dû mourir s’il avait reçu les soins appropriés, s’il avait été traité humainement», a avancé Me Hiscock.

L’avocat a également parlé d’un reportage de CBC News dans lequel M. Flynn avait téléphoné à un journaliste et allégué qu’il avait été violemment battu par des gardiens le 11 octobre, environ un mois et demi avant sa mort.

Me Hiscock estime que l’affaire est encore nouvelle et qu’il n’avait pas encore reçu de déclaration de défense ni de documents préalables du gouvernement provincial. Mais il soupçonne que les coups présumés pourraient avoir «contribué à son état d’affaiblissement qui l’a finalement fait succomber à ce qui aurait pu être une infection pulmonaire, ou autre chose».

Les allégations n’ont pas été présentées devant les tribunaux et la province n’a pas voulu commenter les allégations de la poursuite. La Royal Newfoundland Constabulary a déclaré mardi qu’elle avait enquêté sur les circonstances de la mort de M. Flynn et n’avait trouvé aucune raison de porter des accusations.

La poursuite affirme que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador est responsable du fait d’autrui pour les actions des agents correctionnels et des autres membres du personnel du pénitencier, et elle réclame des dommages-intérêts, y compris les frais funéraires.

Cependant, Me Hiscock a rappelé que l’objectif plus large est d’obtenir des réponses pour Jerome Flynn sur la mort de son fils et de «mettre en lumière le type de traitement que les détenus du pénitencier de Sa Majesté reçoivent depuis des années».

Confessions de détenus

La Presse canadienne s’est entretenue avec plusieurs détenus du pénitencier de Sa Majesté qui ont affirmé que Seamus Flynn avait été battu par des gardiens en octobre 2023. Ce mois-là, le ministère provincial de la Justice a déclaré qu’il y avait eu des troubles dans la prison le 11 octobre et que le l’établissement a été verrouillé.

«Un détenu a subi des blessures mineures et a reçu des soins médicaux», avait confirmé le porte-parole du département, Eric Humber, dans un courriel d’octobre 2023.

Richard Driscoll était un détenu et un représentant des codétenus du pénitencier lorsque Seamus Flynn est décédé. Il a déclaré à la Presse canadienne dans une entrevue de décembre 2023 que les responsables de la prison avaient dit aux détenus que Flynn était mort de la grippe. À ce moment-là, une maladie pseudo-grippale sévissait dans la prison et plusieurs détenus étaient tombés très malades.

Driscoll a rapporté que Flynn avait été «très gravement agressé» par des gardes en octobre 2023.

Robert Belbin, qui a été incarcéré sur le même terrain que Seamus Flynn, a corroboré le récit de Richard Driscoll dans une entrevue accordée à La Presse canadienne en janvier 2024.

Belbin a relaté que les gardes avaient battu Flynn le 11 octobre 2023, après une manifestation. «Seamus est sorti ensanglanté et son visage était enflé», a témoigné le prisonnier.

«Ils l’ont traîné dehors», pour l’emmener dans une cellule d’isolement, appelée ‘le trou’», a-t-il expliqué. «Les gens présents pouvaient voir son visage blessé alors qu’il était emmené», a-t-il ajouté.

Flynn était resté au trou pendant environ neuf jours, a poursuivi Belbin, ajoutant que Flynn avait essayé de tenir le coup au début, mais a finalement commencé à dire aux agents correctionnels qu’il était très malade.

Le jour de la mort de Flynn, les détenus pouvaient l’entendre se débattre et s’étouffer dans sa cellule, a rapporté M. Belbin. Ils ont commencé à frapper à leurs portes pour attirer l’attention des agents correctionnels, afin qu’ils fassent quelque chose pour l’aider.

«Il aurait pu être transporté d’urgence à l’hôpital plus tôt, a avancé Belbin. Quand il a quitté (le trou), il ressemblait à un homme qui allait mourir. Ce n’est pas quelque chose qu’on oublie du jour au lendemain.»

Le pénitencier de Sa Majesté a été construit en 1859 et compte parmi les prisons provinciales en activité les plus anciennes du pays. Les problèmes de rongeurs et de moisissures sont bien documentés et les conditions à l’intérieur de l’établissement sont dénoncées depuis longtemps par les détenus, les avocats et les politiciens.

La prison abrite des détenus de sexe masculin à sécurité moyenne et maximale, y compris des personnes en détention provisoire de longue durée et ceux en attente de transfert vers une prison fédérale.

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