Alors que Jasper brûle, ses citoyens et visiteurs se remémorent de bons souvenirs

Robert Weber, La Presse Canadienne

MONTRÉAL — Les nuages noirs qui s’échappent des incendies qui ravagent le parc national Jasper, en Alberta, contiennent bien plus que l’odeur du bois calciné et de la terre brûlée. Pour des milliers de Canadiens et d’amoureux de la montagne partout dans le monde, c’est l’odeur de souvenirs précieux qui partent en fumée.

«C’est une énorme quantité d’histoire et de souvenirs qui sont maintenant perdus», déplore Alexis Keinlen, un écrivain d’Edmonton qui se souvient du mariage d’un ami à l’hiver 2015.

Avant la cérémonie, les invités s’étaient rassemblés en soirée sur les rives du lac Agnes, sur le terrain du Jasper Park Lodge, aujourd’hui au moins partiellement incendié. Les invités ont serré des tasses de chocolat chaud autour d’un feu crépitant ou ont lacé leurs patins pour faire un tour sur la glace.

L’obscurité du lac et la clarté du ciel semblaient «surnaturelles», se souvient Mme Keinlen.

«On pouvait voir toutes les étoiles au-dessus. C’était vraiment énorme, relate-t-elle. Une de mes amies a donné à son enfant le nom de Jasper. »

Il y a dix ans, Kelley Ware vivait à Prince George, en Colombie-Britannique, et son mari vivait à Edmonton. Toutes les quelques semaines, ils se donnaient rendez-vous à Jasper.

«C’était tout à fait fondamental pour construire notre relation. Mon mari a un tatouage de Pyramid Mountain», confie-t-elle.

Pour Janet Millar, les souvenirs remontent à plusieurs générations. Son arrière-grand-père faisait partie d’une équipe de construction routière à Jasper en 1948 lorsqu’il a remarqué que des terrains étaient en vente autour du lac Edith. Lui et sa femme en ont fait le tour, ont choisi leur endroit préféré et ont construit l’année suivante la cabane qui appartient depuis lors à la famille.

«C’est l’odeur d’une vieille cabane en rondins dans laquelle on a servi beaucoup de bacon, de crêpes et de sirop. C’est la vue de vieux meubles dont personne ne peut supporter de se séparer», a-t-elle témoigné.

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Les réseaux sociaux étaient inondés jeudi de souvenirs des propositions, des mariages et des lunes de miel de Jasper.

Il y a les générations de skieurs qui ont fait la fête au pub Whistle Stop ou à l’hôtel Athabasca, connu localement sous le nom d’Atha-B, un lieu incontournable depuis 1929. Les familles qui se sont préparées aux aventures de la journée chez Smitty’s. Les vacanciers du monde entier qui se sont rencontrés et ont bavardé dans les spas des hôtels.

Parmi les autres éléments qui fourmillent la mémoire du parc: le siège social en pierre des champs de Parcs Canada, en face de l’endroit où les voyageurs du train débarquaient pour admirer la vue, la statue insolente en fibre de verre de Jasper l’ours amical, frottée depuis les années 1960 par les mains des enfants ou les wapitis en bordure de route qui broutent avec désinvolture.

Les souvenirs de Jasper ne sont pas principalement des paillettes et du bling-bling. C’est un endroit pour tout le monde.

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