Ottawa songe à l’intelligence artificielle pour certains services fédéraux

Anja Karadeglija, La Presse Canadienne

OTTAWA — Des agents conversationnels gérés par l’intelligence artificielle pourraient être mis en place pour aider la population à naviguer dans les eaux des services fédéraux.

C’est l’un des moyens que le gouvernement canadien envisage de mettre en place dans sa future politique sur l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les services publics qui doit être lancée en mars.

Stephen Burt, dirigeant principal des données du gouvernement du Canada, dit que les centres d’appel du secteur privé utilisent déjà des agents conventionnels, ces logiciels pouvant communiquer de façon bidirectionnelle avec un interlocuteur en langage naturel, pour aider les employés à répondre de façon juste et rapide aux clients.

«Je peux imaginer un nombre d’applications semblables pour les services offerts par le gouvernement canadien, de l’assurance-emploi à la sécurité de vieillesse en passant par le processus d’immigration», lance-t-il.

Les fonctionnaires peuvent aussi utiliser l’intelligence artificielle pour trier le grand volume de données gouvernementales, ajoute M. Burt. Au Conseil du Trésor, par exemple, les employés sont responsables des finances, de l’embauche et des moyens techniques utilisés par la fonction publique.

«Il y a plusieurs documents qui sont volumineux et qui comptent un grand nombre de mots. Il est difficile pour les fonctionnaires de comprendre quelle solution est la plus apte à résoudre un problème», souligne M. Burt.

Le gouvernement fédéral est en train de concevoir une politique sur l’utilisation de l’intelligence artificielle. Il espère l’annoncer au mois de mars. Le but est d’encourager les ministères à tenter des expériences afin qu’ils puissent déterminer ce qui fonctionne ou non.

«On ne peut pas tout faire d’un coup. Je ne sais pas moi-même ce qui sera la meilleure solution», dit M. Burt.

Certaines applications seront-elles interdites ? Le fonctionnaire de haut rang dit qu’il est encore trop tôt pour en parler. Il concède toutefois que le gouvernement devra se montrer plus prudent dans certains secteurs.

Generative AI applications can produce text and images based on vast amounts of data fed into them.

La fonction publique a commencé à incorporer l’intelligence artificielle dans certaines de ses activités. Joanna Redden, une professeure agrégée de l’Université Western, a compilé une banque de données documentant des centaines de cas dans lesquels le gouvernement fédéral a utilisé l’intelligence artificielle pour des prévisions sur la recette fiscale d’une taxe donnée, le tri des demandes de visa, le dépistage d’une plante invasive ou la recherche d’une baleine.

Elle souhaite que le gouvernement surveille mieux sa propre utilisation de l’intelligence artificielle, qu’il soit plus transparent à ce sujet, mais il est peu vraisemblable qu’il modifiera son approche dans sa future stratégie.

L’Union européenne interdit l’utilisation de l’IA dans certains cas, mentionne la Pr Redden. Par exemple: l’identification biométrique à distance en temps réel dans des lieux publics, des systèmes de reconnaissance des émotions sur le lieu de travail et les écoles ou les systèmes visant à évaluer une personne en fonction de son comportement social.

En mai, la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, avait déclaré que l’IA générative «ne serait généralement pas utilisée» lorsqu’il s’agit de processus confidentiels comme ceux impliquant des documents confidentiels du cabinet.

Selon Teresa Scassa, professeure de droit à l’Université d’Ottawa, la législation portant sur les activités gouvernementales devrait être mise à jour. «[La Loi sur la protection des renseignements personnels] n’est pas adaptée à une société de l’information sans parler de l’intelligence artificielle», avance-t-elle.

L’utilisation de l’IA générative est un enjeu à cause des risques qu’elle puisse ingérer des renseignements confidentiels ou personnels.

«Quelqu’un pourrait décider de commencer à répondre à des courriels en utilisant l’IA générative. Comment y réagira-t-on ? Quel genre de renseignement sera ingéré dans le système et qui va tout vérifier?», demande la Pr Scassa.

Elle s’interroge aussi sur les recours possibles pour une personne qui reçoit un mauvais renseignement d’un agent conversationnel.

Fenwick McKelvey, un professeur agrégé de l’Université Concordia, souhaite que le gouvernement envisage d’incorporer l’intelligence artificielle. Il suggère notamment l’utilisation d’agents conversationnels pour «aider les utilisateurs à comprendre et à naviguer parmi les nombreux et complexes services.»

Ces agents conversationnels pourraient aussi s’assurer que les documents gouvernementaux sont plus accessibles et plus lisibles. Ils pourraient ainsi aider une personne à remplir sa déclaration de revenus.

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