Le mari d’Alice Munro avait refusé en 2005 de s’adresser au tribunal après avoir plaidé coupable d’agression sexuelle sur la fille de l’écrivaine, mais il a été souligné par la Couronne qu’il avait fait don de 10 000 $ à un programme destiné aux victimes, selon une transcription du tribunal.
Gerald Fremlin avait plaidé coupable d’«attentat à la pudeur» devant un tribunal de Goderich, en Ontario, le 11 mars 2005 – un aveu qui n’a pas été connu jusqu’à ce que sa belle-fille, Andrea Skinner, évoque les mauvais traitements qu’elle avait subis pendant son enfance, dans un billet publié par le «Toronto Star» plus tôt ce mois-ci.
Après avoir prononcé le mot «coupable» et qu’un exposé conjoint des faits ait été lu au tribunal, le juge John Kennedy, de la Cour supérieure de l’Ontario, a demandé à Fremlin s’il souhaitait dire quelque chose. L’inculpé a refusé, selon la transcription obtenue par La Presse Canadienne.
Avant cela, la Couronne a souligné que Fremlin avait fait un «don important» de 10 000 $ au programme de lutte contre les agressions sexuelles de la région de York.
La déclaration de la victime a été déposée en preuve, mais le tribunal a appris qu’Andrea Skinner ne souhaitait pas être présente pour la lire elle-même au juge.
La déclaration n’a d’ailleurs pas été lue à haute voix au tribunal; la transcription révèle que le juge a pris quelques minutes pour parcourir lui-même les quatre pages.
«La déclaration de la victime semble faire référence à plus que ce qui est devant le tribunal, en termes de comportement illicite», a ensuite souligné le juge.
«Et ces choses sont niées, votre honneur», a répondu l’avocat de Fremlin, Paul Ross.
Dès l’âge de neuf ans
Dans son billet au Toronto Star, Andrea Skinner écrit que les agressions sexuelles et le harcèlement de Fremlin ont commencé en 1976, alors qu’elle avait neuf ans, et se sont poursuivis pendant plusieurs années, lors de ses visites chez sa mère Alice Munro à Clinton, en Ontario.
Elle écrit qu’après que Fremlin soit monté dans le lit où elle dormait et l’ait agressée sexuellement – le crime qui a conduit à l’accusation d’«attentat à la pudeur» près de 30 ans plus tard –, il a continué à faire des commentaires obscènes et lui montrer ses parties génitales pendant leurs trajets en voiture.
Mme Skinner soutient que sa mère Alice Munro a finalement appris les agressions mais a pris fait et cause pour Fremlin plutôt que de défendre sa fille. Cette révélation embarrasse depuis les communautés littéraires et universitaires du Canada et d’ailleurs dans le monde, qui ne savent plus quoi faire avec l’oeuvre de cette lauréate du prix Nobel de littérature en 2013.
Alice Munro est décédée en mai dernier à l’âge de 92 ans, plus d’une décennie après la mort de son conjoint Fremlin.
Andrea Skinner a écrit que les agressions sexuelles et la trahison de sa mère l’avaient laissée «en guerre contre elle-même» et aux prises avec le silence de sa famille.
La transcription du tribunal montre que le juge Kennedy s’est demandé si les gestes posés par Fremlin étaient directement liés au besoin de thérapie de Mme Skinner «20 ans plus tard, voire presque 30 ans plus tard».
«Dois-je considérer que les soins mentionnés dans cette déclaration de la victime sont liés ou non à ce qui a été admis?», a demandé le juge.
«Je ne peux pas accepter, à partir du peu de preuves que j’ai entendues aujourd’hui au sujet de ce comportement illicite, que tout ce qui est contenu dans la déclaration de la victime en soit une conséquence.»
La Couronne a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de commenter toutes les raisons pour lesquelles Mme Skinner avait besoin d’une thérapie.
Le tribunal a appris que la proposition visant à ce que Fremlin purge une peine avec sursis assortie de deux ans de probation avait été acceptée par toutes les parties impliquées. L’avocat de la défense a souligné que la victime aussi était d’accord avec cette peine.
