Un premier «prisonnier d’opinion» reconnu par Amnistie internationale en sol canadien

Dylan Robertson, La Presse Canadienne
Un premier «prisonnier d’opinion» reconnu par Amnistie internationale en sol canadien

OTTAWA — Amnistie internationale demande la «libération inconditionnelle» d’un chef autochtone de la Colombie-Britannique qui purge une peine d’assignation à résidence de deux mois pour outrage au tribunal. Amnistie internationale le qualifie même de «tout premier prisonnier d’opinion reconnu» par l’organisme en sol canadien.

Le chef Dsta’hyl, qui représente l’un des clans de la première nation Wet’suwet’en, avait été arrêté en 2021 pour avoir violé une ordonnance du tribunal qui interdisait d’entraver la construction du gazoduc Coastal GasLink.

Le chef, également connu sous le nom d’Adam Gagnon, représente le clan Likhts’amisyu au sein de la nation Wet’suwet’en.

«Les industries qui exploitent les ressources naturelles ont été protégées par le gouvernement et encouragées à continuer de piller la terre», a déclaré mercredi le chef Dsta’hyl lors d’une conférence de presse à Ottawa, où il est apparu par vidéo depuis son domicile, qu’il ne peut quitter. «C’est à nous, en tant que peuple Wet’suwet’en, de protéger la terre.»

Amnistie internationale affirme que le chef autochtone a été «injustement criminalisé et privé de sa liberté», tout comme d’autres personnes qui défendaient leurs terres et leurs droits lors d’une urgence climatique.

L’organisme international considère qu’un prisonnier d’opinion est une personne non violente «qui a été emprisonnée ou soumise à d’autres restrictions physiques (comme l’assignation à résidence)» uniquement en raison de ses convictions politiques, religieuses ou autres convictions de conscience, ou de son identité. Lorsqu’elle déclare une personne prisonnière d’opinion, Amnistie internationale «exige toujours sa libération immédiate et inconditionnelle», indique l’organisation.

«Nous nous trouvons devant vous aujourd’hui dans un moment d’injustice profonde et urgente», a déclaré David Matsinhe, directeur politique de la section canadienne d’Amnistie internationale.

«Sa condamnation et son assignation à résidence envoient un message effrayant à tous les peuples autochtones du Canada: défendre vos droits et vos terres ancestrales est un crime et vous serez punis pour cela.»

C’est la première fois qu’Amnistie internationale reconnaît un «prisonnier d’opinion» au Canada. L’organisation demande «la levée immédiate et inconditionnelle de son assignation à résidence» et la fin de la criminalisation des défenseurs des terres des Wet’suwet’en «dans un contexte d’urgence climatique globale».

Au cabinet du ministre fédéral de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, on a renvoyé une demande de commentaires à la direction des poursuites pénales de la Colombie-Britannique ainsi qu’au Service des poursuites pénales du Canada. Le service fédéral a ensuite répondu que le dossier ne relevait pas de sa compétence.

Amnistie internationale reconnaît qu’elle désigne souvent des prisonniers d’opinion dans des pays où des personnes sont arbitrairement détenues et torturées en prison. Mais l’organisme insiste sur le fait que le cas du chef Dsta’hyl répond également aux critères requis pour cette désignation.

L’organisme souligne que l’ordonnance du tribunal était injuste parce qu’elle interdisait des activités qui devraient pourtant être protégées au Canada par le droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’expression, garanti par la Charte canadienne des droits et libertés.

Gabrielle Pauzé, directrice des opérations pour Amnesty International Canada francophone, a soutenu que ces personnes «sont criminalisées pour défendre des terres, des ressources, un territoire qui leur appartient alors qu’au Canada, on a des lois qui garantissent qu’ils peuvent accéder à et utiliser ces terres, ces territoires, ces ressources-là».

«Il y a un non-respect des lois canadiennes, des traités internationaux», a-t-elle estimé mercredi.

La directrice pour les Amériques d’Amnesty International, Ana Piquer, a en outre suggéré que le pipeline, qui a depuis été achevé, n’est pas un projet légitime compte tenu de la crise climatique actuelle.

Les partisans du gazoduc affirment qu’il offrira une option de combustible fossile moins émettrice, le gaz naturel liquéfié, pour les pays qui utilisent actuellement le charbon.

Le chef Dsta’hyl affirme que le pipeline a perturbé les habitats du saumon que son peuple s’efforce de conserver depuis des décennies, dans une zone déjà confrontée à d’importantes coupes à blanc et à une expansion industrielle. Il a soutenu mercredi qu’Ottawa avait choisi d’empocher des millions alors que les Autochtones en tirent peu d’avantages.

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