OTTAWA — Affaires mondiales Canada prévient les quelque 21 000 Canadiens au Liban qu’ils ne peuvent pas compter sur des vols d’évacuation du gouvernement si jamais la guerre ravage ce pays.
L’agence affirme que 21 399 Canadiens se sont officiellement enregistrés comme se trouvant au Liban, mais elle s’attend à ce que beaucoup plus de Canadiens soient effectivement présents dans ce pays.
Ottawa exhorte depuis des mois les Canadiens à quitter le Liban ou à ne pas s’y rendre. Mais des groupes de la diaspora libanaise affirment que nombre de Canadiens ont poursuivi leurs projets de voyage, notamment pour rendre visite à des proches.
Des pays pairs qui n’avaient pas encore recommandé à leurs ressortissants de quitter le Liban l’ont fait ces dernières semaines, alors que s’intensifient les tensions entre Israël et les militants du Hezbollah.
Le Canada planifie depuis octobre dernier une éventuelle évacuation de ses ressortissants et a dépêché du personnel militaire au Liban et à Chypre pour s’y préparer. Mais Ottawa prévient que ces évacuations ne sont pas toujours possibles dans l’urgence.
Et mercredi, le gouvernement a une fois de plus exhorté les Canadiens à quitter le Liban immédiatement. «Certaines compagnies aériennes ont déjà suspendu temporairement leurs services vers l’aéroport international Rafic Hariri de Beyrouth, prévient le gouvernement sur le média social X. D’autres perturbations dans les transports sont probables, notamment des fermetures d’espaces aériens, des annulations de vols et des déroutements.»
La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a également publié un avertissement sur X. Elle y a indiqué que les citoyens canadiens et les résidents permanents qui sont au Canada et qui envisagent de visiter le Liban ne devraient pas y aller, et que ceux qui sont actuellement au Liban devraient revenir.
«Si les tensions s’intensifient, la situation sur le terrain pourrait ne pas nous permettre de vous aider et vous ne pourrez pas partir. Planifiez en conséquence», a prévenu la ministre.
Selon la Montréalaise d’origine libanaise Lamia Charlebois, de nombreux Canadiens au Liban doivent choisir entre rester au pays et prendre soin de leurs parents âgés, ou bien rentrer plus tôt au Canada avec leurs enfants pour la rentrée scolaire.
«Nous sommes déchirés (…) entre la patrie et la terre adoptive, les parents et les enfants. C’est ça le problème», a déclaré Mme Charlebois, qui gère un groupe Facebook de plus de 13 000 membres dédié à l’aide aux nouveaux arrivants libanais à Montréal.
«C’est toujours le même dilemme: attendre un peu et voir comment ça se passe, rester avec ta famille, prendre soin de tes parents, attendre un peu et risquer de rester coincé, ou bien partir dès maintenant tant que tu le peux, en laissant tes parents sous les bombes.»
Haute saison pour le Liban
Israël a mené mardi une frappe rare sur la capitale libanaise, Beyrouth, qui, selon l’État hébreu, aurait permis d’éliminer un haut commandant du Hezbollah au Liban. Selon Israël, ce commandant aurait été à l’origine d’une attaque à la roquette, samedi dernier, qui a tué 12 jeunes sur le plateau du Golan, sous contrôle israélien.
La frappe israélienne en banlieue sud de Beyrouth, mardi, a tué au moins une femme et deux enfants, et blessé des dizaines de personnes.
Lorsque les Libano-Canadiens visitent le Liban, ce n’est souvent pas pour faire du tourisme, a rappelé Mme Charlebois. Mais leurs inquiétudes à l’égard du pays se sont intensifiées depuis le 7 octobre, de nombreux Libanais se sentant pris dans la guerre impliquant Israël, le Hamas et le Hezbollah.
Natasha Feghali, 28 ans, militante et éducatrice canado-libanaise à Windsor, en Ontario, a des parents au Liban, y compris de la famille canadienne qui visite ce pays du Proche-Orient. Elle a déclaré qu’elle était de plus en plus inquiète pour eux à mesure que les tensions montent dans la région.
«Les gens que je connais qui sont en vacances [là-bas] ont déjà réservé des billets pour partir plus tôt», a-t-elle déclaré.
Mme Feghali souligne que l’été est normalement la haute saison pour les Canadiens d’origine libanaise qui visitent leur pays. Elle s’est dite particulièrement préoccupée par le sort des familles qui n’ont pas la double nationalité et qui n’auront d’autre choix que de rester là-bas si la situation devait se détériorer.
«J’espère que ça n’arrivera pas, a-t-elle déclaré à propos d’un embrasement dans la région. Et je suis très inquiète si c’est le cas: où iraient-ils?»
Dans sa rubrique «conseils aux voyageurs», le gouvernement canadien écrit: «vous ne devriez pas dépendre du gouvernement du Canada pour un départ assisté ou une évacuation».
«Depuis octobre 2023, le gouvernement du Canada recommande aux Canadiens de quitter le Liban pendant que des options commerciales sont encore disponibles», ajoute Ottawa.
Affaires mondiales Canada précise aussi dans un communiqué que «les évacuations assistées par le gouvernement d’un pays étranger sont une option de dernier recours, lorsque tous les moyens de transport personnels et commerciaux ont été épuisés et que la sûreté et la sécurité de ses citoyens sont compromises».
Le Canada a récemment utilisé des avions militaires pour extraire des ressortissants de situations de crise en Israël et au Soudan vers des pays voisins. Ces ressortissants devaient ensuite acheter des billets sur des vols commerciaux pour rentrer au pays.