Une version en langue ojibwée du premier «Star Wars» arrive au grand écran

Brittany Hobson, La Presse Canadienne
Une version en langue ojibwée du premier «Star Wars» arrive au grand écran

WINNIPEG — Gi-ga-miinigoowiz Mamaandaawiziwin.

Les amateurs de la saga culte «Star Wars» sont peut-être plus familiers avec la traduction française de cette expression — «Que la Force soit avec vous» — mais bientôt les cinéphiles pourront découvrir le succès hollywoodien de 1977, doublé en langue ojibwé.

La Guerre des étoiles ou «Anangong Miigaading» paraîtra pour la première fois en ojibwé (ou anishinaabemowin).

C’est la deuxième fois que «Star Wars, épisode IV: Un nouvel espoir» est officiellement traduit dans une langue autochtone, la première étant la langue navajo en 2013.

«Vous pouvez le sentir dans de notre communauté. Ça va être énorme», lance Theresa Eischen, membre de la Première nation de Little Grand Rapids, dans le nord-est du Manitoba. C’est elle qui double la princesse Leia dans cette version de l’œuvre.

Le premier film de la série de science-fiction de George Lucas présente de nombreux héros populaires, dont Leia, l’aspirant chevalier Jedi Luke Skywalker, Han Solo et son copilote Wookiee Chewbacca, ainsi que le grand méchant Dark Vador.

Le projet est le résultat d’une collaboration entre le Conseil tribal Dakota Ojibway, l’Université du Manitoba, Disney/Lucasfilm et APTN.

Cary Miller, cheffe de projet et professeure agrégée en études autochtones à l’Université du Manitoba, prévoit que la version doublée rendra la langue plus accessible, en particulier pour une jeune génération qui n’a pas grandi avec elle en raison de la colonisation et du système de protection de l’enfance.

«Si nous pouvons renforcer ce langage à travers les films, les jeux vidéo et les médias que les enfants veulent consommer après leur retour de l’école, même s’il s’agit d’une école d’immersion, alors nous créons plus de lieux de contact et plus d’occasions pour que la langue fasse tout simplement partie de la façon dont nos jeunes pensent et agissent», explique Mme Miller.

Elle ajoute que des projets comme celui-ci ne diminuent pas l’importance fondamentale de l’apprentissage des langues autochtones par le biais de liens avec les aînés ou de la vie sur les terres. Au contraire, explique-t-elle, ça démontre que de nombreux jeunes autochtones ont un accès limité à ce genre d’opportunités.

Les producteurs ont choisi l’ojibwé parce qu’il s’agit de la langue autochtone la plus parlée au Manitoba, en Ontario et au Minnesota, avec environ 320 000 locuteurs au Canada et aux États-Unis.

Se rassembler autour de la langue

Trois traducteurs ont dirigé le projet. Cela a commencé par une relecture du film, suivie de longues heures autour d’une table de salle à manger, à se pencher sur les transcriptions.

«Le projet a donné lieu à des conversations très riches pendant le processus de traduction», célèbre M. Miller.

Par exemple, comment transmettre des mots comme «hyperdrive» en un concept connu dans les communautés ojibwé. Dans certains cas, il a fallu diviser un mot en deux parties. Pour la question des noms propres, ils sont restés les mêmes, ce qui signifie qu’il n’y a pas de traduction de Tatooine, la planète natale de Luke Skywalker.

Le projet rassemble un large éventail de talents et de locuteurs ojibwés multigénérationnels. Le doublage s’est déroulé sur 10 jours à Winnipeg, avec un mixage final au studio de Skywalker Sound en Californie.

«Nous sommes tous des étrangers… mais nous avons tous des expériences communes qui nous connectent à cette expérience, que ce soit à travers Star Wars ou à travers l’Ojibwé. Nous collaborons tous ensemble pour que ça se développe», souligne Ajuawak Kapashesit, qui vient de Moose Factory en Ontario et de la nation White Earth au Minnesota.

Faire partie d’un projet «Star Wars» qui promeut la revitalisation de la langue ojibwée est un rêve devenu réalité pour M. Kapashesit, qui double Han Solo.

L’acteur et réalisateur d’ascendance ojibwée et crie est un amateur de longue date de la franchise. L’une de ses premières expériences cinématographiques a été de découvrir la saga sur grand écran.

Dennis Chartrand, membre de la nation Minegoziibe Anishinabé au Manitoba, également connu sous le nom de la première nation Pine Creek, s’est préparé toute sa vie à assumer le rôle de l’un des méchants les plus reconnus de la culture populaire.

L’instructeur ojibwé de longue date plaisante en disant qu’il était déjà célèbre dans la communauté avant de doubler Dark Vador.

M. Chartrand estime que les locuteurs pourront se connecter au film grâce à la langue, mais aussi à travers les sujets abordés.

«Il y a un côté obscur, dit-il, cédons-nous au fait de ne pas parler notre langue, cédons-nous à la société dominante? Ou continuons-nous à lutter pour l’harmonie avec la terre, notre peuple, notre langue et notre culture? Ce film en est synonyme de tout ça».

Le film devrait être présenté en première jeudi à Winnipeg, une diffusion limitée débutera samedi dans d’autres marchés sélectionnés. Il fera ensuite ses débuts sur Disney+ et APTN.

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