Une enveloppe de 8 M $ sur cinq ans pour protéger des grands singes et des éléphants

Mia Rabson, La Presse Canadienne
Une enveloppe de 8 M $ sur cinq ans pour protéger des grands singes et des éléphants

OTTAWA — Un projet de loi visant à interdire la détention d’éléphants et de grands singes en captivité au Canada pourrait coûter jusqu’à 8 millions $ à administrer en cinq ans, a affirmé le directeur parlementaire du budget (DPB) dans une nouvelle analyse, jeudi.

Le gouvernement fédéral a qualifié cette conclusion de spéculative, soulignant qu’elle est basée sur une loi qui n’a même pas encore été adoptée.

Les coûts estimés sont en grande partie associés à la construction et à l’administration d’un nouveau système de données pour suivre les animaux. À l’heure actuelle, il y a 23 éléphants et environ 30 gorilles, chimpanzés et orangs-outans qui vivent en captivité au pays.

Le gouvernement a présenté le projet de loi S-15 au Sénat en novembre dernier, s’appuyant sur un projet de loi d’initiative parlementaire similaire proposé plus tôt par le sénateur de la Saskatchewan Marty Klyne. Il devrait faire l’objet d’un vote final au Sénat cet automne avant d’être débattu pour la première fois à la Chambre des communes.

La législation vise à interdire l’acquisition ou la reproduction d’éléphants et de grands singes, qui comprennent les gorilles, les chimpanzés et les orangs-outans.

Les éléphants déjà en captivité pourraient rester, mais de nouveaux permis ne seraient délivrés qu’à des fins de conservation ou de bien-être animal. La reproduction sans autorisation serait interdite.

Quinze des éléphants actuellement en captivité sont nés dans des zoos canadiens, quatre sont nés dans la nature et les autres sont nés dans des installations en Europe, aux États-Unis et en Asie.

Un montant qualifié d’exorbitant

Le sénateur conservateur Don Plett, qui s’oppose au projet de loi, a demandé au directeur parlementaire du budget d’en évaluer le coût.

L’analyse publiée jeudi a conclu que sa mise en œuvre pourrait coûter jusqu’à 2 millions $ par an au cours des trois premières années, et 1 million $ par an au cours des deux années suivantes.

Le DPB a précisé que ce chiffre est basé en partie sur des données d’Environnement et Changement climatique Canada concernant le nombre d’employés supplémentaires dont il aurait besoin. Il a ajouté qu’il existe une certaine incertitude quant au coût de la création et de la maintenance d’une nouvelle base de données pour suivre les animaux.

M. Plett a qualifié ce chiffre d’exorbitant.

«Dépenser un minimum de 8 millions $ pour essayer de réparer quelque chose qui n’est pas brisé est en soi un horrible gaspillage de l’argent des contribuables», a-t-il fait valoir.

Un porte-parole du ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a qualifié cette analyse de prématurée.

«Les estimations du rapport du DPB sont très spéculatives, car cette législation fait actuellement l’objet d’un débat au Sénat et à la Chambre des communes, et aucune conclusion ne peut encore être tirée sur les implications financières futures», a recadré Oliver Anderson.

Il a souligné que le projet de loi ne nécessite pas de nouvelles entités bureaucratiques et que s’il est adopté, le gouvernement décidera de la manière la plus efficace de le mettre en œuvre, ce qui pourrait inclure l’utilisation du personnel et des systèmes existants.

M. Anderson a ajouté que le gouvernement pourrait également choisir de récupérer une partie des coûts en facturant des frais aux zoos concernés. Aucune décision à ce sujet n’a été prise, et elle ne le sera pas à moins que le projet de loi ne soit adopté.

Population

L’Encyclopédie des éléphants, une base de données en ligne sur les éléphants en captivité créée par le dresseur d’éléphants suédois Dan Koehl, a identifié 153 éléphants détenus en captivité depuis les années 1970 dans 26 zoos et cirques canadiens ou par des particuliers.

Aujourd’hui, il y a 18 éléphants au African Lion Safari près de Hamilton, en Ontario, trois au Zoo de Granby et deux au Parc Safari à Hemmingford, au Québec, et un au Zoo d’Edmonton Valley, en Alberta.

Le Zoo de Granby a déclaré en 2022 qu’il avait l’intention de relocaliser ses trois éléphants — Thandi, 34 ans, Sarah, 40 ans, et Tutume, 25 ans — mais cela n’a pas encore eu lieu.

Le Zoo d’Edmonton Valley a subi des pressions pour déplacer Lucy, une éléphante de 48 ans qui vit là depuis l’âge de deux ans, mais a annoncé en décembre dernier qu’elle ne pouvait pas voyager pour des raisons de santé.

Les grands singes du Canada comprennent cinq chimpanzés sauvés au sanctuaire de la faune de Carignan, au Québec, sept gorilles et sept orangs-outans au zoo de Toronto, quatre gorilles au zoo de Granby et sept gorilles au zoo de Calgary.

Les défenseurs du bien-être animal affirment que l’interdiction proposée est nécessaire pour protéger les animaux contre les dangers, notamment les hivers froids du Canada.

Marty Klyne, qui n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaires, avait dit l’automne dernier qu’il existe au Canada de merveilleux programmes de conservation visant à restaurer les populations de grands singes, qui sont en voie de disparition ou en danger critique d’extinction dans la nature.

Mais il a déploré qu’il n’y avait aucune défense à la détention d’éléphants, qui sont également en voie de disparition dans la nature, dans les zoos canadiens. Il a cité des études qui suggèrent que les éléphants ont des taux de fertilité plus faibles et des taux de mortalité plus élevés en captivité.

M. Plett est d’un avis différent.

«Je pense que ces animaux, s’ils pouvaient parler — et bien sûr les défenseurs des droits des animaux croient qu’ils le peuvent — s’ils pouvaient parler, j’ai le sentiment que ces éléphants diraient : ‘Je préfère être à Hamilton et être bien soigné dans cet établissement plutôt que quelque part à me battre pour survivre contre les braconniers dans mon pays d’origine’», a-t-il illustré.

Les zoos et aquariums accrédités du Canada contestent les affirmations du projet de loi selon lesquelles il est cruel de garder des éléphants et des grands singes en captivité.

L’organisation a déclaré qu’elle ne pensait pas que la possession ou l’élevage de tels animaux en captivité devrait devenir une infraction pénale, et que les réglementations existantes protègent déjà les animaux.

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