Les États-Unis durcissent les règles d’asile à la frontière canadienne

Kelly Geraldine Malone, La Presse Canadienne
Les États-Unis durcissent les règles d’asile à la frontière canadienne

WASHINGTON — Le ministère américain de la Sécurité intérieure a annoncé que les personnes demandant l’asile à la frontière avec le Canada disposeront de moins de temps pour consulter un avocat avant de présenter leur dossier, alors que l’arrêt des demandes d’asile du président Joe Biden se dirige aux portes du Canada.

M. Biden a annoncé en juin des changements radicaux visant principalement la frontière entre les États-Unis et le Mexique, car l’enjeu reste une épine dans le pied des démocrates avant les élections de novembre. Les nouveaux changements de procédure, confirmés par le ministère mardi, affecteront les immigrants qui traversent aux États-Unis depuis le Canada, dont l’augmentation récente a attiré l’attention des républicains.

Le ministère de la Sécurité intérieure affirme avoir examiné l’Entente sur les tiers pays sûrs avec le Canada et conclu qu’il pourrait simplifier le processus sans affecter l’accès à des procédures équitables pour déterminer une demande d’asile.

En vertu de cet accord, en vigueur depuis 2004, les réfugiés doivent demander l’asile dans le premier des deux pays où ils atterrissent.

«Énorme signal d’alarme»

Le changement de procédure signifie que les personnes entrant aux États-Unis en provenance du Canada auront désormais quatre heures pour consulter un avocat. Il s’agit d’une réduction significative par rapport au délai de 24 heures précédent, a indiqué Kathleen Bush-Joseph, analyste politique au Migration Policy Institute à Washington, D.C.

«Cela rend les choses incroyablement difficiles quand on pense à la façon dont les prestataires de services juridiques fonctionnent», a-t-elle affirmé.

Le changement signifie également que les agents des frontières ne prendront en compte que les preuves documentaires que les demandeurs d’asile auront avec eux à leur arrivée. Les personnes qui fuient pour sauver leur vie n’ont généralement pas leurs effets personnels avec elles, a souligné Mme Bush-Joseph, «et encore moins des tonnes de documents de persécution».

Ottawa n’avait pas répondu à une demande de commentaires au moment de publier.

«C’est un énorme signal d’alarme, a prévenu Jamie Chai Yun Liew, professeure de droit à l’Université d’Ottawa. Cela soulève vraiment la question de savoir si les États-Unis respectent ou non leurs obligations internationales.»

Elle faisait partie d’une équipe juridique qui est intervenue lorsque l’accord s’est retrouvé devant la Cour suprême du Canada. La Cour a statué l’année dernière que le pacte avec les États-Unis était constitutionnel.

Le premier ministre Justin Trudeau et le président Biden ont mis à jour l’Entente sur les tiers pays sûrs à peu près au même moment pour combler une lacune qui permettait aux personnes qui contournaient les passages frontaliers officiels de déposer une réclamation.

Cela a entraîné une baisse spectaculaire du nombre de personnes traversant au Canada en provenance des États-Unis par des passages frontaliers non officiels, mais le nombre de personnes voyageant dans la direction opposée a commencé à augmenter.

Renforcer les processus

Les données du Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis montrent que les agents ont placé 12  612 personnes en détention le long de la frontière internationale avec le Canada au cours des six premiers mois de 2024. Cette forte augmentation — contre 12 218 pour toute l’année 2023 — est devenue un sujet de discussion pour les républicains, car l’immigration et la sécurité des frontières restent un handicap politique pour les démocrates.

Le sénateur républicain de la Floride, Marco Rubio, a envoyé une lettre au secrétaire à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, le mois dernier, l’exhortant à renforcer les processus de vérification le long de la frontière canado-américaine.

«La possibilité que des terroristes traversent la frontière canado-américaine est profondément préoccupante compte tenu de la profonde pénétration du Hamas dans la société gazaouie», a écrit M. Rubio dans la lettre, après que le Canada a promis d’augmenter les visas temporaires pour les résidents de Gaza qui cherchent à rejoindre des membres de leur famille dans le pays.

Donald Trump, l’ancien président américain et candidat républicain, a martelé ses critiques sur la sécurité des frontières et l’immigration sous l’administration Biden lors d’une longue conversation avec le milliardaire de la technologie Elon Musk, lundi soir.

M. Trump a répété que la frontière était le problème de la vice-présidente Kamala Harris et a affirmé que la candidate démocrate présumée à la présidence n’était «pas une femme intelligente».

Obstacles supplémentaires

Les nouvelles règles à la frontière canado-américaine reflètent les changements de contraintes temporelles apportés à la frontière américaine avec le Mexique plus tôt cette année.

Mme Bush-Joseph a affirmé que les avocats ont déjà vu les retombées de cette politique. Quatre heures ne suffisent généralement pas pour prendre connaissance des antécédents d’un demandeur d’asile, savoir s’il est admissible à des exemptions et le préparer à l’entretien, a-t-elle souligné. Dans certains cas, il y a des obstacles supplémentaires, comme le fait de ne pas parler la même langue ou l’impossibilité pour l’avocat de consulter les documents.

Mme Liew a dit comprendre les gouvernements qui tentent de faire face à un arriéré et à de longs délais de traitement, mais selon elle, les nouveaux délais ne permettent pas de garantir aux personnes une audience équitable.

«Ils ne parviennent pas à équilibrer les intérêts d’une circulation efficace des personnes à la frontière et de garantir que nous respectons les obligations qui sont dues à ces personnes.»

– Avec des informations de l’Associated Press

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