Épidémie de variole simienne en Afrique: «il peut y avoir des débordements au Canada»

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Épidémie de variole simienne en Afrique: «il peut y avoir des débordements au Canada»

MONTRÉAL — La recrudescence de la variole simienne (mpox) dans certains pays d’Afrique est surveillée de près par l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). L’un des variants plus dangereux risque de se propager au Canada, bien que globalement la santé publique évalue le risque à faible de contracter la mpox.

Benoit Barbeau, professeur au département des sciences biologiques de l’UQAM et expert en virologie, croit que ce n’est qu’une question de temps avant que le sous-variant problématique qui sévit en Afrique n’arrive en sol canadien. «Le fameux sous-variant Ib, il va arriver au Canada. Je ne dis pas qu’il va créer des problèmes énormes, mais ça nous rappelle que ces virus peuvent évoluer», dit-il.

Il existe deux principaux variants de la variole simienne. Celui qui est présent en ce moment au Canada est le clade II, qui n’est pas le plus inquiétant. Le clade I est un variant plus dangereux. «Ce qui est inquiétant en Afrique en ce moment, notamment dans la République démocratique du Congo, est qu’il y a un nouveau variant du groupe I qui est plus infectieux, plus transmissible et plus dangereux», a commenté M. Barbeau.

«Je pense qu’on n’a pas à s’inquiéter outre mesure, mais en ce moment, avec l’automne qui arrive, on va avoir un cocktail de virus respiratoires alors on ne veut pas ajouter trop d’agents infectieux», explique l’expert.

En date du 12 août, 164 cas de variole simienne ont été signalés au Canada depuis le début de l’année 2024. Le ministère de la Santé du Québec a fait savoir que 10 cas ont été recensés dans la province durant cette période. Cela est nettement inférieur aux 527 cas rapportés en 2022 pendant l’épidémie.

Le ministère de la Santé s’attend à détecter des cas sporadiques au Québec, «surtout durant la période estivale en raison des voyages et à la suite d’une légère recrudescence par rapport à 2023 dans certaines régions, dont les États-Unis et l’Ontario». Il rappelle que la vaccination est toujours offerte auprès des personnes à risque.

Trop peu, trop tard pour la vaccination

La plupart des cas au Canada ont été contractés à l’intérieur du pays, ce qui laisse supposer «une transmission localisée et continue». L’ASPC a indiqué que la gravité des cas au pays reste faible et que les hospitalisations sont rares. Aucun décès n’a été signalé à ce jour.

M. Barbeau estime qu’un effort mondial pour la vaccination en Afrique, en amont de la recrudescence qui se produit présentement, aurait pu éviter au virus de muter de cette façon. «C’était des pays endémiques, alors le virus était déjà là, mais il y a eu une augmentation suffisante pour que le virus évolue. Le fait qu’on a permis cette transmission plus active a mené à des sous-variants», explique-t-il.

«On veut contenir, mais aussi être capable de gérer les cas d’infection plus graves. Ce virus risque de se rajouter — probablement pas de façon alarmante — mais ça en fait un de plus. Et on aurait pu mieux agir si on avait été capable de vacciner plus activement la population africaine dans les pays les plus touchés plutôt que de les laisser de côté.»

«C’est ce laisser-aller qui peut créer plus de problèmes et même si c’est sur le continent africain que ça agit maintenant, il peut y avoir des débordements, des épidémies plus locales au Canada», avertit M. Barbeau.

L’OMS déclare l’urgence de santé publique

Cette semaine, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré l’urgence de santé publique de portée internationale en raison de l’augmentation du nombre croissant de pays touchés en Afrique et de l’émergence d’une nouvelle souche du clade I de la mpox. Les recommandations de l’OMS sur cette situation seront publiées dans les prochains jours.

Affaires mondiales Canada dit collaborer avec Gavi — l’organisme qui tente de s’assurer que différents vaccins pour différentes maladies soient distribués de façon équitable à travers le monde. Le Canada étudie la possibilité de faire des dons afin de garantir que les vaccins parviennent à ceux qui en ont le plus besoin.

M. Barbeau souligne l’importance d’acheminer les vaccins dans les pays qui en ont besoin. «On sait qu’il risque d’arriver des cas d’infection ici, mais il faut quand même agir là où l’intensité de la transmission est la plus haute», fait-il valoir.

Le gouvernement du Canada assure qu’il possède un approvisionnement suffisant en vaccins contre la variole simienne pour les besoins de ses provinces et territoires. Il a mentionné qu’il explorait aussi d’autres voies pour soutenir la réponse mondiale en étroite collaboration avec l’OMS et Gavi.

«Ce qui est stocké au Canada en termes de doses vaccinales contre le virus de la variole et contre le virus de la variole simienne, on n’a pas des doses énormes, affirme M. Barbeau. Donc, je ne sais pas où en sont rendues les discussions, mais c’est certain qu’on ne pourra pas leur envoyer des millions de doses.»

L’expert en virologie précise que d’acheminer des vaccins n’est pas la seule façon d’aider. «Il y a toute une logistique derrière la distribution des doses dans des régions qui sont un peu moins accessibles à travers les différents pays africains, dit-il. Alors ce n’est pas nécessairement si simple que cela. C’est une chose d’en envoyer, cela en est une autre de pouvoir s’assurer qu’on puisse vacciner les gens. […] Mais c’est certain que si les doses ne sont pas là, on ne peut rien faire.»

Depuis juillet 2022, l’Agence de la santé publique du Canada surveille le virus de la mpox par le biais de la surveillance des eaux usées. Des tests sont effectués pour détecter le clade I et le clade II. Pour l’instant, aucun cas de clade I n’a été déterminé au Canada.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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