Des chaussées perméables pour des villes plus résilientes aux inondations

Stéphane Blais, La Presse Canadienne
Des chaussées perméables pour des villes plus résilientes aux inondations

MONTRÉAL — Afin de rendre les villes plus résilientes aux inondations causées par les changements climatiques, des chercheurs développent des revêtements de chaussée plus perméables, afin de permettre à l’eau de s’écouler à travers les rues plutôt que de ruisseler à la surface et de se retrouver dans les sous-sols des résidences.

De plus en plus au Québec, le phénomène se répète: des pluies torrentielles surchargent les réseaux souterrains qui ne sont pas adaptés pour avaler de telles quantités d’eau, des égouts refoulent, des rues se transforment en piscine et des maisons sont inondées.

Pour rendre les villes plus résilientes aux changements climatiques, il faut donc permettre à l’eau de pluie de s’infiltrer dans le sol sans passer par les réseaux souterrains, en rendant par exemple, des stationnements, des trottoirs et des rues perméables.

Au-delà des solutions basées sur la nature comme les trottoirs éponges, le «béton poreux», «l’asphalte perméable» ou encore les «pavés avec des joints perméables» sont autant de revêtements qui peuvent être utilisés pour rendre les villes plus résilientes aux inondations, a expliqué Sophie Duchesne, professeure à l’INRS et spécialiste de la gestion de l’eau en milieu urbain.

Toutefois, il est plus simple de rendre perméable un stationnement ou une piste cyclable qu’une rue ou un boulevard, en raison notamment de ce qui se trouve sous la chaussée.

«Quand on utilise une surface perméable, il faut quand même envoyer l’eau quelque part, donc ça prend une chaussée en dessous qui va pouvoir stocker l’eau» et «souvent dans les rues, sous la chaussée, on a les conduites d’eau potable, les conduites de gaz, d’égouts», ce qui complique le stockage de l’eau, a expliqué la professeure Duchesne, qui travaille avec des municipalités pour les aider à gérer l’eau pluviale.

L’exemple de Rivière-Du-Loup

À travers la province, des projets pilotes se développent pour rendre des stationnements, des pistes cyclables ou des portions de rues plus perméables, par exemple à Rivière-Du-Loup, dans le Bas-Saint-Laurent.

L’ingénieur municipal Pascal Gamache a expliqué à La Presse Canadienne que la Ville a d’abord réalisé deux tests avec de l’asphalte poreux, dans deux stationnements et «dans les deux cas, on a des résultats satisfaisants».

On obtient de l’asphalte poreux en réduisant les matériaux fins dans le mélange, ce qui laisse de l’espace pour permettre à l’eau de s’infiltrer.

Les tests réalisés par la Ville ont montré que ce type de chaussée peut absorber une quantité importante d’eau pluviale, mais le revêtement n’est pas sans faille, particulièrement en climat nordique.

Avec «ce genre d’infrastructure», a expliqué Pascal Gamache, «il faut éviter le plus possible de mettre du sel de déglaçage ou des abrasifs».

Les sels utilisés sur les routes l’hiver peuvent «boucher les pores» du revêtement et donc diminuer sa capacité à absorber l’eau. Ce revêtement nécessite donc un entretien particulier avec des jets d’eau à haute pression, entre autres.

La Ville a également fait l’essai d’un autre type de chaussée qui absorbe l’eau pluviale, en installant des «pavés perméables» en bordure de deux rues.

Les «pavés perméables», ce sont essentiellement des blocs de béton, mais «plutôt que de les lier avec du sable polymère», qui rendrait la chaussée étanche, «on utilise du gravier qui permet l’infiltration de l’eau», a indiqué l’ingénieur.

Ces projets ont donné «de bons résultats», jusqu’à présent a-t-il ajouté.

«Ce qu’on veut dans le futur, ce n’est pas juste de capter l’eau et de l’amener d’un point A à un point B, on veut qu’elle reste dans le sol, on veut éviter le parcours de l’eau dans les canalisations pour éviter la surcharge du réseau», a résumé l’ingénieur.

Le défi du trafic lourd

À certains endroits aux États-Unis, les solutions de rechange aux revêtements de route traditionnels, comme le béton perméable (pervious concrete), gagnent en popularité selon la chercheuse et assistante-professeure à l’Université de Washington Nara Almeida.

«Je vis dans l’État de Washington (…) et ici, c’est un matériel très populaire, on peut l’utiliser pour les trottoirs, mais il peut aussi être très efficace pour les rues à faible trafic», a expliqué celle dont les recherches portent sur les matériaux durables pour la fabrication de chaussées.

«Toutefois, l’une des difficultés que l’on rencontre lorsqu’on veut l’appliquer sur des routes où le trafic est lourd, c’est que le béton perméable n’est pas aussi solide que le béton traditionnel et il ne peut pas être renforcé», a expliqué la chercheuse.

Les routes de béton armé, construites pour le trafic lourd, sont constituées de tiges d’acier pour renforcer la structure.

«Mais on ne peut pas utiliser l’acier dans les routes en béton perméable, car l’eau va causer de l’oxydation», a expliqué Nara Almeida en ajoutant qu’elle étudie actuellement différents matériaux qui pourraient rendre le béton drainant «plus fort».

Selon cette chercheuse américaine, l’un des avantages indirects de ce type de revêtement est qu’il filtre les contaminants présents dans le ruissellement des eaux pluviales.

«Toutes sortes de pollution se retrouvent dans les eaux de ruissellement, par exemple, la pollution causée par les pneus de véhicules, et l’eau de ruissellement peut transporter cette pollution dans les rivières, les lacs, jusqu’à l’océan», mais le béton perméable capte et «filtre une partie de ces polluants».

Seulement qu’une partie de la solution

Les revêtements comme l’asphalte poreux ou le béton perméable peuvent absorber l’eau de pluie et rendre les villes plus résilientes aux changements climatiques, mais ils représentent qu’une partie de la solution.

Pour atténuer les conséquences des inondations dans les quartiers résidentiels, «il y a plusieurs choses qu’on peut faire», a expliqué la professeure Sophie Duchesne, comme, par exemple, de rapetisser la largeur des rues.

«Si on diminue du tiers la largeur d’une rue, on aura au moins diminué du tiers la quantité d’asphalte, donc du tiers la quantité de surface imperméable qui va générer des eaux de ruissellement qu’on va devoir gérer.»

Même si les rues sont en «asphalte imperméable traditionnel, on peut quand même envoyer les eaux de ruissellement des rues vers des zones qui sont perméables, par exemple des trottoirs qui vont être remplis de végétation, puis de matériel drainant», a-t-elle ajouté en faisant référence à ce qui est communément appelé trottoir éponge ou parc éponge.

Déminéraliser certains sols, donc retirer l’asphalte inutile pour laisser des espaces naturels absorber l’eau de pluie, est reconnue comme une mesure efficace d’adaptation aux changements climatiques.

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