TORONTO — L’Ontario s’apprête à interdire les sites de consommation et de traitement situés à moins de 200 mètres des écoles et des garderies, ce qui entraînera la fermeture de 10 établissements.
La province présentera également à l’automne un projet de loi qui interdirait aux municipalités ou aux organisations de lancer de nouveaux sites de consommation ou de participer au programme d’approvisionnement plus sûr du gouvernement fédéral, qui prévoit que des médicaments sur ordonnance soient donnés aux personnes plutôt que des médicaments achetés dans la rue.
Cette annonce de la ministre de la Santé, Sylvia Jones, fait suite à deux examens des sites que le gouvernement a ordonnés après le meurtre d’une femme de Toronto, atteinte par une balle perdue lors d’une fusillade à proximité de l’un de ces centres.
Karolina Huebner-Makurat se promenait dans son quartier de Leslieville, au sud-est de Toronto, peu après midi le 7 juillet 2023, lorsqu’elle a été touchée par une balle alors qu’une bagarre éclatait entre trois trafiquants de drogue présumés.
Cinq des 10 sites qui devront fermer en raison des nouvelles règles sont situés à Toronto. Les cinq autres sont à Ottawa, Kitchener, Thunder Bay, Hamilton et Guelph.
La province créera plutôt 19 nouveaux «centres de traitement pour les sans-abri et les toxicomanes» ainsi que 375 logements très bien équipés, pour un coût de 378 millions $.
«Les collectivités, les parents et les familles de l’Ontario ont clairement indiqué que la présence de sites de consommation à proximité des écoles et des garderies entraîne de graves problèmes de sécurité», a déploré Mme Jones.
«Nous devons faire davantage pour protéger la sécurité publique, en particulier pour les jeunes écoliers, tout en aidant les gens à obtenir le traitement dont ils ont besoin. C’est pourquoi nous franchissons la prochaine étape pour élargir l’accès à une large gamme de services de traitement et de rétablissement, tout en assurant la sécurité des enfants et des collectivités», a ajouté la ministre.
Dans un récent document d’orientation sur la consommation d’opioïdes, l’Association des municipalités de l’Ontario (AMO) a demandé à ses membres d’adopter une approche plus collaborative et a soutenu que les sites de consommation permettent de sauver des vies.
«Les sites de consommation supervisée sont un élément important de l’approche de réduction des méfaits en Ontario, a écrit l’AMO. Une récente étude a révélé une réduction de 42 % du taux de mortalité par surdose à Toronto après la mise en place de sites de consommation supervisée.»
Le gouvernement Ford a introduit le modèle de services de consommation et de traitement en 2018, affirmant qu’il se concentrerait sur la mise en relation des personnes avec un traitement, plutôt que sur le modèle précédent de consommation supervisée.
À l’époque, la province avait fixé un plafond de 21 sites de ce type dans la province. Elle n’en a cependant financé que 17.
Il existe d’autres sites de consommation supervisée dans la province qui ont reçu l’approbation du gouvernement fédéral, mais pas de financement provincial, et deux d’entre eux dans le nord de l’Ontario ont récemment fermé leurs portes par manque de fonds.
Une annonce mal reçue
La nouvelle de mardi du gouvernement a provoqué la colère des travailleurs de la réduction des méfaits, dont l’une qui œuvre dans l’un des sites dont la fermeture est prévue.
«J’ai eu le cœur brisé, a témoigné Hannah Stahl, infirmière autorisée dans l’un des sites et codirectrice du réseau Street Nurses Network. Mes patients vont être laissés pour compte.»
Mme Stahl a expliqué qu’elle aide les gens à se faire tester pour diverses maladies et les met en contact avec des conseillers, ou à s’inscrire sur une liste pour un logement ou à remplir des formulaires pour obtenir une pièce d’identité.
Elle a ajouté qu’elle est en mesure de fournir des soins de santé, souvent quotidiennement, à ses patients qui, autrement, craignent le système de santé.
Des fermetures bienvenues
Mais les fermetures imminentes sont les bienvenues pour ceux qui vivent près du centre de santé communautaire South Riverdale, où Mme Huebner-Makurat a été abattue, a souligné Derek Finkle.
Il s’est dit «tout à fait d’accord» avec la nouvelle approche de la province visant à éloigner les sites des écoles.
M. Finkle, qui vit en face du site et qui est un journaliste qui a écrit sur le sujet, a dit avoir vu des cas de consommation de drogue ouverte, de bagarres, de trafic de drogue et de tonnes d’aiguilles usagées. Il y a deux écoles et six garderies à proximité, a-t-il souligné.
«Une conséquence inévitable de ces sites est qu’ils attirent un certain nombre de trafiquants de drogue, dont certains portent des armes à feu et d’autres se battent et tuent ensuite des passants innocents», a-t-il témoigné.
«Il est insensé que South Riverdale existe à une adresse à laquelle la province interdirait de détenir un permis pour être un dispensaire de cannabis.»
La réglementation provinciale stipule que les magasins de cannabis ne doivent pas être à moins de 150 mètres d’une école.
Crise des opioïdes
Les opioïdes se sont emparés de la province depuis que des versions illicites du fentanyl ont commencé à envahir les rues il y a 10 ans.
Ces décès ont augmenté pendant la pandémie de COVID-19. En 2021, le taux de mortalité par intoxication aux opioïdes a atteint un sommet de 19,3 décès pour 100 000 personnes, selon les données du Bureau du coroner en chef. Cette année-là, 2858 personnes sont mortes d’opioïdes, dont la grande majorité contenait du fentanyl, un opioïde particulièrement puissant.
De plus en plus de personnes qui meurent des opioïdes sont trouvées avec d’autres substances, telles que des benzodiazépines, de la cocaïne et de la méthamphétamine. Et près de 5 % des décès survenus en 2024 jusqu’à présent contiennent de la xylazine, couramment utilisée par les vétérinaires comme tranquillisant.
Ce taux de mortalité est tombé à 17,5 décès pour 100 000 personnes, soit 2593 personnes, en 2023. Ces chiffres sont nettement pires que les taux d’avant la pandémie, qui enregistraient 10,7 décès, soit 1559 personnes, pour 100 000, selon les données du coroner.
La majorité des décès par intoxication aux opioïdes, soit près de 70 %, surviennent dans des maisons privées, selon les données du coroner.
Plus de 600 personnes sont décédées d’une intoxication aux opioïdes en Ontario au cours du premier trimestre de cette année, ce qui représente une légère baisse par rapport à la même période en 2023.