La cheffe de l’APN promeut un accord avec le fédéral sur la protection de l’enfance

Alessia Passafiume, La Presse Canadienne
La cheffe de l’APN promeut un accord avec le fédéral sur la protection de l’enfance

OTTAWA — La cheffe nationale de l’Assemblée des Premières Nations (APN) affirme qu’il existe 47,8 milliards de raisons pour lesquelles les chefs devraient accepter un accord de réforme de la protection de l’enfance avec le Canada, mais une éminente experte en protection de l’enfance les avertit de bien lire les petits caractères.

La cheffe nationale Cindy Woodhouse Nepinak fait la promotion d’un accord qui verrait le gouvernement fédéral réserver 47,8 milliards $ sur 10 ans pour réformer le système de protection de l’enfance des Premières Nations.

L’accord a été conclu après des décennies de plaidoyer et de litiges de la part des Premières Nations et des experts, cherchant à réparer des décennies de discrimination contre les enfants des Premières Nations qui ont été arrachés à leurs familles et placés en famille d’accueil parce que les systèmes de protection de l’enfance dans les réserves n’étaient pas financés pour fournir des services qui pourraient garder les familles unies.

Le gouvernement fédéral est responsable de la protection de l’enfance dans les réserves, et les gouvernements provinciaux, des programmes de protection de l’enfance le sont partout ailleurs. Mais le financement d’Ottawa n’était égal à celui des provinces qu’en ce qui concerne les familles d’accueil, car il devait payer les agences provinciales pour fournir ce service aux tarifs provinciaux.

L’APN devrait ratifier l’accord lors d’une assemblée spéciale en septembre, si les chefs acceptent son contenu.

«Le Canada a poursuivi ses politiques coloniales — il a attaqué nos nations en retirant nos enfants de leurs parents, de leurs foyers et de leurs communautés pendant des générations», a rappelé Mme Woodhouse Nepinak lors d’une conférence de presse à Winnipeg mardi.

«L’accord de règlement final représente une étape importante vers l’amélioration spectaculaire des services aux enfants des Premières Nations après des générations d’abus aux mains des systèmes fédéraux et provinciaux de protection de l’enfance en dirigeant les fonds vers les Premières Nations», a-t-elle ajouté.

Cindy Blackstock, de la First Nations Child and Family Caring Society, qui a contribué à lancer la plainte initiale qui a mené à l’accord, s’est entretenue mardi avec les chefs de la Saskatchewan au sujet du projet d’accord.

«D’après ce que je sais maintenant, ce n’est pas une bonne chose pour nos enfants. Je pense que nous pouvons faire beaucoup mieux», a-t-elle déploré lors d’un événement organisé pour discuter de l’accord.

«Et la meilleure façon de faire est de s’assurer qu’il s’agit d’un processus inclusif et transparent dans lequel les personnes qui travaillent avec les familles et les dirigeants des communautés participent au processus.»

Mme Woodhouse Nepinak, quant à elle, a défendu l’accord à Winnipeg.

«Le Canada a poursuivi ses politiques coloniales — il a attaqué nos nations en retirant nos enfants de leurs parents, de leurs foyers et de leurs communautés pendant des générations», a-t-elle rappelé lors d’une conférence de presse.

«L’accord de règlement final représente une étape importante vers l’amélioration spectaculaire des services aux enfants des Premières Nations après des générations d’abus aux mains des systèmes fédéraux et provinciaux de protection de l’enfance en dirigeant les fonds vers les Premières Nations», a-t-elle ajouté.

Critiques

Mme Blackstock dit se demander comment l’APN est censée présenter aux chefs des informations nuancées sur l’accord de règlement, car une clause de l’accord leur demande de le promouvoir et de le défendre publiquement.

«À mon avis, la consultation consiste en quelque sorte à donner aux gens la vérité, c’est-à-dire les inconvénients des choses», a souligné Mme Blackstock lors d’une entrevue.

«Il ne s’agit pas de vendre un accord. Il s’agit de dire: “Voici les différentes options, et voici les avantages et les inconvénients tels que nous les voyons” », a-t-elle poursuivi.

Mme Blackstock s’est également demandé pourquoi le Canada ne joue pas un rôle plus important dans les consultations, étant donné qu’il a le devoir de consulter les Premières Nations, et non l’APN.

«Ils ne sont nulle part en vue», a-t-elle déploré.

«Ils semblent mettre ces organisations des Premières Nations à l’écart pour qu’elles mènent leurs consultations. Mais en réalité, le ministre devrait être sur le terrain pour parler aux chefs.»

Anispiragas Piragasanathar, porte-parole de Services aux Autochtones Canada, a déclaré dans un communiqué que le Canada «ne devrait pas et ne dira pas aux organisations des Premières Nations comment mobiliser leurs propres membres».

Mme Woodhouse Nepinak a défendu la clause mardi, affirmant qu’il est important que les chefs régionaux s’adressent à leurs assemblées et que la promotion de l’accord garantit que davantage de personnes en soient informées.

«En fin de compte, les Premières Nations décideront si cet accord va de l’avant ou non , a réitéré Mme Woodhouse Nepinak. Elles peuvent modifier n’importe quelle clause qu’elles souhaitent. Elles peuvent recommander n’importe quelle clause qu’elles souhaitent modifier.»

«Où est le processus ?»

Le vote devant avoir lieu dans moins d’un mois, Mme Blackstock s’est demandée comment les 633 Premières Nations auront l’occasion de soumettre des amendements. Elle a déclaré qu’il n’existe aucun processus clair établi par l’APN pour que les chefs débattent d’éventuels amendements avant l’assemblée spéciale.

Mme Blackstock craint également que les prestataires de services soient exclus de l’accord, ainsi que les jeunes pris en charge ayant des expériences vécues qui sont essentiels pour garantir que l’accord fonctionne réellement sur le terrain.

Elle a relevé que l’accord ne prévoit pas de mécanismes adéquats pour tenir le Canada responsable, affirmant que la gouvernance est trop secrète, car le pouvoir de décision est retiré aux chefs.

«Ce n’est pas, à mon avis, une réussite», a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle craint également que de nombreuses agences et communautés des Premières Nations ne soient pas suffisamment financées. Certaines parties de l’accord n’ont pas encore été rendues publiques non plus.

Et étant donné que l’accord a été conclu en dehors du Tribunal canadien des droits de la personne, Mme Blackstock est une que le financement est moins sûr, car il sera soumis à l’allocation parlementaire.

Mme Woodhouse Nepinak a déclaré que «nous devons créer nos propres mécanismes — nos propres tribunaux canadiens des droits de la personne pour nous-mêmes — au lieu de tous ces autres qui sont proposés (de l’avant) et qui sont en quelque sorte défectueux et qui ne répondent pas aux besoins des Premières Nations.»

L’accord a fait l’objet de discussions tendues pendant des mois, notamment en juin, lorsque quatre chefs régionaux représentant les Premières Nations de la Saskatchewan, de la Colombie-Britannique, du Québec-Labrador et du Nouveau-Brunswick ont écrit à Mme Woodhouse Nepinak pour dénoncer ce qu’ils ont dit être un accord conclu en secret entre l’APN et le Canada.

Les chefs Bobby Cameron, Terry Teegee, Ghislain Picard et Joanna Bernard représentent plus de la moitié des Premières Nations du Canada.

Les consultations sur l’accord se déroulent au cours de l’été, tandis qu’un vote final devrait avoir lieu à Winnipeg en septembre.

Mme Blackstock a rappelé que les chefs devraient faire appel à leurs propres conseillers juridiques et experts pour passer au peigne fin les accords plutôt que de se fier uniquement à ces séances.

«Et je les avertirais des paragraphes dans lesquels les parties sont obligées de le promouvoir.»

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires