Sites de consommation: la ministre de la Santé de l’Ontario a rejeté deux rapports

Liam Casey, La Presse Canadienne
Sites de consommation: la ministre de la Santé de l’Ontario a rejeté deux rapports

TORONTO — Deux rapports commandés par le gouvernement de l’Ontario recommandaient de maintenir ouverts les sites de consommation de drogues existants dans toute la province, d’augmenter leur financement pour stabiliser le personnel et d’embaucher des agents de sécurité permanents pour renforcer la sécurité, mais la ministre de la Santé a décidé de ne pas suivre ces recommandations.

Au lieu de cela, la ministre Sylvia Jones a annoncé cette semaine que le gouvernement interdirait les sites de consommation supervisée près des écoles et interdirait l’ouverture de nouveaux sites à l’avenir, le premier ministre ayant défendu cette décision mercredi.

La province se tourne vers un modèle axé sur le traitement, a annoncé le gouvernement, alors qu’elle s’éloigne de la consommation supervisée. Les nouvelles règles entraîneront la fermeture de 10 sites de consommation de ce type en Ontario.

Deux rapports publiés par la province cette semaine ont suggéré un certain nombre de moyens d’améliorer la sécurité communautaire dans les sites, mais Mme Jones a cité les taux de criminalité plus élevés et les inquiétudes des voisins et des parents comme raisons de supprimer les sites de consommation supervisée près des écoles.

Financer plus de services

Les changements sont intervenus après que la province a lancé plusieurs examens de ses 17 sites de services de consommation et de traitement à la suite du meurtre d’une passante, Karolina Huebner-Makurat, près d’un site de Toronto.

L’automne dernier, la province a nommé Jill Campbell, ancienne directrice des soins infirmiers au Centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, pour prendre en charge les opérations du Centre de santé communautaire South Riverdale, près du lieu où Mme Huebner-Makurat a été abattue.

Au printemps, Mme Campbell a déposé un rapport à la province qui comprenait un certain nombre de recommandations sur la manière de procéder avec les sites de services de consommation et de traitement.

Mme Campbell a recommandé l’expansion des sites de consommation et un approvisionnement plus sûr en médicaments «pour prévenir d’autres décès accidentels liés à la consommation de substances et offrir des options de traitement supplémentaires et plus sûres aux consommateurs de substances dans tout le spectre des maladies liées aux substances».

Elle a également recommandé que la province fournisse du financement pour les agents de sécurité dans les sites situés à moins de 200 mètres des écoles et que le gouvernement donne plus d’argent aux sites pour recruter et retenir du personnel, ce qui a été un problème.

Mme Campbell a également recommandé une augmentation du nombre de places de traitement, qui sont actuellement très demandées.

«Les données montrent que les services de traitement de la consommation sont un service de santé publique nécessaire, mis en œuvre pour sauver des vies et prévenir les décès par surdose accidentelle liés à la consommation de substances», a écrit Mme Campbell.

Besoin évident de services

La province a également chargé Unity Health Toronto, qui gère deux grands hôpitaux, d’examiner le site de consommation et de traitement de South Riverdale, qui est intégré dans un centre de santé communautaire plus vaste.

Unity a déclaré qu’il était «approprié de maintenir le financement» du site de consommation et de traitement de South Riverdale et de le maintenir intégré au sein du centre de santé communautaire.

«L’équipe d’évaluation a constaté un besoin évident de services à (South Riverdale), en fonction du nombre de clients servis et de la vaste gamme de services de santé auxquels les clients ont accès via des références et des services intégrés au centre de santé communautaire», indique le rapport.

La communication de South Riverdale avec les résidants locaux était également médiocre et il n’y avait aucun moyen officiel de communiquer avec la police de Toronto.

Unity a également constaté que South Riverdale avait du mal à recruter et à conserver du personnel, en particulier des infirmières autorisées.

Protéger les plus vulnérables

Le bureau de Mme Jones a déclaré que la consommation publique de drogue ne devrait pas avoir lieu à proximité des écoles et des garderies.

Alexandra Adamo, porte-parole de la ministre Jones, a déclaré que les changements protégeront les plus vulnérables de la société: les enfants. Mme Adamo a souligné les données sur la criminalité de la police de Toronto qui, selon elle, montrent que les sites de consommation à moins de 200 mètres des écoles entraînent «une augmentation marquée de la criminalité par rapport au reste de la ville».

«Une politique ratée»

Le gouvernement du premier ministre Doug Ford a introduit le modèle de services de consommation et de traitement en 2018, affirmant qu’il se concentrerait sur la mise en relation des personnes avec un traitement, plutôt que sur le modèle de consommation supervisée précédent.

À l’époque, la province avait mis en place un plafond de 21 sites de ce type en Ontario, mais n’en avait financé que 17. Il existe d’autres sites de consommation supervisée qui ont reçu l’approbation fédérale, mais aucun financement provincial, et deux d’entre eux dans le nord de l’Ontario ont récemment fermé en raison d’un manque de fonds.

Mercredi, M. Ford a défendu la décision de son gouvernement de reculer.

«C’est une politique ratée, aussi simple que cela , a reconnu M. Ford à propos de sa politique de 2018. Nous élaborons une meilleure politique.»

Décès évitables

Les responsables de la santé, notamment l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario, ont mis en garde contre les décès résultant de la fermeture des sites de consommation supervisée.

Les décès par opioïdes ont augmenté pendant la pandémie de COVID-19. En 2021, le taux de mortalité par intoxication aux opioïdes a atteint son pic de 19,3 décès pour 100 000 personnes, selon les données du Bureau du coroner en chef. Cette année-là, 2858 personnes sont mortes des suites d’opioïdes, dont la grande majorité contenait du fentanyl, un opioïde particulièrement puissant.

Le taux de mortalité est tombé à 17,5 décès pour 100 000 personnes, soit 2593 personnes, en 2023. Ces chiffres sont nettement pires que les taux d’avant la pandémie, qui affichaient 10,7 décès, soit 1559 personnes, pour 100 000, selon les données du coroner.

La majorité des décès par intoxication aux opioïdes, soit près de 70 %, surviennent dans des maisons privées, selon les données.

Le Bureau de la santé publique en chef de l’Ontario a effectué un troisième examen de tous les centres de consommation et de traitement, mais la province n’a pas publié ce rapport.

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