Le CN et le CP mettent fin au lock-out après l’intervention du ministre du Travail

Nojoud Al Mallees et Anja Karadeglija, La Presse Canadienne
Le CN et le CP mettent fin au lock-out après l’intervention du ministre du Travail

OTTAWA — Les deux plus grandes compagnies ferroviaires canadiennes se préparent à remettre leurs trains en service après qu’Ottawa a annoncé qu’elle interviendrait pour mettre fin à un conflit de travail acharné.

La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) a annoncé qu’elle avait mis fin au lock-out de ses employés qui avait débuté plus tôt jeudi et qu’elle allait immédiatement entamer un plan de redressement.

La compagnie a déclaré qu’en attendant une ordonnance formelle du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI), elle avait pris cette décision afin d’accélérer la reprise de l’économie.

Le CN avait auparavant demandé un arbitrage exécutoire, mais a avoué jeudi qu’il «était déçu qu’un accord négocié n’ait pas pu être conclu à la table des négociations malgré tous ses efforts».

Le Canadien Pacifique Kansas City Ltd. avait également demandé un arbitrage exécutoire.

Dans un communiqué, la compagnie a déclaré : «Nos équipes se préparent déjà à la reprise sécuritaire et ordonnée de notre réseau ferroviaire et de plus amples détails sur le calendrier seront fournis une fois que nous aurons reçu l’ordre du CCRI.»

Le président du CPKC, Keith Creel, a ajouté que même si l’entreprise respecte la négociation collective, «compte tenu des enjeux pour toutes les parties concernées, cette situation exigeait une action.»

Le syndicat était d’un avis différent, qualifiant la décision d’Ottawa de tentative de «contourner» le processus de négociation collective.

«Bien qu’il prétende valoriser et honorer le processus de négociation collective, le gouvernement fédéral a rapidement utilisé son autorité pour le suspendre, quelques heures seulement après un arrêt de travail imposé par l’employeur», a déclaré Paul Boucher, président de la Conférence ferroviaire Teamsters Canada.

Le syndicat a été «profondément déçu par cette décision honteuse», a-t-il ajouté.

La commission des relations de travail a convoqué les deux chemins de fer et le syndicat à une réunion virtuelle jeudi soir, selon les Teamsters et un responsable de l’entreprise qui n’était pas autorisé à s’exprimer publiquement sur la question.

Le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, était sur le point de recourir aux pouvoirs que lui confère l’article 107 du Code du travail pour demander au Conseil canadien des relations industrielles d’imposer aux parties un arbitrage exécutoire et définitif.

Il a également demandé au Conseil d’ordonner entretemps aux deux chemins de fer de reprendre leurs activités conformément aux dispositions des conventions collectives actuelles, jusqu’à ce que de nouvelles ententes soient conclues.

Longues négociations

M. MacKinnon affirme que le processus de négociation relève en fin de compte des deux entreprises et du syndicat des Teamsters Canada, mais que les lock-out, eux, affectent tous les Canadiens.

Après des mois de négociations de plus en plus ardues, les expéditions de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada et de la Compagnie du Canadien Pacifique Kansas City ont été interrompues à minuit et une jeudi, avec la rupture des pourparlers. Le CN et le CPKC ont mis en lock-out leurs 9300 conducteurs de locomotive, chefs de train et employés des gares de triage.

C’était la première fois que les deux transporteurs voyaient leurs opérations cesser en même temps.

Des travailleurs du rail de Halifax à Vancouver ont dressé des piquets de grève jeudi matin, tandis que des employés portant des pancartes ont manifesté devant le siège social du CN au centre-ville de Montréal et le siège social de CPKC à Calgary.

Les deux compagnies ferroviaires avaient déjà demandé l’arbitrage exécutoire, mais le syndicat a toujours rejeté cette avenue.

«Les travailleurs, les agriculteurs, les navetteurs et les entreprises dépendent quotidiennement des chemins de fer du Canada et continueront de le faire, a indiqué le ministre MacKinnon jeudi, en fin d’après-midi. Il s’agit du devoir et de la responsabilité du gouvernement de veiller à ce que la paix industrielle soit préservée dans ce secteur vital.»

M. MacKinnon a annoncé que le gouvernement libéral examinerait également les raisons sous-jacentes de l’arrêt de travail. «Il incombe au gouvernement d’assurer la paix industrielle dans ce secteur d’une importance cruciale. Nous examinerons donc les raisons pour lesquelles nous connaissons des conflits répétés dans le secteur ferroviaire et les conditions qui ont conduit aux arrêts de travail parallèles que nous observons.»

Les commentaires du ministre ont été repris par le premier ministre Justin Trudeau. «La négociation collective est toujours le meilleur moyen de progresser. Lorsque ce n’est plus le cas, et que nos chaînes d’approvisionnement et les travailleurs qui en dépendent sont confrontés à de graves conséquences, les gouvernements doivent agir.», a écrit le premier ministre sur la plateforme X.

Réactions

La décision de M. MacKinnon n’a pas plu au NPD, qui contribue à soutenir la minorité libérale du premier ministre Justin Trudeau au Parlement.

Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, a aussitôt déploré la décision du gouvernement libéral, qui envoie selon lui un message au CN, au CPKC et à toutes les grandes entreprises qu’«il est payant d’être un mauvais patron».

«Les actions des libéraux sont lâches, hostiles aux travailleurs et prouvent qu’ils céderont toujours à la cupidité des entreprises et que les Canadiens en paieront toujours le prix», a indiqué M. Singh dans un communiqué.

«Les lock-out ne cesseront jamais. Tous les employeurs savent qu’ils peuvent obtenir exactement ce qu’ils veulent de Justin Trudeau en refusant de négocier de bonne foi avec leurs travailleurs. Et cela met en danger la sécurité des travailleurs et des communautés.»

De son côté, le premier ministre du Québec, François Legault, s’est dit satisfait de l’intervention du ministre MacKinnon.

«Il fallait que le fédéral intervienne rapidement. Il a pris une décision responsable, celle qui s’imposait, a-t-il écrit sur le réseau social X. L’impact de ce conflit de travail sur l’économie du Québec et notre chaîne d’approvisionnement est trop important pour ne pas agir. Nous allons suivre les développements de près. Il faut tout faire pour que le conflit se règle pour de bon.»

Le premier ministre de la Saskatchewan, Scott Moe, et son homologue de l’Alberta, Danielle Smith, dont les provinces dépendent du transport ferroviaire des marchandises, ont déclaré sur X que le gouvernement fédéral avait fait ce qui était nécessaire.

M. Moe a qualifié cette mesure de «appropriée» et Mme Smith a déclaré : «Chaque jour, cette perturbation aura des répercussions coûteuses sur notre économie, nos travailleurs, nos entreprises, nos familles et nos agriculteurs.»

Le président et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc, a salué la décision du ministre sur X. «Bravo! C’est ce que nous réclamions. Il fallait agir vite et avec détermination. C’est un exemple.»

Manufacturiers et exportateurs du Québec, une organisation dont les membres dépendent grandement du transport ferroviaire s’est aussi réjouie de la réponse rapide du ministre.

«La voix de l’industrie manufacturière a été entendue. En demandant un arbitrage exécutoire, le gouvernement fédéral prend les choses en main pour assurer une résolution rapide de la situation. À peine commencée, cette crise a déjà causé une onde de choc importante pour les entreprises d’ici et les chaînes d’approvisionnement au Québec et au Canada. Il faut maintenant que le Conseil canadien des relations industrielles procède rapidement pour que les services reprennent rapidement», a déclaré sa présidente-directrice générale Véronique Proulx, dans un communiqué.

Les conservateurs, qui ont pris des mesures pour renforcer leurs relations avec les syndicats, ont voté plus tôt cette année en faveur d’une loi interdisant le recours à des travailleurs de remplacement dans les lieux de travail sous réglementation fédérale. Le chef du parti, Pierre Poilievre, a clairement indiqué qu’il recherchait l’appui des cols bleus syndiqués.

Les conservateurs n’ont pas répondu aux demandes de commentaires jeudi.

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