Les médicaments en vente libre en pharmacie souvent négligés par la population

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Les médicaments en vente libre en pharmacie souvent négligés par la population

MONTRÉAL — Bien que l’acétaminophène (Tylenol) et l’ibuprofène (Advil/Motrin) soient deux médicaments en vente libre sur les étagères des pharmacies, leur consommation doit être prise au sérieux, car un non-respect de la posologie peut entraîner des problèmes de santé, parfois d’une gravité assez sévère.

L’acétaminophène et l’ibuprofène sont deux médicaments qui sont banalisés par beaucoup de gens, admet David Gauthier, pharmacien propriétaire de deux pharmacies du groupe Brunet à Sorel-Tracy.

De 2019 à 2023, Santé Canada a reçu 1197 déclarations d’effets indésirables reliés à une surdose d’acétaminophène ayant mené à une hospitalisation ou une prolongation d’hospitalisation et 446 avec l’ingrédient actif ibuprofène. Il ne s’agit pas ici de surdoses mortelles, mais c’est une possibilité dans les cas extrêmes.

Une des erreurs les plus communes est de prendre trop de comprimés d’un seul coup. Advenant qu’après une heure ou deux les médicaments ne fassent pas effet, la personne malade peut combiner l’acétaminophène et l’ibuprofène, conseille M. Gauthier. Si la personne a pris par exemple deux comprimés de Tylenol et que la fièvre perdure après deux heures, cette dernière peut prendre un à deux comprimés d’Advil ou de Motrin. «Si on respecte la posologie de chacun, les deux peuvent se combiner sans problème», assure le pharmacien.

Il constate qu’à l’inverse, certains vont éviter de prendre ces médicaments malgré une douleur. «Parfois, quelqu’un qui souffre ne va pas prendre du Tylenol parce que ‘’c’est juste du Tylenol’’. Chez d’autres personnes […] quand elles ont mal, au lieu de prendre deux comprimés, elles vont en prendre trois, même quatre. Comme pharmacien, on en entend de toutes les couleurs», raconte M. Gauthier.

En prendre trop sans le savoir

Un aspect insoupçonné de l’ibuprofène et de l’acétaminophène est qu’on en retrouve dans de nombreux autres médicaments en vente libre en pharmacie.

L’acétaminophène est présent entre autres dans des médicaments contre la grippe, des sirops pour la toux et des relaxants musculaires (Robaxacet). «Quelqu’un peut facilement se retrouver à prendre beaucoup de Tylenol sans s’en rendre compte», met en garde M. Gauthier.

«Un des gros risques avec le Tylenol est qu’il y en a tellement dans différents produits que c’est difficile de savoir exactement où il est. Pour le commun des mortels, pour les personnes âgées, c’est encore plus difficile de repérer l’acétaminophène et de comprendre que c’est bien cela», ajoute le pharmacien. Lui-même comme professionnel contrevérifie la liste des ingrédients de certains emballages.

Pour l’ibuprofène, on en retrouve dans des relaxants musculaires (Robax Platine). Il y en a aussi dans les médicaments pour le rhume, le plus souvent ceux qui visent la congestion.

Les dangers pour la santé

Chez les gens en bonne santé, on conseille de prendre jusqu’à 4g d’acétaminophène par jour: l’équivalent de la fameuse posologie de 1 à 2 comprimés extra-forts aux quatre à six heures, quatre fois par jour maximum. «Chez la personne âgée qui va le prendre de façon chronique, on diminue cette dose autour de 3g par jour. La raison principale est vraiment au niveau du foie, des enzymes hépatiques qu’on veut faire attention», explique M. Gauthier.

L’acétaminophène est effectivement dur pour le foie. Il pose surtout un risque de complication pour les personnes âgées, les personnes qui consomment de l’alcool en grande quantité et les gens qui ont des problèmes aux reins, indique le pharmacien. «On peut arriver à une insuffisance hépatique aiguë et même chronique avec une surdose de Tylenol», prévient-il.

Mais l’ibuprofène est associé à davantage de contrindications. «Parfois, les pharmaciens, ça nous inquiète un peu plus parce qu’on n’attrapera pas le patient qui va aller en vente libre s’automédicamenter», dit-il.

L’ibuprofène, qui est un anti-inflammatoire non stéroïdien, peut avoir un impact sur l’hypertension artérielle et sur les reins. Il est aussi naturellement plus difficile pour l’estomac que l’acétaminophène. Il va abîmer la muqueuse naturelle qui protège l’estomac. Un patient peut en venir à développer un ulcère d’estomac, une douleur particulièrement intense, selon M. Gauthier. Pour cette raison, il n’est pas possible de «maintenir un patient» sur l’ibuprofène.

«Il ne faut pas s’alarmer, nuance M. Gauthier. Il faut le bon médicament pour la bonne personne au bon moment. […] C’est de base, mais c’est vrai. On peut par exemple utiliser un anti-inflammatoire non stéroïdien comme de l’ibuprofène sur une personne qui a un problème de pression artérielle. C’est juste qu’il faut bien l’utiliser sur une courte période avec un bon suivi.»

Il constate que depuis quelques années les gens se tournent davantage vers les pharmaciens et ils n’hésitent pas à demander conseil, ce dont M. Gauthier se réjouit. Il le remarque un peu moins du côté des jeunes adultes ou des gens qui ne viennent jamais au comptoir de prescription (tant mieux, ils ne sont pas malades, souligne M. Gauthier). Simplement, cette clientèle a moins le réflexe d’aller consulter le pharmacien. En s’automédicamentant, ils doivent être plus prudents et bien suivre les instructions sur les emballages.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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