Le programme de recrutement et de formation d’infirmières de l’étranger est critiqué

Maura Forrest, La Presse Canadienne
Le programme de recrutement et de formation d’infirmières de l’étranger est critiqué

MONTRÉAL — Un organisme montréalais de défense des droits civiques affirme qu’un programme québécois de recrutement et de formation d’infirmières de l’étranger laisse certains participants dans une situation désespérée.

Le Centre de recherche-action sur les relations raciales veut que la Commission des droits de la personne du Québec et le gouvernement provincial enquêtent sur le programme de recrutement alors que certaines infirmières recrutées en Afrique de l’Ouest disent qu’elles se sont retrouvées sans ressources après avoir été expulsées pour avoir échoué à une partie du programme de formation. Elles disent avoir perdu l’accès à leur allocation hebdomadaire et à leur travail à temps partiel comme aides-soignantes.

Un infirmier, qui s’est confié aux journalistes jeudi sous couvert d’anonymat par crainte de répercussions professionnelles, a soutenu qu’il avait travaillé pendant 10 ans dans son pays d’origine et qu’il avait quitté son emploi pour faire venir sa famille en Montérégie. Après avoir échoué à une partie du programme de formation, il dit maintenant vivre dans la situation la plus précaire depuis des années.

«Je ne peux même pas subvenir aux besoins de mes enfants», a-t-il déploré, lors d’une conférence de presse à Montréal. «C’est difficile, car j’ai choisi de participer à ce projet, j’avais foi en ce projet, et maintenant je me trouve dans une situation désespérée.»

En 2022, le gouvernement du Québec a annoncé un programme de 65 millions $ pour recruter et former 1000 infirmières de pays francophones pour travailler dans les régions de la province où il y a une pénurie aiguë de personnel infirmier. Selon les modalités, les personnes candidates reçoivent une formation dans un cégep de leur région désignée, payée par le gouvernement. Elles reçoivent un soutien financier de 500 $ par semaine, en plus de l’argent pour la garderie et le transport, et peuvent également travailler à temps partiel comme aides-soignantes.

Mais Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales, affirme qu’au moins 50 des recrues ont rencontré des obstacles bureaucratiques ou une discrimination flagrante depuis leur arrivée au Québec. Si elles échouent à un cours, dit-il, elles sont expulsées du programme et perdent l’accès à tout soutien financier et à leur travail à temps partiel.

«Elles sont dans l’incertitude, beaucoup d’entre elles doivent compter sur les banques alimentaires pour survivre, et beaucoup d’entre elles sont très, très désespérées», a-t-il déploré.

Les candidats expulsés peuvent théoriquement se réinscrire, a expliqué M. Niemi, mais ils sont liés à la région où ils ont commencé leur formation. Si les cégeps de la région n’offrent pas de cours qui commencent avant l’expiration de leur permis d’études, ils risquent d’être expulsés, a-t-il précisé. En attendant, ils ne sont pas autorisés à trouver du travail ailleurs.

«Ils ne peuvent pas aller dans un autre collège pour continuer leur formation, souligne-t-il. Ils ne peuvent même pas aller chez McDonald’s pour faire des hamburgers.»

Selon lui, les «conditions excessivement restrictives» du programme ne sont pas pleinement expliquées aux recrues avant qu’elles ne quittent leur pays d’origine, souvent avec leur famille.

Un deuxième infirmier présent à la conférence de presse de jeudi, qui a cinq ans d’expérience en Côte d’Ivoire, a déclaré qu’il faut du temps pour s’habituer au système de santé du Québec. «Il y a beaucoup de choses ici au Québec que nous ne savons pas, a-t-il soutenu. Ensuite, quand vous faites une erreur, vous êtes renvoyé.»

Il a été expulsé du programme dans la région de l’Abitibi-Témiscamingue au Québec, mais comme dix autres candidats qui ont échoué à une partie du programme, il s’est réinscrit cet automne. Cependant, M. Niemi a précisé que ce cours n’a pas encore de professeur en place.

M. Niemi a indiqué que d’autres recrues ont été victimes de discrimination pendant leur formation, notamment en étant accusées de mauvaise odeur corporelle. Certaines se sont vu offrir du déodorant par leurs superviseurs d’une manière destinée à «les humilier publiquement», a-t-il déclaré.

Le ministère de l’Immigration du Québec n’était pas disponible dans l’immédiat pour une entrevue jeudi.

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