Des experts expriment des doutes sur l’accessibilité à l’aide gouvernementale

Maura Forrest, La Presse Canadienne
Des experts expriment des doutes sur l’accessibilité à l’aide gouvernementale

MONTRÉAL — Des experts s’interrogent sur les raisons qui ont poussé le gouvernement québécois à réserver l’aide financière aux victimes de récentes pluies torrentielles aux personnes dont les égouts ont refoulé en raison d’une inondation provenant d’un cours d’eau voisin.

Pourtant, le premier ministre François Legault a laissé entendre la semaine dernière que son gouvernement élargirait le Programme général d’assistance financière lors de sinistres (PGAF) pour y inclure les refoulements d’égouts, qui sont généralement couverts par des assurances privées.

Vendredi après-midi, le site Internet du gouvernement chargé du programme de secours en cas de catastrophe indique que les personnes touchées par les pluies torrentielles des 9 et 10 août doivent soumettre une demande d’aide financière même si elles ne sont pas sûres d’être éligibles. Mais le site indique également que les propriétaires ne sont éligibles à une aide pour les refoulements d’égouts que «si l’eau pénètre dans le bâtiment par refoulement d’égout ou infiltration, à la suite d’une inondation».

La Presse Canadienne a obtenu une capture d’écran d’un message envoyé par le ministère de la Sécurité publique aux municipalités qui stipule que «si l’inondation est causée par un refoulement d’égout ou par une infiltration d’eau sans débordement d’un cours d’eau à proximité, le sinistre ne sera pas admissible au PGAF».

Alain Mailhot, professeur d’hydrologie urbaine à l’Institut national de recherche scientifique du Québec, estime qu’il n’est pas logique de dédommager les gens pour les refoulements d’égouts seulement s’ils habitent près d’une rivière.

Les refoulements se produisent généralement lorsque le ruissellement de surface submerge le réseau d’égouts, et ne sont habituellement pas liés aux inondations des cours d’eau voisins, a-t-il dit.

«J’imagine que (le gouvernement) l’a défini ainsi pour éviter d’avoir à rembourser tout de monde, a-t-il indiqué, mais d’un point de vue hydrologique, c’est difficile à comprendre.» M. Mailhot a mentionné que ce sera probablement un «casse-tête sans fin» de déterminer qui est admissible au programme selon les nouveaux critères. «Honnêtement, je ne sais pas comment ils vont pouvoir y arriver», a-t-il commenté. «C’est une boîte de Pandore. Cela va être très compliqué.»

Jean-François Girard, avocat et biologiste chez DHC Avocats à Montréal, estime qu’il est injuste que le gouvernement n’indemnise pas toutes les personnes touchées par les refoulements d’égouts, alors que de plus en plus d’inondations sont causées par des précipitations qui submergent la ville. «C’est le prix de l’adaptation au changement climatique», a-t-il fait valoir. «Nous n’avons pas voulu empêcher le changement climatique, alors maintenant nous devons payer pour les conséquences.»

Un porte-parole du ministère de la Sécurité publique a précisé que toute expansion du programme d’aide consistera, non pas à une «modification au programme par un décret au Conseil des ministres», mais à «analyser chaque cas particulier pour connaître les raisons des débordements afin de voir si le cas soumis est admissible ou non».

Jean Savard, sous-ministre adjoint à la Sécurité publique, a également envoyé une lettre aux municipalités leur rappelant que le PGAF «a pour but principal d’offrir une aide de dernier recours» et «ne se substitue pas aux contrats d’assurance des citoyens».

Certains édiles municipaux déplorent que la décision du gouvernement ait créé de la confusion parmi les sinistrés. Le maire de Louiseville, Yvon Deshaies, a déclaré avoir reçu des appels cette semaine de résidents qui sont confus au sujet du programme. Les habitants de certaines rues ont été informés qu’ils avaient droit à une aide financière, a-t-il déclaré, tandis que les résidents d’autres rues ont été informés qu’ils n’avaient pas de chance.

«C’est déroutant. Les gens ne savent pas s’ils vont obtenir de l’aide ou non», a déploré M. Deshaies. Louiseville, une communauté de 7 000 personnes, en Mauricie, a subi d’importantes inondations pendant la tempête, et le maire Deshaies indique qu’environ 300 sous-sols ont été remplis d’eau.

«Je veux que tous nos gens soient indemnisés. C’est ce que je veux», a-t-il insisté. «Cela n’a aucun sens que quiconque à Louiseville se voie refuser (l’aide).»

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires