Sans gains au public, la FIQ craint d’autres reports de la fin des agences privées

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Sans gains au public, la FIQ craint d’autres reports de la fin des agences privées

MONTRÉAL — Face au report de la fin du recours aux agences privées en santé, la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ) pointe du doigt le ministre de la Santé, Christian Dubé, affirmant qu’il est incapable de livrer ses réformes et que les agences de placement en ressortent gagnantes.

C’est ce qu’a écrit la FIQ dans un communiqué publié vendredi en réaction à l’annonce de la veille du cabinet de M. Dubé. La nouvelle date butoir de l’interdiction du recours aux agences privées pour les établissements de santé situés dans les territoires urbains est remise à la fin mars 2025, alors qu’elle était initialement fixée au 20 octobre 2024. Cela vise les régions de la Capitale-Nationale, Montréal, Chaudière-Appalaches, Laval et la Montérégie.

L’échéance pour les autres régions reste inchangée.

La FIQ est favorable à l’intention de M. Dubé de s’affranchir de la dépendance du réseau de la santé aux agences privées. Elle estime toutefois que le ministre s’y est mal pris pour attirer la main-d’œuvre de ces agences de placement dans le réseau public.

«Il ne faut pas se leurrer. S’il n’y a pas plus d’ouverture pour améliorer les conditions de travail, si on fait preuve encore de cette fermeture très intensive, ça ne sera pas juste reporté dans six mois, ça va être reporté pour encore un autre six mois, et un autre six mois et pendant ce temps, ce sont les contribuables qui paient pour ces millions et milliards qui sont dépensés pour de la main-d’œuvre indépendante», a fait valoir en entrevue la présidente de la FIQ, Julie Bouchard.

En 2022-2023, le gouvernement a versé 1,5 milliard $ aux agences privées de placement de personnel.

«Elles ne restent pas au privé pour rien»

La FIQ représente plus de 80 000 infirmières, infirmières auxiliaires, inhalothérapeutes et perfusionnistes cliniques œuvrant dans les établissements de santé. Leurs conventions collectives sont échues depuis mars 2023.

Le syndicat avait conclu une entente de principe avec Québec, mais les membres de la FIQ ont rejeté l’entente dans une proportion de 61 %. La mobilité entre les unités de soins et les établissements semble être l’un des principaux points de discorde entre les deux parties.

Dans les médias, jeudi, M. Dubé a blâmé la FIQ. Sur les ondes de Radio-Canada, il a insinué que du personnel dans les agences privées était prêt à faire le saut dans le réseau public, mais qu’ils attendaient de voir quel sera le contenu de la nouvelle convention collective au public. Les négociations avec Québec sont toujours dans l’impasse et le syndicat envisage de débrayer de nouveau si nécessaire.

Mme Bouchard a lâché que c’est «odieux» de faire porter l’échec sur le dos de la FIQ. Elle a réitéré que la seule façon de ramener les professionnelles des agences dans le réseau est d’améliorer les conditions de travail du réseau public.

«Si M. Dubé a sous-estimé l’importance qu’on a martelée depuis des mois de mettre de l’avant des conditions de travail qui vont être nettement améliorées pour pouvoir faire revenir cette main-d’œuvre indépendante vers le réseau public, ce n’est pas la FIQ qui est responsable, c’est définitivement M. Dubé. C’est sa responsabilité à lui et il a échoué à ce niveau», a accusé Mme Bouchard.

Elle a reconnu que certains professionnels au privé attendent effectivement de voir quelles seront les conditions de travail conclues avec le gouvernement. «Pour l’instant, elles ne restent pas au privé pour rien, souligne-t-elle. Parce que leurs conditions de travail et leur salaire sont nettement supérieurs à ce qu’elles auraient si elles venaient dans le réseau public.»

M. Dubé a assuré que l’objectif de mettre fin aux agences de placement demeure le même, mais que la situation actuelle ne le permet pas.

Mme Bouchard a déclaré que les professionnelles de la santé avaient déjà sonné l’alarme sur les effets néfastes de cette dépendance aux agences privées, notamment une rupture de la continuité des soins.

De son côté, l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) soutient que le «rythme actuel» du recours aux agences privées en santé «entraîne une découverture compromettant la sécurité des soins et des services à la population québécoise».

«Dans une perspective de protection du public, il faut s’assurer que le retrait des agences n’entraîne pas de découverture dans l’offre de soins et de services, tel qu’il a été rapporté au cours des dernières semaines. L’OIIQ maintient que la fin du recours aux agences privées reste néanmoins l’objectif souhaité», a affirmé le président de l’OIIQ, Luc Mathieu, dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

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