OTTAWA — Dans un conflit entre la liberté d’expression protégée par la Charte et le droit des résidents d’Ottawa de profiter de leurs propriétés, il n’y a pas de débat, a fait valoir vendredi l’avocat de Tamara Lich, organisatrice du «Convoi de la liberté».
Les arguments finaux de Lawrence Greenspon dans le procès ont porté en grande partie sur les libertés fondamentales qui protègent la manifestation au Canada, et sur l’échec de la police d’Ottawa à faire respecter la loi lors de la manifestation de 2022.
Mme Lich et l’autre organisateur, Chris Barber, sont devant la justice pour leur rôle dans l’organisation de la manifestation massive qui a bloqué les rues du centre-ville d’Ottawa pendant des semaines en 2022.
Les deux font face à des accusations de méfait, d’intimidation et d’avoir conseillé à d’autres personnes d’enfreindre la loi.
La Couronne a fait valoir que Mme Lich et M. Barber ont incité la foule à commettre des actes illégaux afin de faire pression sur le gouvernement pour qu’il lève les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 et la vaccination obligatoire.
«Tout tribunal aurait du mal à trouver un autre cas où une cour supérieure a exprimé des raisons pour lesquelles la liberté d’expression ne devrait pas prévaloir sur la jouissance de la propriété», a déclaré Me Greenspon.
La Couronne cherche à «criminaliser les paroles et les actions» des dirigeants d’une manifestation qui ont constamment appelé à un comportement pacifique et à la coopération avec la police, a-t-il soutenu.
«La Couronne demande que ces dirigeants soient tenus criminellement responsables des actions d’autres personnes non identifiées qui ont été dirigées vers le centre-ville d’Ottawa et qui ont été autorisées à y rester pendant trois semaines sans même recevoir une seule contravention de stationnement», a-t-il avancé.
Selon M. Greenspon, il n’y a pas de précédent de situation où des manifestants ont reçu l’ordre de la police de se garer dans une zone particulière et ont ensuite été poursuivis pour avoir suivi cet ordre.
Il s’en est également pris à l’accent mis par la Couronne sur l’expression «maintenez la ligne», que Lich a fréquemment utilisée dans les derniers jours de la manifestation, alors que la police préparait une opération massive visant à déloger les manifestants par la force.
Lors de cette opération, les manifestants se sont opposés à la police et ont refusé de bouger, reprenant souvent le cri de ralliement de Mme Lich, «maintenez la ligne».
Le ministère public a interprété cette phrase comme un appel aux armes lancé aux manifestants et comme un encouragement à faire obstruction à la police. M. Greenspon a fait valoir qu’étant donné que Mme Lich a été arrêtée le 17 février 2022, la veille du début de l’opération policière, «cette ligne n’existait pas» à ce moment.
Au lieu de cela, il a déclaré que la phrase pouvait être interprétée comme un encouragement aux manifestants «à ne pas abandonner».
Alors que la Couronne affirme que les preuves dans cette affaire sont accablantes, l’avocat de la défense croit que la seule chose accablante est les ressources que la Couronne a consacrées au dossier, qui traîne depuis près d’un an.
Le procès semblait sur le point de se terminer vendredi après-midi lorsque la Couronne a proposé de faire sa réponse finale par écrit, mais la juge Heather Perkins-McVey a plutôt choisi de reprendre le mois prochain pour entendre les derniers mots en personne.
Le procès a suscité beaucoup d’intérêt du public depuis son début il y a près d’un an, et les bancs du tribunal ont souvent été bondés de spectateurs et de partisans.
La juge a déclaré que c’est dans «l’esprit de ce modèle de justice ouverte et transparente» qu’elle a demandé aux parties de revenir en septembre. Mme Lich et M. Barber assisteront à la dernière journée par vidéoconférence depuis leurs domiciles dans l’Ouest canadien.
La juge Perkins-McVey pourrait prendre jusqu’à six mois pour rendre un verdict dans cette affaire, mais elle a déclaré qu’elle espère ne pas avoir besoin de beaucoup de temps avant d’être prête à rendre sa décision.