HALIFAX — Le gouvernement Trudeau n’entend pas légiférer pour ajouter dans la loi une disposition afin de faire de l’industrie ferroviaire un service essentiel alors qu’un conflit de travail a paralysé les expéditions de marchandises et entravé les déplacements à travers le pays.
«Je pense que le gouvernement est déjà muni des outils nécessaires pour éviter les conflits et pour faire en sorte que justement les travailleurs puissent avoir des gains côté santé et sécurité au travail, et aussi des gains côté monétaire. Donc je pense que le système actuel fonctionne», a déclaré dimanche le ministre fédéral du Travail, Steven MacKinnon, lors d’un point de presse en marge de la retraite du cabinet qui débute à Halifax.
En entrevue dimanche soir avec La Presse Canadienne, le président de la Conférence ferroviaire de Teamsters Canada, Paul Boucher, a réagi en notant que le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) a statué «à plusieurs reprises» que «le transport ferroviaire n’est pas un service essentiel».
«Les travailleurs du Canada ont le droit, en vertu du Code (canadien du travail) et de la Charte (canadienne des droits et libertés), de négocier librement leurs conventions collectives. Les droits qui sont mentionnés dans le code nous permettent d’exercer des pressions économiques sur les entreprises, a-t-il déclaré. C’est un droit fondamental pour lequel nous allons nous battre.»
En marge du conflit, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) avait été l’un des acteurs à réclamer non seulement un arbitrage exécutoire, mais également de mettre en place «une solution à long terme», notamment de «légiférer pour élargir la notion de services essentiels prévue à la loi, afin de prendre en considération le rôle vital des acteurs de la chaîne d’approvisionnement».
Samedi, le CCRI a imposé un arbitrage obligatoire à toutes les parties concernées. La décision a été rendue deux jours après que M. MacKinnon a ordonné au tribunal indépendant de commencer le processus d’arbitrage, affirmant que les parties étaient dans une impasse dans les négociations contractuelles et que les entreprises canadiennes et les relations commerciales étaient en jeu.
Le syndicat des Teamsters a promis de faire appel de la décision devant les tribunaux, estimant qu’elle crée «un précédent dangereux» qui réduit «considérablement» les droits des travailleurs canadiens.
«Un carnage économique»
Or, dimanche, M. MacKinnon a rétorqué qu’Ottawa avait la responsabilité de «prévenir un carnage économique» et qu’«il est difficile de se souvenir d’une décision qui ait été prise davantage dans l’intérêt des travailleurs canadiens».
«Quand on pense aux fermetures et aux mines de potasse, quand on pense aux usines automobiles qui manquent de stock, quand on pense aux opérations forestières et d’aluminium partout au pays, qui n’ont pas l’espace de stockage nécessaire, qui doivent expédier ce produit», a-t-il plaidé.
Les impacts économiques de l’arrêt de travail dans le secteur ferroviaire canadien devraient être mis en évidence la semaine prochaine, alors que les expéditeurs et les producteurs commencent à faire le point sur les retards et les pertes.
L’arrêt sans précédent qui a débuté jeudi à la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et au Chemin de fer Canadien Pacifique Kansas City (CPKC) devrait prendre fin lundi matin.
Bien que l’impact financier complet de l’arrêt reste incertain, Moody’s a prévenu qu’il pourrait coûter à l’économie canadienne 341 millions $ par jour. L’agence de notation a déclaré que l’agriculture, la sylviculture et l’industrie manufacturière figuraient parmi les secteurs les plus durement touchés.
Comme pour la fermeture, la reprise sera lente, le Canadien Pacifique affirmant qu’une reprise complète prendra probablement «plusieurs semaines».
«Ce n’est pas comme un train miniature déposé au sous-sol que vous actionnez simplement sur un interrupteur et qui se remet en marche. Il faut un certain temps pour que les choses bougent», a expliqué Matthew Holmes, responsable des politiques et des relations gouvernementales à la Chambre de commerce du Canada. «Il y aura une longue file ici.»
Les acteurs de l’industrie ont appelé à des réformes pour éviter les impasses de travail dans des secteurs primordiaux.
Karen Proud, de Fertilizer Canada, a appelé à des mises à jour du Code canadien du travail, comme une «prénégociation» obligatoire autour des conditions d’arbitrage exécutoires afin de rationaliser le processus.
Des durées minimales pour les contrats et davantage de périodes de réflexion permettraient également d’éviter les fermetures de voies ferrées «tous les deux ans», a-t-elle ajouté.
Les travailleurs du Canadien Pacifique ont fait grève en 2022, 2015 et 2012. Les employés du Canadien National ont fait grève pour la dernière fois en 2019 et sont alors restés en grève pendant huit jours.
Mme Proud a également déclaré que davantage de produits devraient être considérés comme des biens essentiels, ce qui permettrait de continuer à les transporter même pendant un arrêt de travail.
Plus tôt ce mois-ci, le Conseil canadien des relations industrielles a statué qu’une fermeture du réseau ferroviaire ne poserait aucun «danger grave» pour la santé ou la sécurité publiques, ouvrant la voie à une grève ou à un lock-out à part entière.
Le Canadien Pacifique a levé son lock-out après la décision du CCRI samedi soir, mais les employés ont refusé la demande de la CPKC de retourner au travail dimanche. Leur grève cessera à minuit lundi, conformément à la décision du tribunal.
Les travailleurs du CN, qui ont diffusé un préavis de grève de 72 heures vendredi, après que l’entreprise a levé son propre lock-out la veille, sont déjà de retour au travail pour mener à bien le processus complexe de relance des opérations sur 32 000 kilomètres de voies.
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