Les États-Unis demandent l’extradition d’une femme d’Akwesasne

Sidhartha Banerjee, La Presse Canadienne
Les États-Unis demandent l’extradition d’une femme d’Akwesasne

MONTRÉAL — Les États-Unis demandent l’extradition d’une femme du territoire mohawk d’Akwesasne qui aurait joué un rôle clé dans une opération de trafic d’êtres humains liée à la noyade de huit migrants l’année dernière.

Stephanie Square, âgée de 51 ans, a été accusée aux États-Unis en juin dernier de neuf chefs d’accusation par un grand jury du district nord de l’État de New York.

Ces accusations sont liées à la mort d’une famille roumaine de quatre personnes qui faisaient partie des huit migrants qui se sont noyés en tentant de traverser le fleuve Saint-Laurent pour entrer aux États-Unis, en mars 2023.

Elle est notamment accusée de complot en vue de commettre un trafic d’étrangers, de trafic à but lucratif et de trafic d’étrangers ayant entraîné la mort.

La famille roumaine et quatre personnes originaires de l’Inde sont mortes en mars 2023 alors qu’elles tentaient d’entrer illégalement aux États-Unis depuis le Canada en passant par le territoire mohawk d’Akwesasne, qui chevauche le Québec, l’Ontario et l’État de New York.

Les corps des migrants ont été repêchés les 30 et 31 mars 2023 dans le fleuve à Akwesasne, à environ 130 km au sud-ouest de Montréal. Le corps d’une neuvième personne — Casey Oakes, un homme de 30 ans, d’Akwesasne, qui aurait piloté le bateau transportant les huit migrants — a été retrouvé dans le fleuve quatre mois plus tard, en juillet 2023.

Selon les autorités policières, la géographie unique d’Akwesasne en fait un lieu de prédilection pour les trafiquants d’êtres humains et le transport de marchandises de contrebande entre le Canada et les États-Unis.

Le 6 juin dernier, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a annoncé qu’elle avait arrêté quatre personnes et avait lancé des mandats d’arrêt à l’encontre de quatre autres, toutes liées à un réseau de trafic d’êtres humains qui faisait passer illégalement la frontière à des migrants. La police a déclaré que deux des accusés étaient chargés de transporter les quatre ressortissants indiens qui ont péri dans le fleuve.

Des textos avec les conspirateurs

Les documents d’extradition déposés à la Cour supérieure du Québec indiquent que Mme Square a échangé des textos avec deux coconspirateurs présumés, dans lesquels on exprimait des inquiétudes au sujet des conditions météorologiques la nuit de la traversée fatale, le 29 mars 2023. Ces allégations n’ont pas été prouvées devant un tribunal.

Ces documents d’extradition américains allèguent que Mme Square et les deux coconspirateurs — Dakota Montour, 30 ans, et Rahsontanohstha Delormier, 29 ans — ont utilisé le territoire mohawk et l’île Cornwall, en Ontario, comme zone de transit pour leurs activités de contrebande.

Le groupe transportait des migrants jusqu’à l’île Cornwall, où Mme Square aurait organisé le transport par bateau de l’autre côté du fleuve. Une fois de l’autre côté, des chauffeurs les transportaient plus au sud dans l’État de New York.

Les autorités américaines sont toujours à la recherche de Mme Montour et de M. Delormier, qui résideraient tous deux dans la partie canadienne d’Akwesasne.

Il y a un certain nombre de témoins qui coopèrent avec la justice dans cette affaire, dont l’un qui aurait déclaré aux autorités que Mme Square avait tenté de le recruter comme batelier pour le voyage fluvial mortel. Le témoin aurait refusé parce que «le temps était trop mauvais». Le 29 mars 2023, les vents soufflaient à une vitesse de 45 à 60 km/h et les températures tournaient autour de zéro.

Les autorités affirment que Mme Square a acheté un bateau à l’informateur pour environ 5000 $ et a demandé à M. Delormier de piloter le navire. Mais ce bateau est tombé en panne plus tôt dans la journée, les obligeant à trouver une alternative. C’est à ce moment-là que Mme Square aurait engagé M. Oakes pour transporter la famille roumaine plus tard dans la nuit.

Les documents d’extradition indiquent que vers 22h le 29 mars, Mme Montour a signalé à Mme Square qu’il n’y avait aucun signe que la famille roumaine avait atteint l’autre côté de la rivière. À 3h36 pendant la nuit, Mme Square a écrit à Mme Montour dans un texto: «Peux-tu effacer ces messages?».

Les documents judiciaires indiquent que «les autorités américaines croient, sur la base d’informations échangées de manière informelle par le biais des canaux d’application de la loi, que les membres de Square (opération de trafic d’êtres humains) continuent de se livrer à des activités de contrebande et présentent un risque pour la sécurité de la communauté».

«Les accusés connaissent le territoire mohawk d’Akwesasne et ont démontré une tendance à l’utiliser pour faire passer des étrangers clandestinement à travers la frontière internationale à des fins lucratives.»

Les documents judiciaires montrent que Mme Square a comparu devant la Cour supérieure du Québec le 22 août et qu’elle est détenue dans cette province. Un mandat d’arrêt avait été obtenu contre elle plus tôt ce mois-ci.

La police d’Akwesasne a confirmé dans un communiqué que Mme Square devrait comparaître devant le tribunal la semaine prochaine. Le détachement de la GRC du Québec a déclaré qu’il n’était pas en mesure de commenter mercredi.

La famille roumaine a été identifiée comme étant Florin Iordache, 28 ans, sa femme, Cristina (Monalisa) Zenaida Iordache, 28 ans, leur fille de deux ans, Evelin, et leur fils d’un an, Elyen. Les deux enfants étaient citoyens canadiens et la famille vivait dans la région de Toronto.

Les quatre victimes originaires de l’Inde étaient des membres de la famille Chaudhari, originaire de l’État du Gujarat, dans l’ouest du pays. Il s’agissait du père, Praveenbhai Chaudhari, 50 ans, de la mère, Dakshaben, 45 ans, de leur fils, Meet, 20 ans, et de leur fille, Vidhi, 23 ans.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires