Emploi avec peu de scolarité: le vent a tourné; le postsecondaire encore avantageux

Lia Lévesque, La Presse Canadienne
Emploi avec peu de scolarité: le vent a tourné; le postsecondaire encore avantageux

MONTRÉAL — Le vent a tourné depuis 2023. La demande pour les travailleurs peu scolarisés a diminué, alors qu’elle était soutenue depuis 2017, au point où leur salaire avait également augmenté de façon plus marquée que celui des autres travailleurs.

Une étude de l’Institut du Québec, intitulée «Étudier, est-ce encore si payant?», fait le point sur la situation de l’emploi en lien avec les études postsecondaires.

La demande pour les postes nécessitant peu de scolarité était élevée, ces dernières années, a rappelé en entrevue Emna Braham, présidente-directrice générale de l’Institut et coautrice de l’étude.

De 2017 à 2023, «les occasions d’emploi se sont faites très nombreuses et lucratives, alors que le Québec composait avec des pénuries de main-d’oeuvre aiguës qui ont fait grimper le nombre de postes d’entrée», note l’Institut.

Et comme ceux-ci étaient en demande, leur salaire aussi a augmenté de façon plus marquée.

«Entre 2017 et 2023, le salaire ajusté pour l’inflation des travailleurs détenant un diplôme d’études secondaires ou moins s’est accru de 10 %, alors que celui des diplômés d’études professionnelles ou collégiales (+4 %) et des diplômés universitaires (-3 %) a stagné, voire carrément diminué», souligne l’Institut dans son étude.

Historiquement, un niveau d’éducation supérieur se traduit par un salaire plus élevé. C’est ce qu’on appelle l’avantage salarial. Or, cet avantage salarial des diplômés universitaires s’était effrité, au cours des dernières années, à cause du marché de l’emploi particulier que l’on vivait.

Durant cette période, l’écart s’était resserré significativement. «L’avantage salarial d’un diplôme universitaire est passé de 81 % à 60 % entre 2017 et 2023», signale l’Institut.

Comment expliquer ce phénomène? «Lorsqu’on regarde l’effritement de l’avantage de poursuivre des études, on réalise que la situation est due principalement à une surenchère des salaires pour attirer les travailleurs dans des emplois qui requièrent au plus un secondaire 5», explique Mme Braham.

Le vent a tourné

Mais la situation a changé depuis 2023.

«Déjà, depuis la fin de 2023, les pénuries de main-d’oeuvre sont beaucoup moins généralisées, beaucoup moins aiguës au Québec. Ce qu’on a vu, c’est que depuis la fin de 2023, la demande des employeurs pour recruter, pour combler des emplois qui requièrent au plus un secondaire 5 a diminué de 5 %, avec le ralentissement économique, la hausse des taux d’intérêt. Et le bassin de travailleurs avec ce profil a plutôt augmenté de 3 %, notamment avec l’arrivée d’immigrants temporaires plus nombreux», explique Mme Braham.

«En 2024, le taux de chômage a connu une nouvelle hausse chez les jeunes, qui sont souvent les premiers affectés par un ralentissement économique. La compétition pour les postes s’est aussi accrue avec l’arrivée d’un plus grand nombre d’immigrants temporaires», fait remarquer l’Institut.

En fin de compte, l’Institut conclut qu’il est encore avantageux de poursuivre des études postsecondaires, malgré les fluctuations du marché du travail.

«Ce qu’on voit, c’est que même s’il y a de plus en plus de diplômés universitaires au Québec, il n’y en a toujours pas trop. En fait, l’offre de travailleurs avec un diplôme universitaire a augmenté de 22 % entre 2017 et 2023, mais la demande des employeurs pour recruter ce type de profils a été au rendez-vous. Elle a augmenté même plus rapidement, de 24 % au cours de la même période», a expliqué Mme Braham.

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