Un syndicat dénonce le retour obligatoire au bureau chez Telus

Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne
Un syndicat dénonce le retour obligatoire au bureau chez Telus

MONTRÉAL — Un syndicat représentant des employés de Telus au Québec cherche à invalider le retour obligatoire au bureau pour 120 travailleurs, qui est considéré comme une manière de mener «des congédiements déguisés» en vue de délocaliser les emplois outre-mer.

Le Syndicat québécois des employés de Telus – section locale 5044, affilié au SCFP, a déposé la semaine dernière une ordonnance de sauvegarde au Conseil canadien des relations industrielles.

Le but est de suspendre l’application de la nouvelle directive jusqu’à ce que le dossier puisse être entendu en arbitrage. L’objectif est aussi de permettre aux travailleurs ayant une offre de départ de revenir sur leur décision, car plusieurs l’ont acceptée «sous pression», explique le président du syndicat, Luc Pouliot, en entrevue.

Les tâches des 120 employés du service à la clientèle résidentielle situé à Rimouski et Sainte-Marie-de-Beauce s’effectuent presque entièrement en télétravail depuis la pandémie.

En juillet dernier, le géant des télécommunications a annoncé qu’il allait exiger une présence au bureau au minimum trois jours par semaine. Telus a motivé sa décision en évoquant les besoins de la clientèle et de formation ainsi qu’une meilleure cohésion, selon le syndicat.

«Pourtant, tout était déjà fonctionnel depuis les quatre dernières années. La clientèle est bien répondue», soutient M. Pouliot.

L’entrée en vigueur de la directive était prévue à la mi-septembre, mais elle a récemment été remise à une date ultérieure, sauf pour certaines formations, indique le dirigeant syndical.

Telus explique pour sa part avoir annoncé en juillet à ses travailleurs de première ligne des «investissements pour le développement de nouvelles formations et outils afin de mieux servir nos clients».

«Cela signifiait également la nécessité pour eux et leurs gestionnaires de se rendre à un centre de contacts trois jours par semaine à compter de septembre afin d’y travailler. La vaste majorité de cette équipe travaillait déjà au bureau avant la pandémie», a répondu la société dans un courriel transmis à La Presse Canadienne.

À 150 kilomètres du bureau

D’après le syndicat, plusieurs membres ont été embauchés au cours des dernières années avec la promesse que leur poste était 100 % en télétravail. D’autres ont aussi été autorisés à déménager à une distance considérable de leur établissement d’attache.

«Il y en a la moitié qui reste à plus de 40 kilomètres, et l’autre moitié qui reste à plus 150 kilomètres des bases. Pour ces gens-là, c’est presque une fin d’emploi. C’est impossible de voyager ces distances-là soir et matin avec les routes en région qui sont plus sinueuses», relate M. Pouliot.

Environ une cinquantaine d’employés ont déjà accepté une offre de départ, mais souvent «sous pression», mentionne-t-il.

«Les réponses aux offres de départ devaient être données le 9 août. Le délai était très déraisonnable. Si des gens avaient voulu déménager, par exemple, c’était absolument impossible de se trouver une maison à Rimouski ou à Sainte-Marie-de-Beauce en quelques jours pendant la période estivale», expose le président du syndicat.

«Ça été une décision conçue pour congédier des gens», ajoute-t-il.

Telus indique avoir «offert à toute personne qui conclut que cette façon de travailler ne répond pas à ses besoins la possibilité d’accepter une offre de départ volontaire avec une généreuse compensation financière qui dépasse les exigences du Code du travail du Canada».

Craintes de délocalisation

Aux yeux de M. Pouliot, il ne fait aucun doute que l’annonce du retour obligatoire au bureau est reliée à l’ouverture de centres d’appel ou de services à la clientèle à l’étranger, dont à Casablanca, au Maroc, où il y des travailleurs francophones.

Telus a fait valoir dans sa récente campagne de recrutement menée dans ce pays de l’Afrique du Nord que les chargés à la clientèle seront également affectés au marché canadien, selon l’organisation syndicale.

«Il y a des gens du Québec qui sont même partis former les gens au Maroc. On coupe les emplois ici pour embaucher ailleurs où les conditions de travail ne sont pas les mêmes», déplore M. Pouliot.

Les 120 employés québécois concernés par la nouvelle politique sont des représentants au service à la clientèle, des techniciens en soutien technique et des techniciens en soutien à la livraison du service client.

Ceux-ci ne sont pas les seuls au pays à se voir imposer un retour en présentiel. Par exemple, en Ontario, 150 employés ont été avisés de la fermeture de leur bureau dans cette province et de l’obligation de se présenter trois jours par semaine aux bureaux de Montréal, sans quoi ils perdraient leurs emplois.

En août, le Syndicat des métallos, qui représente les travailleurs dans les centres d’appels de Telus ailleurs au Canada, a obtenu une injonction temporaire auprès de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, où la compagnie a son siège social. La décision du tribunal met sur pause la directive du retour obligatoire au bureau pendant une certaine période.

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