Les aliments ultra-transformés sont mauvais pour le coeur… mais il y a une nuance

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Les aliments ultra-transformés sont mauvais pour le coeur… mais il y a une nuance

MONTRÉAL — S’il ne fait aucun doute que la consommation d’aliments ultra-tranformés est très nocive pour la santé cardiovasculaire, une nouvelle méta-analyse publiée par le prestigieux journal médical The Lancet démontre pour une première fois que certains de ces aliments pourraient être moins nocifs que d’autres.

Les auteurs ont tout d’abord de nouveau constaté, sans aucune surprise, que les boissons sucrées et les viandes transformées sont associées à un risque plus élevé de maladie cardiovasculaire.

En revanche, la consommation d’aliments comme le pain; les céréales de petit-déjeuner; les desserts à base de yogourt ou de produits laitiers; et les collations savoureuses pourrait réduire le risque de maladie cardiovasculaire, de maladie coronarienne et d’accident vasculaire cérébral.

«Ces données suggèrent que les (aliments ultra-transformés) ne constituent pas une entité homogène concernant leur qualité nutritionnelle et leur rôle dans le risque cardiovasculaire», écrivent les auteurs.

Au Canada, les aliments ultra-transformés fournissent environ la moitié des calories consommées quotidiennement, a rappelé le docteur Martin Juneau, qui dirige l’Observatoire de la prévention à l’Institut de cardiologie de Montréal.

Les données de la méta-analyse, a-t-il ajouté, montrent que la consommation d’aliments ultra-transformés a un impact sur les trois catégories de maladie ― la maladie cardiovasculaire, la maladie coronarienne et l’AVC.

«On parle d’un risque accru d’environ 15 % à 30 %, ce n’est pas banal, a rappelé le docteur Juneau. Mais la pire, c’est vraiment la maladie coronarienne, l’infarctus du myocarde, la crise cardiaque qui mène malheureusement souvent à une mort subite.»

La méta-analyse a regroupé les conclusions de 22 études sous la direction de chercheurs de l’université Harvard. Leurs données montrent que, lorsque l’on compare la plus grande consommation d’aliments ultra-transformés à la plus modeste, on mesure une hausse de 17 % du risque de maladie cardiovasculaire, de 23 % du risque de maladie coronarienne et de 9 % du risque d’accident vasculaire cérébral.

Les résultats sont toutefois teintés de plusieurs nuances cruciales. Les auteurs de la méta-analyse précisent ainsi que la qualité de l’association (positive ou négative) avec le risque de maladie coronarienne était «forte», mais seulement «modérée» pour la maladie cardiovasculaire et même «faible» pour l’AVC.

Tout est donc loin d’être clair, net et précis, comme en témoigne l’exemple du pain.

L’acrylamide que l’on retrouve dans le pain (et aussi dans les céréales de petit-déjeuner) peut ainsi favoriser l’athérosclérose, tout comme le glutamate monosodique contenu dans plusieurs aliments ultra-transformés, disent les auteurs. À l’inverse, la teneur relativement élevée en fibres, en minéraux, en composés phénoliques et d’autres ingrédients de certains pains, céréales et collations (comme le popcorn) peut expliquer leur association inverse avec les résultats cardiovasculaires.

«Prenons l’exemple du pain de blé entier, a dit le docteur Juneau. Quand on ajoute des vitamines et des fibres, par exemple, le pain devient très transformé, mais il n’est pas nécessairement mauvais dans ce cas-là.»

Il en va de même pour le yogourt. Un yogourt avec probiotiques est un aliment ultra-transformé, «mais si on le prend sans sucre et nature, ce n’est pas un aliment qui est mauvais», a-t-il rappelé.

«Un yogourt nature dans lequel on aurait ajouté des probiotiques, je pense que le public va comprendre que ce n’est pas de la cochonnerie, a dit le docteur Juneau. Par contre, un yogourt bourré de sucre puis de gras, ça c’est une autre affaire.»

Justement, ce qui est mauvais dans les aliments ultra-transformés, a poursuivi le docteur Juneau, «c’est trop de calories, trop de sucre ajouté, trop de sodium et des mauvais gras».

Émulsifiants et autres

Les chercheurs s’inquiètent aussi de plus en plus des émulsifiants et d’autres additifs alimentaires, et même de l’emballage des aliments qui peut leur transmettre différents produits chimiques. Tous ces produits peuvent provoquer une inflammation de la paroi intestinale, générer un stress oxydatif et attaquer le microbiote intestinal, a dit le docteur Juneau.

«La capacité de ces émulsifiants à dissoudre les graisses pourrait perturber certaines barrières protectrices dont la fonction requiert justement d’être insoluble dans l’eau, écrivait-il en octobre 2023 sur le site de l’observatoire qu’il dirige. La couche de mucus qui recouvre la surface de l’intestin, par exemple, doit demeurer intacte pour éviter que les centaines de milliards de bactéries intestinales entrent en contact avec la circulation sanguine et provoquent une activation incontrôlée du système immunitaire pouvant mener à une réaction inflammatoire.»

D’ailleurs, les auteurs de la méta-analyse écrivent que les sulfites, les émulsifiants, les épaississants et les édulcorants sont respectivement associés à des lésions du tissu cardiaque, à des altérations du microbiote induisant un syndrome métabolique et à une inflammation, en plus de favoriser l’accumulation de plaque sur la paroi des artères.

«On veut que les gens cuisinent avec des aliments frais qu’ils achètent, mais il faut être honnête et reconnaître que (les aliments ultra-transformés sont) hétérogènes, a dit le docteur Juneau. Certains aliments ultra-transformés sont vraiment pires que d’autres, et certains sont beaucoup moins pires que d’autres.

«Les gens qui aiment les messages simples ne seront pas contents, mais je pense que c’est bon de le souligner.»

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