La reconnaissance du profilage racial à Montréal constitue un jugement «historique»

Sidhartha Banerjee, La Presse Canadienne
La reconnaissance du profilage racial à Montréal constitue un jugement «historique»

MONTRÉAL — Un avocat montréalais qui a co-piloté une action collective réussie contre la Ville de Montréal pour profilage racial par la police affirme que le plus important n’est pas la compensation financière, mais la reconnaissance des préjugés.

Mike Diomande a déclaré que la décision rendue mardi était «historique» parce qu’elle établit que les personnes racisées ont été victimes de profilage et que leurs droits garantis par la Charte ont été violés.

«Au-delà de la décision judiciaire, il y a des personnes qui sont victimes de profilage racial et je pense que ce jugement est presque thérapeutique pour elles», a soutenu M. Diomande en entrevue mercredi.

«Le profilage racial est très difficile à établir en preuve, donc individuellement, c’est très difficile à prouver. C’est très insidieux», a-t-il ajouté.

Le juge Dominique Poulin de la Cour supérieure a statué que le profilage racial est un problème «systémique» au sein de la police de Montréal et que les victimes ont droit à une indemnisation pouvant aller jusqu’à 5000 $.

La Ville a 30 jours pour faire appel de la décision. Un porte-parole a fait savoir que l’administration Plante étudiait la décision de près de 100 pages.

L’affaire a été portée devant les tribunaux par la Ligue des Noirs du Québec, qui mène ce combat depuis plusieurs années. Le plaignant principal était Alexandre Lamontagne, un homme noir qui a été arrêté par la police de Montréal alors qu’il quittait un bar du Vieux-Montréal en août 2017.

Lors de son arrestation, il a été plaqué au sol, menotté et emmené au poste de police. Il a ensuite reçu trois constats d’infraction et a été accusé d’entrave au travail de la police et d’agression contre un policier, mais la plupart des accusations portées contre lui ont finalement été abandonnées.

M. Diomande a indiqué que son client est heureux qu’après sept ans de lutte, l’arrestation a été reconnue comme un cas de profilage racial. Selon lui, cette décision pourrait inspirer des recours collectifs similaires dans d’autres villes canadiennes.

«Les principes s’appliquent partout au Canada», a-t-il souligné.

Des mesures adéquates demandées

La Ligue des Noirs du Québec est heureuse de la décision, affirmant qu’elle est «la première organisation au Québec et même au Canada à obtenir une décision sur la question spécifique du profilage racial par la police».

«Nous espérons que le jugement sera suivi de mesures adéquates de la part des autorités afin d’éviter que des cas similaires se reproduisent à l’avenir», a déclaré mercredi le président de l’association, Max Stanley Bazin.

En vertu du jugement, M. Lamontagne recevra 5000 $. De plus, le juge a ordonné à la Ville de Montréal de verser 5000 $ aux personnes ayant été arrêtées sans justification et dont les renseignements ont été enregistrés par la police; les personnes dont les renseignements n’ont pas été recueillis ont droit à 2500 $.

Le juge a indiqué que les parties devront élaborer un plan sur la façon dont les membres du recours collectif seront payés.

En août 2019, un juge de la Cour supérieure du Québec a donné le feu vert au recours collectif contre la Ville de Montréal au nom de citoyens racisés qui alléguaient avoir été injustement arrêtés, détenus et victimes de profilage racial par la police entre la mi-août 2017 et janvier 2019. À l’époque, le montant des dommages était estimé à 171 millions $.

M. Diomande a déclaré qu’il est impossible de savoir à combien s’élèvera le règlement.

La période couverte par le jugement est beaucoup plus courte que ce qui avait été demandé. Les membres peuvent réclamer une indemnisation s’ils ont été victimes de profilage pendant une période de six mois entre le 11 juillet 2018 et le 11 janvier 2019 – conformément aux règles relatives aux poursuites judiciaires couvertes par la Loi sur les cités et villes, a fait savoir M. Diomande.

Le juge a également rejeté une demande de dommages-intérêts exemplaires.

Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales, un organisme de défense des droits civils, estime que cette décision est importante parce qu’elle met en garde les municipalités de la province.

«Toutes les villes et tous les services de police devraient tenir compte de cette décision et faire davantage pour éviter d’être la cible d’un recours collectif», a prévenu M. Niemi, qui a témoigné au procès.

«Toutes les ressources consacrées à un recours collectif pourraient être mieux utilisées pour prévenir et éradiquer le profilage racial dans les services de police.»

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