Les eaux du Saint-Laurent se réchauffent et la quantité d’oxygène diminue

Stéphane Blais, La Presse Canadienne
Les eaux du Saint-Laurent se réchauffent et la quantité d’oxygène diminue

MONTRÉAL — La diminution de la quantité d’oxygène dans les fonds marins du Saint-Laurent préoccupe des chercheurs des gouvernements du Canada et du Québec, qui ont rendu public jeudi le Portrait global de l’état du Saint-Laurent 2024.

Pour la période de 2018 à 2022, 18 indicateurs qui portent notamment sur la qualité de l’eau, les ressources biologiques présentes dans le fleuve et l’état de ses rives ont été évalués dans le cadre du programme conjoint de suivi de l’état du Saint-Laurent.

La principale conclusion est que «l’état de santé du fleuve demeure fragile» et certains indicateurs, comme la température de l’eau et la saturation d’oxygène, montrent «des signes de détérioration préoccupants».

Réchauffement de l’eau et hypoxie

Le document souligne que depuis 2015, les températures des couches d’eau profondes du Saint-Laurent atteignent des niveaux records en comparaison des températures enregistrées depuis 1915.

La température moyenne à 300 mètres de profondeur a même dépassé 7 degrés Celsius pour la première fois en 2022.

Le réchauffement des eaux profondes, observé depuis plusieurs années, contribue à l’hypoxie, donc à la diminution de la quantité d’oxygène.

Il faut savoir que les eaux profondes du Saint-Laurent sont constituées d’un mélange des eaux chaudes du Gulf Stream et des eaux froides du courant du Labrador Est.

Or, il s’avère que les eaux du Gulf Stream, plus chaudes, contribuent de plus en plus à la composition des eaux profondes du Saint-Laurent et ce changement «ne peut qu’empirer la situation d’hypoxie puisque ces eaux sont moins riches en oxygène dissous que les eaux du courant du Labrador».

Le rapport souligne également que «ce changement est possiblement lié aux changements de la circulation océanique causés par le réchauffement de la planète».

Le manque d’oxygène dans le Saint-Laurent peut engendrer de graves répercussions sur les écosystèmes, en asphyxiant par exemple les organismes qui vivent dans les fonds marins.

Le Portrait global de l’état du Saint-Laurent 2024 souligne qu’au début des années 1930, «la saturation en oxygène dissous dans les eaux profondes de l’estuaire était à près de 40 %, mais que «depuis 2020, les valeurs moyennes mesurées sont inférieures à 15 %, rendant quasi impossible la survie de plusieurs espèces d’importance commerciale dans les eaux profondes de l’estuaire».

Le pH: «intermédiaire-mauvais»

Parmi les autres indicateurs de l’état du Saint-Laurent qui montrent des signes de détérioration préoccupants figure le pH, qui est une mesure de l’acidité et de l’alcalinité de l’eau.

Le pH du Saint-Laurent est jugé «dans un état intermédiaire-mauvais».

Ainsi, «l’acidification des eaux profondes de l’estuaire qui s’est produite sur une courte période peut causer des effets négatifs sur plusieurs organismes», soulignent les chercheurs.

Le pH était de 7,8-7,9 au début des années 1930 dans les eaux profondes de l’estuaire, «ce qui est considéré normal dans un tel écosystème aquatique», mais en 2022, il frôlait 7,5, ce qui représente une diminution de 0,3-0,4 unité de pH.

«Même si les diminutions de pH peuvent sembler peu significatives en chiffre, il importe de rappeler que l’échelle de pH est logarithmique. Ainsi, la diminution d’environ 0,03 unité de pH entre 2018 et 2022 a entraîné une augmentation de l’acidité du milieu de plus de 8 %», peut-on lire dans le document.

Les chercheurs ont également constaté «une légère détérioration» de l’état des milieux humides, «principalement en raison des activités agricoles et de la prolifération d’espèces végétales exotiques envahissantes».

L’indicateur de l’état du béluga du Saint-Laurent est qualifié «d’intermédiaire-mauvais» pour la période 2018-2023 en raison surtout du «taux de mortalité accru observé depuis 2010 chez les femelles adultes et les nouveau-nés».

Par ailleurs, plus du tiers des indicateurs du Portrait global de l’état du Saint-Laurent 2024 «affichent un état intermédiaire-bon ou bon».

Parmi ceux-ci, il y a la contamination de l’eau par les toxiques, la salubrité des eaux coquillières, le suivi des algues toxiques, l’état des communautés phytoplanctoniques et l’état de la population du bar rayé et du grand héron.

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