Les aînés prendraient encore trop de médicaments potentiellement inappropriés

Jean-Benoit Legault, La Presse Canadienne
Les aînés prendraient encore trop de médicaments potentiellement inappropriés

MONTRÉAL — Les personnes âgées prennent encore trop de médicaments potentiellement inappropriés, conclut une nouvelle étude pilotée par une chercheuse de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill.

Il s’agit de médicaments dont les inconvénients peuvent dépasser les avantages; qui peuvent être inefficaces; ou pour lesquels il existe une alternative plus sécuritaire.

«Bien que les dépenses en (médicaments potentiellement inappropriés, ou MPI) aient diminué au Canada, le coût global reste élevé, écrivent ainsi les auteurs de l’étude. La prescription de certaines classes de MPI gravement nocifs a augmenté et des interventions ciblées et évolutives sont donc nécessaires.»

La docteure Emily McDonald et ses collaborateurs ont constaté que, malgré certaines améliorations depuis 2013, la prescription de médicaments potentiellement inappropriés demeure très courante chez les aînés canadiens. Ce sont ainsi 42 % des personnes âgées de plus de 65 ans au Canada qui auraient pris au moins un MPI en 2021.

La situation n’est toutefois pas entièrement négative. Par exemple, si la population âgée de 65 ans et plus a augmenté de 32 % entre 2013 et 2021 au Canada, les dépenses totales en MPI pour les aînés ont reculé de 33,6 %, passant de 1,5 milliard $ à 1 milliard $. Les dépenses trimestrielles par personne âgée exposée ont aussi diminué de 95 $ à 57 $.

Les dépenses totales pour les MPI ont diminué dans toutes les catégories entre 2013 et 2021, à l’exception des gabapentinoïdes (un bond de 36,4 %) et des antipsychotiques (une hausse de 7,2 %).

Les auteurs précisent toutefois que la diminution du prix de nombreux médicaments, plutôt qu’un déclin du nombre d’ordonnances, est à l’origine de la majeure partie des économies.

L’exemple des gabapentinoïdes illustre bien la situation. Ces agents anticonvulsivants sont couramment utilisés pour traiter les douleurs neuropathiques. Malgré un risque accru d’effets indésirables et même de décès, en particulier lorsque pris en association avec des opioïdes, les gabapentinoïdes figurent parmi les dix médicaments les plus prescrits en Amérique du Nord, et seraient prescrits de manière inappropriée dans 83 % des cas.

L’emploi «non conforme des gabapentinoïdes» est de plus en plus reconnu comme un problème majeur en Amérique du Nord, et l’escalade des tendances en matière de mésusage et d’abus «contribue à des préjudices», préviennent ainsi les auteurs.

«On a essayé cette classe de médicaments pour traiter différents types de douleurs, mais les études montrent que ça ne fonctionne pas très bien, et même que ça augmente beaucoup le risque de complications et d’effets secondaires», a dit la docteure McDonald.

La prescription de MPI découle en partie du manque d’options pharmaceutiques pour certaines conditions, mais aussi de l’accès parfois difficile ou coûteux aux options non pharmaceutiques, comme les services d’un physiothérapeute, a-t-elle ajouté.

De plus, pour un médecin qui n’a que quelques minutes à consacrer au patient, il pourra être plus rapide d’écrire une prescription que de prendre le temps d’expliquer que le médicament n’est pas approprié et pourrait causer des effets secondaires, a admis la docteure McDonald.

«C’est un problème très complexe», a-t-elle dit.

Au-delà du seul coût financier des prescriptions, l’utilisation de ces médicaments comporte donc un risque excessif d’événements indésirables, tels que des chutes, des fractures, des troubles cognitifs et le décès. Leur utilisation crée donc une pression sur le système de santé, en contribuant à l’augmentation des visites aux urgences et des hospitalisations.

Les calculs des auteurs découlent de données provenant du Système national d’information sur l’utilisation des médicaments prescrits. Ils ont aussi utilisé l’Indice des prix à la consommation de Statistique Canada pour tenir compte de l’inflation entre 2013 et 2021.

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le Journal of the American Geriatrics Society.

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