OTTAWA — La commissaire de l’enquête fédérale sur l’ingérence étrangère a annoncé qu’elle ne dévoilerait pas publiquement les noms des parlementaires soupçonnés par un comité fédéral de s’être immiscés dans les affaires canadiennes.
Le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement en a fait sourciller plus d’un, cette année, avec la publication d’une version publique d’un rapport secret.
Celui-ci affirmait que certains parlementaires avaient aidé les efforts de certains États étrangers visant à s’ingérer dans la politique canadienne en toute connaissance de cause.
Bien que le rapport du comité ne mentionne pas les noms des personnes, ses conclusions brutales ont suscité une vague d’inquiétudes quant au fait que des membres sciemment impliqués dans de l’ingérence pourraient toujours être actifs en politique.
Lorsque les audiences de l’enquête ont repris lundi, la commissaire et juge Marie-Josée Hogue a prévenu que les allégations du rapport sont fondées sur des informations classifiées, ce qui signifie que l’enquête ne peut ni les rendre publiques, ni même les divulguer aux personnes en question.
En conséquence, la commission d’enquête ne pourra pas offrir aux individus une véritable occasion de se défendre, a-t-elle déclaré.
«Le Canada est un état de droit qui reconnaît et protège les droits fondamentaux de chaque personne, notamment le droit de se défendre pleinement contre des accusations qui pèsent contre elle», a statué la commissaire.
L’équité procédurale consacre un principe similaire, a-t-elle ajouté.
En outre, la Loi sur les enquêtes interdit expressément à la commission de tirer une conclusion défavorable à l’encontre d’une personne – en d’autres termes, une conclusion qui jetterait le discrédit sur cette personne ou ternirait sa réputation – à moins que la personne n’ait été avisée et n’ait eu la possibilité d’être entendue au sujet des allégations, a précisé la commissaire Hogue.
Toutefois, a-t-elle ajouté, la commission prévoit répondre aux allégations du comité et faire des recommandations dans la version classifiée du rapport final de l’enquête.
Premier rapport en mai
Le premier ministre Justin Trudeau et des responsables clés du gouvernement fédéral ont participé d’autres audiences, plus tôt cette année, alors que la commission examinait les allégations selon lesquelles la Chine aurait tenté de s’immiscer dans les élections de 2019 et 2021.
Le rapport initial de la juge Hogue, publié en mai, concluait que les actions de Pékin n’avaient pas eu d’incidence sur les résultats globaux des deux élections générales.
Le document notait tout de même qu’il est «possible que les résultats d’un petit nombre de circonscriptions aient été affectés», mais ajoutait qu’on ne peut l’affirmer avec certitude.
Dans la deuxième partie de la phase factuelle de la commission, les audiences publiques porteront sur la capacité des agences fédérales à détecter, dissuader et contrer l’ingérence étrangère.
Rapport final d’ici la fin de l’année
Les audiences, qui doivent se poursuivre jusqu’au 16 octobre, auront une portée assez large, examinant les institutions démocratiques et les expériences des communautés de la diaspora.
M. Trudeau, des membres de son entourage et de hauts responsables de la sécurité doivent revenir témoigner dans les prochaines semaines.
À partir du 21 octobre, la commission tiendra ensuite une semaine de consultations politiques, y compris une série de tables rondes avec des experts, pour aider la commissaire Hogue à élaborer des recommandations.
Son rapport final devrait être présenté d’ici la fin de l’année.