«Il y a des inondations partout» dans le centre et l’ouest de l’Afrique

Dyepkazah Shibayan et Monika Pronczuk, The Associated Press

Des maisons emportées jusqu’à la dernière brique. Des détenus fuyant frénétiquement une prison dont les murs ont été emportés par les eaux. Des cadavres de crocodiles et de serpents qui flottent parmi des corps humains.

Alors que des pluies torrentielles dans le centre et l’ouest de l’Afrique ont provoqué les inondations les plus catastrophiques depuis des décennies, les habitants de Maiduguri, la capitale du fragile État nigérian de Borno, qui est au centre d’une insurrection d’extrémistes islamiques, disent avoir tout vu.

Les inondations, qui ont tué plus de 1000 personnes et déplacé des centaines de milliers de personnes dans la région cette année, ont aggravé les crises humanitaires existantes dans les pays les plus touchés: le Tchad, le Nigeria, le Mali et le Niger. Plus de quatre millions de personnes ont été touchées par les inondations depuis le début de l’année en Afrique de l’Ouest, soit trois fois plus que l’année dernière, selon les Nations unies.

Les opérations de secours étant toujours en cours, il est impossible de fournir un décompte précis des victimes. Jusqu’à présent, au moins 230 personnes ont été tuées au Nigeria, 265 au Niger, 487 au Tchad et 55 au Mali, qui a connu ses inondations les plus catastrophiques depuis les années 1960.

Si l’Afrique est responsable d’une petite fraction des émissions mondiales de gaz à effet de serre, elle est l’une des plus vulnérables aux phénomènes météorologiques extrêmes, a indiqué l’Organisation météorologique mondiale au début du mois.

En Afrique subsaharienne, le coût de l’adaptation aux phénomènes météorologiques extrêmes est estimé à entre 30 et 50 milliards $ US par an au cours de la prochaine décennie, selon un rapport. Il prévient que jusqu’à 118 millions d’Africains pourraient être touchés par des phénomènes météorologiques extrêmes d’ici 2030.

Maiduguri, la capitale de l’État de Borno, est soumise à une pression considérable. Au cours de la dernière décennie, l’État de Borno a été frappé par une série d’attaques incessantes de la part des militants de Boko Haram, qui veulent installer un État islamique au Nigeria et qui ont tué plus de 35 000 personnes au cours de la dernière décennie.

Saleh Bukar, un homme de 28 ans de Maiduguri, a raconté avoir été réveillé la semaine dernière vers minuit par ses voisins.

«L’eau coulait partout», a-t-il mentionné lors d’une entrevue téléphonique.

«Ils criaient: « Tout le monde, sortez, tout le monde, sortez! »» Les personnes âgées et les personnes handicapées ne savaient pas ce qui se passait, a-t-il dit, et certaines d’entre elles ont été laissées derrière. Les personnes qui ne se sont pas réveillées à temps se sont noyées immédiatement.

Les secours ne suffisent pas

Les autorités locales sont dépassées par l’ampleur de la catastrophe: plus de 400 000 personnes au Nigeria ont été déplacées et au moins 240 personnes ont été tuées.

La semaine dernière, les inondations ont tué environ 80 % des animaux du parc du musée de l’État de Borno et un nombre indéterminé de reptiles se sont échappés. La prison principale de la ville a été tellement endommagée que des centaines de détenus se sont évadés. Les eaux ont fait tomber les murs du commissariat de police local et de certains bureaux du gouvernement.

Le Programme alimentaire mondial a installé des cuisines pour fournir de la nourriture aux personnes déplacées à Maiduguri ainsi qu’une aide alimentaire d’urgence et une aide en espèces aux personnes dans les zones les plus durement touchées.

Malgré tout, de nombreuses personnes se sentent laissées à elles-mêmes.

Harira Adamou, une mère célibataire de six enfants âgée de 50 ans, est l’une d’entre elles. Elle a révélé que les inondations ont détruit sa hutte en terre dans la ville d’Agadez, au nord du pays.

«Les chambres sont détruites, les murs sont tombés, a-t-elle souligné. C’est un gros risque de vivre dans une hutte en terre, mais nous n’avons pas les moyens d’en construire une en béton.»

Mme Adamou, qui est au chômage et a perdu son mari il y a quatre ans, a déclaré qu’elle n’avait reçu aucune aide de l’État. Ses enfants et elle vivent dans un abri temporaire à côté de leur hutte détruite et craignent que les pluies torrentielles ne reviennent.

«Je n’ai jamais vu une pluie aussi forte que cette année ici à Agadez», a-t-elle affirmé.

L’eau toujours présente

À Maiduguri, 15 % de la ville reste sous les eaux, selon les autorités locales. Alors que les prévisions annonçaient davantage de pluies dans la région, les autorités nigérianes ont prévenu en début de semaine que de nouvelles inondations étaient attendues.

M. Bukar est allé voir si l’eau qui avait englouti sa maison avait reculé, mais ce n’était pas le cas. Il a indiqué n’avoir reçu aucune aide des autorités, à l’exception de quelques denrées alimentaires distribuées à l’école locale, où il s’est abrité avec 5000 autres personnes.

Il essaie de rester sain d’esprit en aidant les autres. Avec un ami, il a aidé à récupérer 10 corps et à secourir 25 personnes, en ramant dans les rues en canoë. Il prépare aussi des repas pour ceux qui s’abritent avec lui.

«Je me porte volontaire pour aider, mais je suis aussi une victime, a-t-il laissé tomber. Notre peuple a besoin de nous. Ils ont besoin d’aide.»

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