Difficile de contrer la désinformation étrangère, selon une note d’un ministère

Jim Bronskill, La Presse Canadienne
Difficile de contrer la désinformation étrangère, selon une note d’un ministère

OTTAWA — Le ministère fédéral des Affaires étrangères s’inquiète de la diminution de sa capacité à contrer la désinformation étrangère en ligne en raison de l’accès limité aux données et de l’évolution des tactiques des adversaires, montre une note publiée il y a quelques années.

La note, déposée mercredi lors d’une enquête fédérale sur l’ingérence étrangère, indique que le Canada a dirigé le Mécanisme de réponse rapide (MRR) du G7 pour identifier et répondre aux menaces à la démocratie grâce à des analyses de données provenant de codes sources libres.

Attribué à Marta Morgan, ancienne vice-ministre des Affaires étrangères au moment de la rédaction, le mémo avertit que cette capacité d’analyse des données est devenue «de plus en plus limitée» au cours des derniers mois, principalement en raison d’un «refus soudain et imprévu» d’accès autorisé aux données des plateformes de médias sociaux.

La note aurait été rédigée entre l’été 2020 et octobre 2022, à peu près au moment où Mme Morgan a pris sa retraite de la fonction publique.

Le Mécanisme de réponse rapide du Canada, établi à Affaires mondiales Canada, produit des analyses de données ouvertes pour cartographier les tendances, les stratégies et les tactiques en matière d’ingérence étrangère. L’unité utilise des outils commerciaux et internes pour surveiller le cyberespace à la recherche de signes de manipulation d’informations parrainée par des États.

L’accès autorisé aux plateformes de médias sociaux implique généralement des fournisseurs commerciaux tiers pour accéder à l’interface de programmation d’applications (API) des plateformes, indique la note.

«Les conditions de service des plateformes de médias sociaux et la prise de décision sur l’accès à leurs API sont des décisions commerciales, qui ne doivent pas nécessairement tenir compte de la sécurité nationale ou de l’intérêt national.»

Graves conséquences

Si le refus d’accès aux données persiste, cela entraverait la capacité de MRR Canada à fournir aux décideurs politiques «une connaissance de la situation et un aperçu des éventuelles interférences étrangères en ligne concernant les priorités de politique étrangère», ajoute la note.

«Notre capacité à soutenir les efforts pangouvernementaux visant à protéger les élections canadiennes serait par conséquent limitée. Notre réputation internationale en tant que leader dans la lutte contre la désinformation en ligne serait également érodée.»

Le mémo soulignait des préoccupations particulières concernant l’accès aux données de Facebook et Twitter, désormais connu sous le nom de X.

MRR Canada et d’autres chercheurs effectuant un travail similaire dans le monde entier sont confrontés à une difficulté croissante à identifier les activités en ligne parrainées par des États étrangers. Cela est dû à «l’évolution des tactiques employées par les adversaires pour brouiller les lignes entre les acteurs nationaux et étrangers, et entre les messages ouverts et secrets», indique le mémo.

«Cette difficulté est amplifiée dans le contexte d’une infodémie liée à la pandémie et d’une multiplication des plateformes de médias sociaux exploitées par les adversaires.»

Afin de continuer à remplir son mandat, MRR Canada explore d’autres pistes, notamment «l’augmentation de l’engagement avec les plateformes de médias sociaux», peut-être par l’intermédiaire du G7, est-il écrit dans la note.

Elle indique que l’unité cherchera également à élargir ses associations avec des partenaires de la société civile et des universitaires pour soutenir l’échange d’informations et de données en temps réel.

Les responsables actuels d’Affaires mondiales pourraient être interrogés sur le mémo lorsqu’ils comparaîtront lors de l’enquête fédérale la semaine prochaine.

Les dernières audiences publiques de l’enquête portent sur la capacité des organismes à détecter, à dissuader et à contrer l’ingérence étrangère, en mettant l’accent sur les pratiques de diverses institutions et sur les expériences des communautés de la diaspora.

Un universitaire qui étudie le flux d’informations à une époque de fausses vérités et de points de vue polarisés a déclaré mercredi lors de l’enquête qu’il est très difficile d’évaluer l’effet du contenu médiatique sur le comportement des gens. Taylor Owen, professeur associé à l’Université McGill, a affirmé que le comportement n’est pas déterminé par un contenu spécifique.

Il est plutôt influencé par la somme totale des expériences, des croyances, des valeurs, des opinions politiques et de la consommation globale des médias d’une personne.

M. Owen est cochercheur principal de l’Observatoire de l’écosystème des médias (MEO), une collaboration entre McGill et l’Université de Toronto, qui combine l’analyse de données en ligne à grande échelle avec la recherche par sondage.

Dans une entrevue accordée en août à l’avocat de la commission, M. Owen et d’autres personnes impliquées dans l’initiative ont déclaré que les restrictions sur l’accès aux données des médias sociaux signifient que l’Observatoire de l’écosystème des médias est incapable d’obtenir certains types d’informations précieuses sans dépenser des sommes d’argent irréalistes.

«Au lieu de cela, les chercheurs, y compris le MEO, doivent obtenir des données plus limitées par leurs propres moyens», peut-on lire dans un résumé de l’entrevue déposé à la commission.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires