Injonction demandée pour empêcher les déversements de terre contaminée à Kanesatake

La Presse Canadienne
Injonction demandée pour empêcher les déversements de terre contaminée à Kanesatake

MONTRÉAL — Le gouvernement du Québec se tourne vers les tribunaux pour empêcher le déversement de terre contaminée le long du lac des Deux-Montagnes, dans la communauté mohawk de Kanesatake.

Après une opération le mois dernier visant à recueillir des échantillons de sol et à inspecter plusieurs sites le long des rives du lac des Deux-Montagnes, le ministère de l’Environnement demande une injonction à la Cour supérieure du Québec pour faire cesser le déversement de terre et d’autres déchets sur 17 propriétés.

Cette décision fait suite à des mois de couverture médiatique et de pression publique de la part des membres de la communauté, qui affirment que le déversement illégal est un problème à Kanesatake depuis des années. Le gouvernement dit avoir commencé à se pencher sur la question après avoir reçu des plaintes de résidents l’automne dernier.

La demande d’injonction cite 17 défendeurs, principalement des résidents de Kanesatake, et deux entreprises qui ont travaillé sur les propriétés où le déversement aurait eu lieu. Mais la requête ne vise pas d’autres entreprises de construction dont des camions ont été fréquemment vus transporter de la terre vers le territoire mohawk.

Le document allègue que les défendeurs ont commis de «nombreuses infractions» à la réglementation environnementale du Québec sur leurs terres, notamment en coupant des arbres, en remblais, en déposant de la terre contaminée et en érigeant des bâtiments sur les rives du lac. Il précise que certains des échantillons de sol prélevés le mois dernier étaient contaminés par des hydrocarbures.

«Ces activités illégales (…) posent un risque particulier pour les organismes vivants, pour la santé de l’écosystème aquatique à proximité et constituent une menace sérieuse pour la qualité de l’environnement», affirme le gouvernement.

Selon la requête, le ministère de l’Environnement a reçu des plaintes concernant le déversement de terre possiblement contaminée à Kanesatake au cours de l’été et de l’automne 2023, mais une opération d’échantillonnage de sol prévue en décembre a été annulée en raison du mauvais temps. Une autre tentative en mai a été écourtée après une altercation physique entre un employé sur l’une des propriétés et deux chefs du Conseil mohawk de Kanesatake.

Le ministère affirme avoir envoyé des lettres en juin aux entreprises de camionnage de la région de Montréal les informant qu’il n’y avait «aucun site autorisé» pour l’élimination des sols contaminés à Kanesatake, mais le problème a persisté.

Les inspections menées le mois dernier ont révélé que les défendeurs utilisaient le sol pour remblayer le long du front de mer et, dans certains cas, ils ont ensuite érigé de nouveaux bâtiments sur le sol, allègue le gouvernement. Un affidavit d’un enquêteur du gouvernement cite deux dispensaires de cannabis qui ont été construits le long du rivage remblayé.

Les résidents visés, plutôt que les entreprises

Le document judiciaire affirme que l’érosion du sol dans le lac pourrait réduire les niveaux d’oxygène dans l’eau et nuire aux populations de poissons et d’invertébrés. Le gouvernement affirme qu’il est urgent de mettre un terme au déversement de sol en raison du «grand nombre de camions accédant au site chaque jour».

Mais la demande d’injonction vise principalement les résidents, et non les entreprises qui transportent le sol vers le territoire mohawk. Les médias ont rapporté plus tôt cette année un flux constant de camions livrant des chargements de terre à Kanesatake en provenance de chantiers de construction de la région de Montréal, dont plusieurs de Nexus Construction et des Grands Travaux de Montréal. Les entreprises ne sont pas nommées dans le dossier judiciaire.

Seules deux entreprises, Les Entreprises Translogik et Excavation Denis Dagenais, sont nommées comme défendeurs. Le gouvernement allègue qu’elles ont participé au remblayage du littoral. Joint par téléphone, Hugo Dagenais, qui dirige Excavation Denis Dagenais, a refusé d’être interviewé.

Dans une déclaration sous serment, un fonctionnaire du ministère de l’Environnement a affirmé qu’il avait fallu beaucoup de temps pour planifier les inspections, en partie à cause de problèmes de sécurité, et en partie parce que le Conseil mohawk de Kanesatake est divisé en «deux factions», ce qui a ralenti la communication.

Le déversement illégal de déchets à Kanesatake est une préoccupation de longue date. Le gouvernement du Québec a accordé un permis en 2015 aux frères Gary et Robert Gabriel pour exploiter un centre de recyclage industriel sur le territoire. Mais la province a révoqué le permis et ordonné la fermeture du site en 2020, après que des inspections ont révélé que le volume de déchets dépassait largement la limite autorisée et que des eaux noires et contaminées s’écoulaient dans l’environnement.

Robert Gabriel est l’un des accusés nommés dans le nouveau dossier judiciaire. Il est répertorié comme le propriétaire de High Times, un magasin de cannabis construit sur le rivage remblayé.

Les avocats du gouvernement étaient au tribunal à Saint-Jérôme, au Québec, mercredi, mais le juge a reporté l’audience au 7 octobre pour donner aux accusés le temps de trouver des avocats.

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