OTTAWA — Le Bloc québécois tente d’accroître la pression sur le gouvernement libéral minoritaire à Ottawa, mardi, en demandant à la Chambre des communes de se prononcer sur sa demande de hausser la pension de la sécurité de vieillesse pour les aînés de 65 à 74 ans.
Cette demande fait partie de l’ultimatum lancé aux libéraux, la semaine dernière, par le parti d’opposition. Les bloquistes réclament l’adoption complète de leur projet de loi C-319 sur la pension de sécurité de la vieillesse d’ici au 29 octobre, en plus de l’adoption d’une autre de leurs propositions législatives.
Au-delà de cette date butoir, le Bloc menace d’amorcer des discussions avec les autres partis d’opposition pour faire tomber le gouvernement. Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, s’est même dit prêt mardi à aller en campagne électorale avant cela.
Pour faire adopter C-319, les bloquistes ont d’abord besoin que le gouvernement accorde la recommandation royale à la pièce législative puisque celle-ci entraîne des dépenses. Ainsi, les troupes de M. Blanchet utilisent mardi leur première journée d’opposition de la session parlementaire pour forcer la tenue d’un débat sur une motion qui déclarerait que la Chambre demande aux libéraux d’entreprendre de telles démarches «dans les plus brefs délais».
«Si le gouvernement n’accède pas à notre demande, on va comprendre ce que ça veut dire et on va initier des négociations qui ne seront pas nécessairement agréables, mais dont la finalité va être claire avec les autres oppositions en vue de renverser (le) gouvernement», a dit M. Blanchet aux Communes.
Le vote sur la motion bloquiste est prévu mercredi. Le résultat permettra d’entrevoir si le gouvernement compte accepter les conditions du Bloc pour se maintenir au pouvoir pendant quelques mois de plus.
Entre-temps, une autre motion conservatrice qui avait pour but de faire tomber le gouvernement a été battue mardi, les bloquistes et néo-démocrates s’y étant opposés aux côtés des libéraux. L’adoption d’une telle motion entraîne la dissolution du Parlement et le déclenchement d’une campagne électorale.
M. Blanchet a précisé qu’il n’entend pas entamer des démarches pour renverser le gouvernement dès mercredi si les libéraux votent contre la motion. «Ils auraient le temps de changer d’idée, (mais) si j’étais eux, je ne ferais pas ça parce que (…) le message que ça enverrait serait très, très, très compromettant pour le gouvernement et très, très mal reçu», a-t-il soutenu en mêlée de presse.
Le ministre de l’Emploi, Randy Boissonnault, n’a pas fermé la porte à appuyer la motion bloquiste et il a affirmé être «en réflexion». Le conseil des ministres vote toujours ensemble, d’un même bloc.
Quelques heures plus tard, lors de la période des questions, le ministre des Aînés, Steven MacKinnon, s’est contenté de répéter ses reproches à l’endroit du Bloc pour avoir refusé de soutenir certaines initiatives du gouvernement, comme le programme de prestation de soins dentaires dont bénéficient des aînés.
Au moment du vote en deuxième lecture de C-319 à la Chambre des communes, les libéraux avaient voté contre la proposition bloquiste bien qu’ils l’avaient appuyée à l’étape de l’étude en comité. Les conservateurs et néo-démocrates s’étaient ralliés au Bloc. Le projet de loi est maintenant en troisième lecture, dernière étape avant que C-319 soit envoyé aux sénateurs pour la poursuite de l’étude législative.
M. Boissonnault a mentionné que «le Sénat a ses propres dynamiques». Dans cette optique, même si la recommandation royale était donnée, il reste à voir en combien de temps les sénateurs concluraient leur étude de C-319 et si cela permettrait de respecter l’échéance du 29 octobre.
«Si chacun des sénateurs prend la parole sur un projet de loi en particulier, ils peuvent parler jusqu’à une heure de cela (chaque) et si vous ajoutez autant d’heures, ça allonge vraiment le processus», a dit M. Boissonnault en se rendant à une réunion du conseil des ministres.
Le ministre de la Santé, Mark Holland, a quant à lui affirmé que le gouvernement considère toujours le coût d’une mesure avant d’aller de l’avant, dans n’importe quelle décision.
«En termes de ce que nous ferons pour la suite des choses, nous devons effectuer un mélange en travaillant avec les parlementaires (…) et en étant responsables avec les deniers publics ainsi qu’en nous assurant que les décisions que nous prenons se concentrent sur ceux qui ont les plus grands besoins», a-t-il soutenu.
Les libéraux rappellent depuis plusieurs jours qu’ils ont augmenté de 10 % la pension de sécurité de la vieillesse pour les aînés de 75 ans et plus. Ils répètent que les aînés plus âgés ont plus de besoins.
La présidente du réseau FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman, a affirmé que la décision d’exclure les 65 à 74 ans de cette bonification est contestée par bien des aînés depuis le début. «Pour un million d’aînés que nous représentons, il était incompréhensible que ces personnes soient laissées de côté», a-t-elle dit, accompagnant M. Blanchet.
La présidente de l’Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) pour l’Outaouais, Diane Dupéré, a renchéri que si le gouvernement refuse d’accorder la recommandation royale à C-319, ce sera «une insulte flagrante envers les aînés canadiens qui ont consacré leur vie à bâtir notre pays».
Plusieurs personnes âgées étaient réunies mardi devant le parlement pour exprimer leur soutien à C-319, à l’occasion de la Journée nationale des aînés.
Selon le directeur parlementaire du budget, accroître le montant des pensions pour les aînés âgés de moins de 75 ans coûterait 16 milliards $ au cours des cinq prochaines années.
M. Blanchet réfute toute idée que C-319 est une mesure trop coûteuse. Il a réitéré mardi qu’Ottawa pourrait cesser de verser des subventions aux énergies fossiles et rediriger ces sommes dans des mesures telles que la hausse de la pension de sécurité de la vieillesse.