La motion bloquiste sur les aînés adoptée malgré l’opposition des libéraux

Émilie Bergeron, La Presse Canadienne
La motion bloquiste sur les aînés adoptée malgré l’opposition des libéraux

OTTAWA — La motion bloquiste sur la hausse de la pension de sécurité de la vieillesse pour les aînés de 65 à 74 ans a été adoptée mercredi aux Communes malgré le fait que la quasi-totalité des libéraux s’y soient opposés.

Les néo-démocrates et les conservateurs ont appuyé les bloquistes dans leur initiative. Le vote uni des trois principaux partis d’opposition a donc permis à la motion d’être entérinée.

Le ministre de l’Emploi, Randy Boissonnault, a été le premier à ébruiter la position du cabinet mercredi. Les députés libéraux qui ne sont pas ministres étaient quant à eux libres de voter comme ils l’entendaient.

«Ce qu’il est important de regarder, c’est jusqu’à quel niveau les aînés de 65 à 75 sont les mieux nantis que jamais dans cette période du Canada», a dit M. Boissonnault en se rendant à une réunion du caucus libéral.

La leader du gouvernement en Chambre, Karina Gould, a, peu après, confirmé que le conseil des ministres allait voter contre. Elle a fait valoir qu’au niveau procédural, la motion de journée d’opposition du Bloc québécois n’était pas le véhicule approprié pour obtenir gain de cause.

La motion qui a été mise aux voix en après-midi vise à déclarer que la Chambre demande aux libéraux d’entreprendre des démarches pour accorder la recommandation royale «dans les plus brefs délais» à leur projet de loi C-319 sur l’augmentation de la pension de sécurité de la vieillesse.

Cette recommandation royale est nécessaire pour que la pièce législative puisse être adoptée, puisqu’elle prévoit des dépenses. L’adoption de C-319 fait partie de l’ultimatum lancé aux libéraux par le Bloc et qui donne jusqu’au 29 octobre au gouvernement minoritaire pour répondre aux exigences des bloquistes.

Au-delà de cette date butoir, le Bloc menace d’amorcer des discussions avec les autres partis d’opposition pour faire tomber le gouvernement. Le chef bloquiste Yves-François Blanchet s’est même dit prêt à se diriger vers une campagne électorale avant cela s’il devient «impossible» que les libéraux accèdent aux demandes bloquistes.

Lorsque Mme Gould a été questionnée à savoir si les libéraux écartaient l’idée d’accorder la recommandation royale si le Bloc québécois en faisait la demande par une autre procédure, la leader parlementaire n’a pas voulu s’avancer.

«Je parle à tous les partis tout le temps pour voir comment on pourrait faire fonctionner ce Parlement (…) et nous sommes dans une position où nous continuons des discussions», s’est-elle contentée de répondre.

Ayant entendu le gouvernement «invent(er) cet argument procédural», M. Blanchet estime qu’il est encore possible que C-319 devienne réalité avec l’appui des libéraux.

«Ils n’ont pas dit qu’ils ne voulaient pas le faire. (…) On n’en est pas rendu là, même si je vous concéderai facilement que ce n’est pas bon signe, que le niveau d’alerte électorale monte un petit peu», a-t-il mercredi aux journalistes, tout juste après l’adoption de la motion.

Le premier ministre Justin Trudeau a, à nouveau, vanté le bilan de son gouvernement en matière d’aide aux aînés, se félicitant pour les prestations sur les soins dentaires offerts aux personnes âgées et l’abaissement de l’âge de la retraite de 67 à 65 ans.

«Nous sommes un gouvernement qui a toujours été là pour les aînés. On est là pour investir, on est là pour les appuyer, mais on n’est pas là, contrairement au Bloc, pour jouer de la petite politique», a-t-il lancé au cours de la période des questions.

Seule une poignée d’élus parmi les troupes de Justin Trudeau ont appuyé la motion bloquiste, comme le Néo-Brunswickois René Arseneault. L’ex-ministre Pablo Rodriguez, qui a récemment quitté le caucus libéral pour siéger comme indépendant, a aussi voté pour.

Selon le directeur parlementaire du budget, accroître le montant des pensions pour les aînés âgés de moins de 75 ans coûterait 16 milliards $ au cours des cinq prochaines années.

Le député ontarien Nathanial Erskine-Smith, qui a voté contre la motion, a mentionné le coût en expliquant sa décision de s’opposer à l’initiative du Bloc québécois. «Si un aîné gagne 125 000 $, je ne veux pas dépenser un dollar des contribuables quand ce dollar devrait aller à des aînés à faible revenu et des jeunes qui sont désespérés de trouver un logement», a-t-il soutenu.

Le chef bloquiste, Yves-François Blanchet, réfute toute idée que C-319 est une mesure trop coûteuse. Il a réitéré mardi qu’Ottawa pourrait cesser de verser des subventions aux énergies fossiles et rediriger ces sommes dans des mesures telles que la hausse de la pension de sécurité de la vieillesse.

Cela ne fait aucun sens aux yeux de M. Erskine-Smith. «Ils devraient apprendre à calculer. (…) Tu ne vas pas trouver 16 milliards $ sur cinq ans dans les subventions aux énergies fossiles», a-t-il répliqué.

M. Blanchet est plutôt d’avis qu’Ottawa met de 10 à13 milliards $ par année dans de telles subventions «directes ou indirectes». Les deux députés du Parti vert se sont dits d’accord avec la proposition du Bloc de rediriger les fonds versés à l’industrie pétrolière et gazière dans l’aide aux aînés.

Le fait que la motion bloquiste ait reçu l’appui des conservateurs, mais surtout du Nouveau Parti démocratique (NPD), fait dire à M. Blanchet que ceux-ci devront ensuite être conséquents si la pension de sécurité de la vieillesse n’est pas haussée pour les aînés de 65 à 74 ans.

«Éventuellement, si le gouvernement ne nous donne pas ce que nous demandons à la fin du mois (…) et ce que le NPD semble vouloir aussi et ce que les conservateurs semblent vouloir aussi (…), les discussions avec les oppositions dans la perspective de renverser le gouvernement vont probablement s’entreprendre de façon plus rapide et constructive», anticipe M. Blanchet.

Selon le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, aucune discussion n’a eu lieu jusqu’à présent entre son parti et le Bloc sur l’aide aux aînés et sur ce qui pourrait se produire après le 29 octobre.

Les conservateurs, quant à eux, souhaitent faire tomber le gouvernement le plus tôt possible et déposent des motions de censure à chaque occasion. Jusqu’à présent, leurs tentatives ont échoué à deux reprises. L’adoption d’une motion de censure signifie que le gouvernement a perdu la confiance de la Chambre, ce qui mène à la dissolution du Parlement et à une élection générale.

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