La vie n’est plus la même pour une famille montréalaise depuis le 7 octobre 2023

Sidhartha Banerjee, La Presse Canadienne
La vie n’est plus la même pour une famille montréalaise depuis le 7 octobre 2023

MONTRÉAL — Raquel Ohnona Look essuie une larme lorsqu’elle regarde la plaque honorant son fils qui a été fixée sur un banc d’un espace vert de Côte Saint-Luc, en banlieue de Montréal, récemment nommé en son honneur.

«Toujours dans nos cœurs. Notre héros», peut-on lire au-dessus du nom d’Alexandre Look et de sa date de naissance et de celle de sa mort — 10 septembre 1990-7 octobre 2023.

Âgé de 33 ans, Alexandre Look, un natif de Montréal, participait au festival de musique Supernova lorsque des combattants du Hamas ont attaqué le site. Il figure parmi les huit citoyens canadiens ou ayant des liens avec le Canada tués lors de l’attaque du 7 octobre de l’an dernier.

«L’année a été difficile. C’est une nouvelle réalité. Notre dynamique familiale a changé, raconte Mme Ohnona Look. Il avait une grande personnalité. Nous ne sommes plus pareils depuis ce 7 octobre».

Ce 7 octobre s’est transformé en cauchemar, le pire que des parents puissent vivre. Mme Ohnona Look et son mari Alain ont été témoins des derniers moments de leur fils. Ils étaient en appel vidéo avec Alexandre lorsque les terroristes du Hamas ont attaqué. Le jeune homme s’est précipité vers un abri en compagnie d’une trentaine de festivaliers.

En entendant les coups de feu, la mère a échappé son téléphone. Le père l’a ramassé, cherchant à comprendre ce qui était en train de se passer. Tout ce qu’il a entendu est la phrase «Allahu akbar». Il savait alors qu’Alexandre était mort.

L’année qui a suivi a été comme des montagnes russes émotionnelles. «J’ai un trou dans le cœur. Je ressens de la colère. Je suis traumatisée parce que, vous savez, avoir son enfant tué pendant que vous êtes au téléphone avec lui. On n’en revient pas inchangé», lance Mme Ohnona Look.

Elle a tenté d’en savoir plus long sur les circonstances de la mort de son fil. Elle a parlé avec des survivants qui étaient réfugiés dans le même bunker.

«Il est devenu un héros ce jour-là, a-t-elle appris. Il a sacrifié sa vie. Il s’est placé devant l’abri où les autres se cachaient.» Elle ajoute que les survivants lui ont décrit son fils comme une personne qui tentait d’améliorer le moral de ses infortunés compagnons pendant l’attaque terroriste.

Alexandre avait aussi tenté de consoler sa mère pendant qu’il lui parlait. Il avait demandé sur un ton enjoué ce qu’elle avait l’intention de préparer pendant le temps des Fêtes. Elle l’a même entendu tenter de discuter avec les assaillants. «Mais on ne peut pas raisonner des monstres», balance-t-elle.

Elle a rencontré un des secouristes qui étaient intervenus sur les lieus. Elle a pu combler certains des trous qui la hantaient. Alexandre aurait été retrouvé au-dessus des corps de deux autres personnes qu’il tentait de protéger à l’entrée de l’abri. Il avait été atteint de plusieurs coups de feu. Il a reçu plusieurs éclats de grenade. Plusieurs survivants avaient pu se cacher à l’arrière du bunker.

«C’est bien Alex ça. Il aurait fait 100 fois plus s’il avait pu. Son grand cœur l’a toujours guidé. C’est comme ça qu’il vivait sa vie.»

Mme Look mentionne que son fils était un vendeur né qui pouvait parler six langues. Il vivait à Cabo San Lucas, au Mexique, où il était représentant en cosmétique. Il était allé en Israël pour ses vacances.

Après sa mort, la famille Look est revenue vivre à Côte-St-Luc, une ville comptant une très importante communauté juive sur l’île de Montréal. La place Alexandre-Look est située près d’une école secondaire juive et près de la synagogue où le père se rend prier tous les matins.

La communauté a partagé le deuil de la famille et le partage toujours. Au cours de l’entrevue de Mme Look à la Presse Canadienne, une dizaine de personnes, certaines de parfaites étrangères, se sont arrêtés pour exprimer leurs condoléances, échanger une étreinte ou souhaiter une bonne année.

Ohnona Look souhaite que ceux qui ont été tués le 7 octobre ne soient pas oubliés

Parmi les victimes figure Judih Weinstein Haggai, une femme âgée de 70 ans qui avait trois citoyennetés: canadienne, américaine et israélienne. Elle a été tuée lorsqu’elle se promenait avec son mari près du kibboutz de Nir Oz, à moins de trois kilomètres de la frontière avec la bande de Gaza.

Âgée de 74 ans, Vivian Silver, qui est née à Winnipeg, a été tuée dans le kibboutz Be’eri, près de la frontière avec Gaza. On pensait qu’elle avait été enlevée par le Hamas, mais son corps a été identifié à mi-novembre.

Parmi les autres tués canadiens: Ben Mizrachi, 22 ans, de Vancouver, Netta Epstein, 21 ans; Shir Georgy, 22 ans et Adi Vital-Kaploun, 33 ans.

Mme Ohnona Look dit s’être placée «en mode guerrier» afin de combattre l’antisémitisme et de parler pour ceux qui sont toujours détenus par le Hamas.

«Je fais ce que mon fils aurait voulu que je fasse. Je suis la voix de ceux que l’on oublie: les otages restants. Et même s’ils ont été tués, nous voulons ravoir leur corps.»

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