Québec obtient une injonction pour suspendre les déversements de sols à Kanesatake

La Presse Canadienne
Québec obtient une injonction pour suspendre les déversements de sols à Kanesatake

MONTRÉAL — La Cour supérieure a accordé lundi au gouvernement du Québec une injonction provisoire qui oblige plusieurs résidents de la communauté mohawk de Kanesatake de mettre fin au déversement illégal de sols contaminés sur des propriétés riveraines du lac des Deux-Montagnes.

Le juge Benoît Emery a émis une injonction de 10 jours, au Palais de justice de Saint-Jérôme, à la suite d’une demande du ministère de l’Environnement du Québec. Les avocats du gouvernement reviendront devant le tribunal le 18 octobre pour demander une prolongation de cette injonction.

Le gouvernement du Québec avait effectué une opération d’échantillonnage du sol à Kanesatake à la fin du mois d’août, qui a révélé que des sols contaminés avaient été déversés sur plusieurs propriétés le long des rives du lac des Deux-Montagnes.

La demande d’injonction fait suite à des mois de couverture médiatique et de pression publique de membres de la communauté, qui affirment que le déversement illégal est un problème récurrent depuis des années à Kanesatake.

Les avocats du gouvernement ont cité dans leur requête 17 défendeurs, principalement des résidents de Kanesatake, et deux entreprises d’excavation qui ont mené des travaux sur les propriétés où les déversements illégaux auraient eu lieu.

La demande d’injonction alléguait que les défendeurs avaient commis de «nombreuses violations» de la réglementation environnementale du Québec sur 17 propriétés riveraines, notamment l’abattage d’arbres, le remblayage, le dépôt de sols contaminés et l’érection de bâtiments sur les rives du lac. Le gouvernement soutenait que certains échantillons de sol avaient été contaminés par des hydrocarbures et que l’activité illégale menaçait l’habitat du poisson.

L’avocat du gouvernement, Simon Larose, a soutenu lundi au tribunal que cette situation était devenue «intolérable» et qu’elle perdurait.

Dans une déclaration sous serment, un enquêteur du gouvernement a affirmé que le ministère a été informé le printemps dernier que plus de 500 camions se rendaient chaque jour à Kanesatake pour y déverser des chargements de terre. Mais l’injonction ne vise pas les entreprises de construction dont les camions étaient fréquemment vus se rendre de la région de Montréal vers le territoire mohawk près d’Oka.

Un porte-parole du ministère de l’Environnement déclarait le mois dernier que le gouvernement menait une enquête criminelle qui ciblait tous les acteurs impliqués dans le dossier, «en particulier les transporteurs et les chantiers de construction qui génèrent cette terre». Lundi, le porte-parole a fait savoir que l’enquête était toujours en cours.

Juridiction contestée

Les accusés n’étaient pas tous présents au tribunal lundi, et parmi ceux qui l’étaient, seuls quelques-uns étaient représentés par un avocat. Les avocats de Jennifer Lessard et Joshua Smith-Gabriel, tous deux résidents de Kanesatake, ont déclaré qu’il n’était pas juste de mettre tous les accusés dans le même panier, étant donné qu’ils n’ont pas tous été accusés des mêmes infractions.

Mme Lessard a été accusée d’avoir remblayé le rivage de sa propriété, tandis que M. Smith-Gabriel a été accusé d’avoir coupé des arbres le long du rivage. Le sol de leurs propriétés n’a pas été jugé contaminé.

L’avocat de Mme Lessard, Fadi Amine, a déclaré que sa cliente essayait de niveler son terrain pour que ses enfants puissent y construire leur propre maison, et on lui a assuré que le sol serait propre.

Les avocats du gouvernement «donnent l’impression que ma cliente et tous ces individus font partie d’une vaste conspiration visant à polluer», a-t-il plaidé. «Ma cliente veut que sa famille vive sur le terrain qui lui appartient. Et elle veut évidemment que ce terrain soit propre.»

Il a également affirmé que Mme Lessard avait arrêté les travaux sur sa propriété en juin dernier pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec l’enquête gouvernementale.

Cependant, selon Me Larose, le dépôt de terre le long du rivage constitue une forme de pollution même si cette terre n’est pas contaminée, car la terre meuble s’érode dans l’eau et nuit au milieu aquatique.

Les avocats des défendeurs ont également contesté la compétence du gouvernement provincial pour enquêter sur cette affaire. Ils ont déclaré que le Conseil mohawk de Kanesatake est responsable de la protection environnementale du territoire.

«Le ministre a usurpé l’autorité du conseil en entreprenant ces procédures», a déclaré François Gottlieb, l’avocat de M. Smith-Gabriel. «Et je pense qu’il s’agit d’une violation des droits des gens, des défendeurs de Kanesatake.»

Les avocats du gouvernement ont soutenu que la question de la compétence pourrait être réglée à une date ultérieure.

Sonya Gagnier, conseillère auprès d’une organisation québécoise offrant des conseils juridiques aux peuples autochtones, a déclaré au juge que de nombreux accusés ont un accès limité à une représentation juridique, mais qu’ils «sont d’accord avec les questions de compétence et de constitutionnalité soulevées aujourd’hui».

Elle a annoncé que les accusés se représenteront eux-mêmes jusqu’à ce qu’ils puissent trouver quelqu’un pour les représenter.

Le gouvernement allègue que les inspections menées en août dernier ont révélé que les défendeurs utilisaient le sol pour remblayer le long du rivage du lac des Deux-Montagnes et, dans certains cas, ils ont ensuite érigé de nouveaux bâtiments sur ces terres.

La déclaration sous serment d’un enquêteur du gouvernement cite deux dispensaires de cannabis qui auraient été construits le long du rivage remblayé.

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