Le RRASMQ souhaite que la santé mentale soit démédicalisée

Katrine Desautels, La Presse Canadienne
Le RRASMQ souhaite que la santé mentale soit démédicalisée

MONTRÉAL — Les enjeux de santé mentale sont toujours d’actualité, bien que les mentalités aient évolué au fil des ans. Le Regroupement des ressources alternatives en santé mentale du Québec (RRASMQ) croit qu’il est temps de démédicaliser la santé mentale et mieux valoriser les pratiques de groupes d’entraide.

Le thème de la santé mentale refait surface à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale. Anne-Marie Boucher, co-coordonnatrice du RRASMQ, reconnaît que certains aspects ont cheminé au cours des dernières années. Il y a notamment bien moins de tabous entourant les problèmes de santé mentale.

Cependant, il reste encore beaucoup de chemin à faire, dit-elle, notamment au niveau de la prévention et de l’accompagnement. Il faut aussi que les gouvernements mettent en place des mesures favorisant des conditions de vie garantes d’une bonne santé mentale. L’accès au logement n’est pas étranger à la détresse que plusieurs vivent, par exemple.

«Pour nous, c’est un thème qui est toujours pertinent. C’est un thème qu’il faut démédicaliser aussi. Donc de ne pas laisser la santé mentale seulement comme un enjeu médical où on parle de diagnostic et de médication. C’est un enjeu de santé qui est plus global duquel il faut encore parler de façon nuancée et complexe», a déclaré Mme Boucher.

Elle souligne que l’accompagnement professionnel en santé mentale est essentiel. Son point étant qu’il ne s’agit pas de la seule forme d’accompagnement qui existe.

Le RRASMQ a une approche alternative qui mise sur l’entraide entre les personnes. Des groupes proposent des séances de discussion entre les gens qui vivent une même réalité. Il y a aussi de l’art thérapie et des approches psychocorporelles, entre autres. «Il y a toutes sortes de ressources qui offrent toutes sortes d’accueil. Elles ont en commun de porter la philosophie alternative», résume Mme Boucher.

«C’est quelque chose d’extrêmement protecteur pour la santé mentale, mais qui n’est malheureusement pas très visibilisé quand on parle de soutien en santé mentale», mentionne-t-elle.

Dans l’objectif de diminuer le recours à l’hospitalisation des personnes présentant un trouble de santé mentale, le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, a inauguré jeudi des services sur le territoire du CIUSSS de la Capitale-Nationale.

Il ne s’agit pas de ressources alternatives, mais notamment d’une équipe d’accompagnement bref dans la communauté et d’une unité d’intervention brève. Ces services visent à créer une nouvelle culture de soins où les expertises spécialisées en santé mentale sont offertes en dehors du milieu hospitalier.

Le sous-financement menace les groupes

Mme Boucher relève que l’un des problèmes dans notre société est qu’il existe peu d’aide disponible pour appuyer une personne avant qu’elle soit en détresse. «Parce qu’il y a souvent toute une situation qui dégringole avant qu’une personne soit en crise. […] Il faut s’assurer que les gens aient rapidement de l’aide», plaide-t-elle.

Mme Boucher qualifie de «parent pauvre» du réseau de la santé les services publics en santé mentale. Elle se désole que lorsque des gens appellent au 8-1-1 option 2, il n’y a pas nécessairement un soutien psychosocial rapidement. «Quand les gens appellent à l’aide et qu’ils se rendent compte qu’il n’y a pas de service au bout du fil, c’est extrêmement désespérant et ils n’oseront peut-être pas appeler à l’aide une deuxième fois», prévient-elle.

Selon la co-coordinatrice du RRASMQ, il y a urgence que le gouvernement du Québec investisse de nouvelles sommes dans l’ensemble des groupes communautaires puisqu’ils approchent d’un point de rupture. L’argent servirait notamment à offrir de meilleures conditions de travail. «En ce moment, les groupes embauchent et parfois ils sont gênés des conditions de travail parce qu’ils mettent les gens en situation de pauvreté», rapporte Mme Boucher.

Elle explique que les retombées de la pratique des ressources alternatives sont parfois difficiles à calculer puisque l’aide est souvent informelle. «C’est important quand même qu’il y ait un soutien de la part du gouvernement de ces espaces citoyens qui sont essentiels. Nous, on voit les retombées positives et que ça fait une différence dans la vie des gens qui les fréquentent», met-elle de l’avant.

Des fonds gouvernementaux sont remis chaque année aux groupes de ressources alternatives, mais le problème, selon le RRASMQ, est que ce financement n’est pas à la hauteur de l’inflation. L’argent est indexé annuellement à hauteur de 1 ou 2 % alors que certaines années la hausse du coût de la vie a franchi les 5 %.

«Dans le contexte où on nous annonce de l’austérité, où il y a peu d’argent qui descend vers le milieu communautaire, on voit nos groupes s’épuiser, travailler très fort avec peu de moyens, et on sait que ce filet ne tiendra pas éternellement si on ne le soutient pas davantage», fait valoir Mme Boucher.

Le contenu en santé de La Presse Canadienne obtient du financement grâce à un partenariat avec l’Association médicale canadienne. La Presse Canadienne est l’unique responsable des choix éditoriaux.

Partager cet article
S'inscrire
Me notifier des
guest
0 Commentaires
plus ancien
plus récent plus voté
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires