Au Labrador, des subventions inefficaces pour des prix d’épicerie indigestes

Sarah Smellie, La Presse Canadienne
Au Labrador, des subventions inefficaces pour des prix d’épicerie indigestes

SAINT-JEAN — La députée du Nunavut exhorte les habitants du nord du Labrador à se plaindre directement au gouvernement fédéral des prix des aliments qui ont été décrits comme inhumains.

La députée du NPD Lori Idlout se bat à la Chambre des communes pour une refonte du programme de subvention Nutrition Nord Canada (NNC), qui vise à compenser les coûts de transport vers les communautés autochtones éloignées afin de réduire le prix des aliments sains.

Les subventions semblent être particulièrement inefficaces à Nain, village le plus septentrional de Terre-Neuve-et-Labrador, où les prix des aliments ont plus que doublé depuis le lancement du programme et sont maintenant parmi les plus élevés du pays.

Dans une récente entrevue, Mme Idlout avait un message clair pour les habitants de Nain qui ont du mal à se payer de la nourriture: «Déposez vos plaintes directement au ministre des Affaires du Nord», a-t-elle dit, faisant référence à Dan Vandal. «De toute évidence, se plaindre aux magasins du Nord ne fonctionne pas.» Nain compte environ 1200 habitants et est l’une des cinq communautés accessibles par avion du Nunatsiavut, la région inuite située le long de la côte nord du Labrador.

Les chiffres du gouvernement montrent que le prix d’une semaine de nourriture saine pour nourrir une famille de quatre personnes a augmenté de près de 62% à Nain entre 2021 et 2011, année du lancement du programme. Il s’agit de la plus forte augmentation parmi les communautés déclarantes admissibles aux subventions.

En 2021, le coût d’une semaine de nourriture saine pour quatre personnes à Nain était de 503$, ce qui est également le plus élevé parmi les communautés déclarantes.

Des photos sur les réseaux sociaux montrent que le magasin Northern Store local facture 7,97$ pour du chou et 21,49$ pour une bouteille de 1,42 litre d’huile de cuisson Crisco – des prix que Rosie Harris, résidente de Nain, a décrit comme «inhumains». Les prix, a déploré Mme Harris, forcent les familles à souffrir de la faim.

Lynn Blackwood, gestionnaire des programmes de sécurité alimentaire du gouvernement inuit du Nunatsiavut, dans le nord du Labrador, a pointé que le programme ne fonctionne «manifestement» pas et que les taux de subvention pour Nain doivent être ajustés.

Le gouvernement fédéral examine actuellement le programme et des responsables doivent se rendre à Nain et Rigolet, à Terre-Neuve-et-Labrador, au début de l’année prochaine pour discuter avec les aînés et les membres de la communauté du coût de la nourriture. «Mais je ne sais pas à quel moment cet examen sera effectué », a précisé Mme Blackwood. «Je pense que nous devons agir dès maintenant.»

Inuit Tapiriit Kanatami, qui représente environ 70 000 Inuits au Canada, a recommandé une refonte du programme NNC en 2021, dans le cadre de sa stratégie de sécurité alimentaire pour l’Inuit Nunangat, qui est la région inuite qui s’étend du Yukon au Labrador.

Des hausses de coûts décuplées par la distance

Une déclaration du ministère des Affaires du Nord indique que la hausse des coûts des aliments dans tout le pays et une augmentation de 30 % des coûts du carburant et du transport ont contribué à faire grimper les prix des aliments à Nain.

Les aliments peuvent être livrés en ville par bateau pendant les mois les plus chauds ou par avion en hiver, ce qui est beaucoup plus cher.

Pendant la pandémie de COVID-19, les gens ont acheté plus que d’habitude dans les deux magasins de la ville. Cela signifie que les réserves des magasins d’articles expédiés par mer se sont épuisées plus rapidement, obligeant les détaillants à recourir plus tôt au fret aérien coûteux, a expliqué Pascal Laplante, porte-parole du ministère des Affaires du Nord.

«(Nutrition Nord Canada) n’a pas été créé pour résoudre seul la sécurité alimentaire», rappelait un courriel précédent du ministère. «Bien que NNC ait augmenté l’accès et réduit les coûts de la nourriture et des articles essentiels du quotidien dans les communautés admissibles, la pauvreté et le coût élevé de la vie dans le Nord sont les principaux facteurs d’insécurité alimentaire.»

Cette réponse donne à Mme Blackwood l’impression que le ministère essaie de «rejeter la responsabilité», mais elle espère que les choses peuvent changer. «Je suis vraiment heureuse qu’ils viennent réellement dans la communauté et se fassent une idée de ce qui se passe», a-t-elle déclaré.

Yvonne Jones, députée libérale du Labrador, n’a pas répondu à une demande d’entrevue.

— Avec des archives d’Alessia Passafiume.

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