La CAQ n’a pas le mandat d’enlever aux Québécois leur médecin, dit l’opposition

Patrice Bergeron, La Presse Canadienne
La CAQ n’a pas le mandat d’enlever aux Québécois leur médecin, dit l’opposition

QUÉBEC — Un scénario de prise en charge des patients étudié par le gouvernement Legault suscite crainte et inquiétude.

Les Québécois en santé perdraient ainsi leur inscription avec un médecin de famille et on leur retirerait 1,5 million de plages de rendez-vous pour les attribuer à des patients vulnérables.

C’est une des hypothèses soumises par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS), dans une étude sur la première ligne rendue publique cette semaine.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, assure qu’il n’est pas prêt à s’avancer sur un scénario ou un autre, mais les partis d’opposition exigent des réponses claires au nom des millions de Québécois qui pourraient perdre leur médecin de famille.

«La Coalition avenir Québec n’a pas le mandat de désinscrire des millions de Québécois qui ont déjà un médecin de famille et qui, aujourd’hui, se retrouvent avec la perspective de perdre ce suivi, de perdre cet accès et de continuer de payer pour un système qui ne rend pas les services de base à la population», a dénoncé le député péquiste Joël Arseneau, en entrevue avec La Presse Canadienne vendredi matin.

«Christian Dubé doit absolument clarifier sa position», a sommé le député libéral André Fortin dans un entretien téléphonique.

«Est-ce que c’est un ballon d’essai ou est-ce vraiment le scénario qu’il envisage aujourd’hui? Il va devoir prendre des décisions.»

Comme M. Arseneau, M. Fortin soutient que le ministre Dubé n’a jamais demandé aux Québécois un mandat pour leur retirer leur médecin de famille.

Il a rappelé que la Coalition avenir Québec (CAQ) s’était plutôt engagée à affecter un médecin de famille à chaque Québécois qui le souhaite.

Le député libéral reconnaît que les 500 000 Québécois vulnérables qui n’ont pas de médecin de famille doivent en obtenir un de «façon prioritaire» – il s’est même levé en Chambre pour le réclamer jeudi – mais selon lui, «il y a une façon de les prioriser sans dire à tous les autres: ‘vous, vous n’en avez pas besoin’.»

En outre, cette option comporte un risque aussi pour les populations en santé, a soulevé M. Arseneau.

«Ceux qui ne sont pas vulnérables pourraient le devenir s’ils n’ont pas de suivi, de dépistage ou d’accès en première ligne. Est-ce qu’on veut une société en santé avec un suivi périodique pour éviter de tomber malade?»

De son côté, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) estime qu’on donne ainsi un «cadeau au privé», puisque les patients qui n’ont plus accès à un médecin de famille vont devoir se tourner vers des cliniques privées.

«Il est beaucoup trop tôt pour s’avancer sur un quelconque scénario proposé par des experts», a pour sa part réagi le ministre Dubé par l’entremise du réseau X.

«Nous sommes en période de négociation avec la Fédération des médecins omnipraticiens et nous ne ferons aucun autre commentaire», a-t-il ajouté.

Jeudi, en Chambre, il a évoqué les nouveaux «critières de vulnérabilité» de l’INESSS pour la prise en charge que les médecins avaient demandé de réviser.

Pour 2022-2023, 4,9 millions de personnes considérées comme en santé ont effectué 7,1 millions de visites, sur un total de 17,6 millions de consultations en clinique de médecins, d’infirmières praticiennes spécialisées (IPS) ou aux urgences, lit-on dans l’étude de l’INESSS.

L’étude soumet un scénario dans lequel 1,5 million de rendez-vous attribués à des personnes qui ont un médecin de famille (MDF) seraient transférés plutôt à des personnes qui n’ont pas de médecin de famille.

Actuellement, il y a 2,1 millions de personnes qui ne sont pas inscrites auprès d’un MDF, lit-on dans l’étude.

«Les personnes inscrites auprès d’un MDF consultent en moyenne entre 2 et 6 fois plus en clinique que les non-inscrites, selon leur profil de santé. Inversement, les personnes sans inscription auprès d’un médecin de famille consultent plus souvent à l’urgence, en particulier pour des problèmes non urgents», indique-t-on.

Les personnes en santé inscrites auprès d’un médecin perdraient 640 000 rendez-vous et les non-inscrits en gagneraient 780 000.

Deuxième catégorie, chez les personnes avec des affections chroniques mineures, qui comptent pour 1,4 million de visites: les personnes inscrites perdraient 170 000 rendez-vous et les non-inscrites en gagneraient 90 000.

Troisième catégorie, les personnes avec des affections modérées, qui comptent pour 5,5 millions de visites. Les inscrites perdraient 570 000 visites, les non-inscrites en gagneraient 340 000.

Enfin, les patients aux prises avec des affections majeures: les personnes inscrites perdraient 140 000 rendez-vous, tandis que les non-inscrites en gagneraient 330 000.

Ainsi, les redistributions de rendez-vous des inscrits vers les non-inscrits totaliseraient 1,5 million.

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