La Cour d’appel de l’Ontario ordonne une nouvelle audience dans l’affaire climatique

Jordan Omstead, La Presse Canadienne
La Cour d’appel de l’Ontario ordonne une nouvelle audience dans l’affaire climatique

TORONTO — La Cour d’appel de l’Ontario a ordonné une nouvelle audience pour une contestation constitutionnelle menée par des jeunes concernant l’objectif d’émissions de gaz à effet de serre du gouvernement provincial.

La décision de la Cour d’appel de l’Ontario renvoie l’affaire devant le tribunal de première instance pour une nouvelle audience. Elle a conclu que l’analyse du juge de première instance était erronée sur certains points clés et que l’affaire soulevait des questions importantes qui devraient être réexaminées.

Ecojustice, un organisme de bienfaisance en droit de l’environnement qui a soutenu les jeunes qui ont porté plainte, a qualifié cette victoire de marquante.

«Les sept jeunes sont optimistes et iront de l’avant avec la nouvelle audience, avec toute l’urgence que la crise climatique exige», a écrit l’organisme dans une déclaration écrite.

Ce dossier est le premier au Canada à évaluer si l’approche des gouvernements face aux changements climatiques est susceptible de violer la Charte des droits et libertés.

La décision de la Cour d’appel pose une «base solide» pour que les jeunes gagnent lors d’une nouvelle audience devant le tribunal de première instance, a déclaré Stepan Wood, professeur à l’Université de la Colombie-Britannique.

«Cette décision unanime est une victoire majeure pour les enfants et les jeunes Canadiens qui cherchent à tenir les gouvernements responsables de leurs contributions aux changements climatiques», a dit M. Wood, titulaire de la chaire de recherche du Canada en droit, société et développement durable, dans une réaction écrite à la décision.

«Elle établit que, lorsqu’un gouvernement s’engage par voie législative à lutter contre les changements climatiques (comme l’ont fait le gouvernement fédéral et tous les gouvernements provinciaux et territoriaux), il doit mettre en œuvre cet engagement d’une manière conforme à la Charte des droits.»

Le gouvernement progressiste-conservateur nouvellement élu du premier ministre Doug Ford avait abrogé la loi sur laquelle reposait le système de plafonnement et d’échange de l’Ontario – qui visait une baisse de 37 % sous les niveaux de 1990 d’ici 2030 – pour le remplacer par un nouvel objectif de 30 % sous les niveaux de 2005.

Les jeunes ont fait valoir que l’objectif abaissé fait en sorte que l’Ontario atteint des niveaux dangereusement élevés de gaz à effet de serre, sachant que cela causerait du tort aux jeunes de la province et aux générations futures, en violation de la Charte.

Les jeunes ont apporté des preuves suggérant que le plan révisé du gouvernement permettrait d’augmenter de 30 mégatonnes les émissions annuelles d’ici 2030, soit l’équivalent des émissions annuelles d’environ sept millions de véhicules, ou près de 200 mégatonnes de 2018 à 2030.

La Cour supérieure de l’Ontario avait toutefois décidé que l’affaire concernait en fin de compte l’inaction présumée du gouvernement. Ce n’est pas que le nouvel objectif de la province allait augmenter les émissions, comme le prétendaient les jeunes, mais qu’il n’allait pas assez loin pour les réduire.

Dans sa décision, la Cour avait déclaré que les requérants essayaient d’imposer à la province une obligation «autonome» de lutter contre le changement climatique.

La Cour d’appel n’est pas d’accord. L’Ontario s’est volontairement engagé par voie législative à lutter contre le changement climatique, selon sa décision.

«La question est de savoir si le juge de première instance aurait dû se demander si le manquement présumé de l’Ontario à ses obligations statutaires violait les droits garantis par la Charte aux appelants», peut-on lire dans la décision.

Cette affaire fait partie d’une vague de cas au Canada et à l’étranger demandant aux tribunaux de jouer un rôle plus actif dans la supervision des plans climatiques des gouvernements.

La plus haute cour des Pays-Bas a statué en 2019 que le gouvernement avait le devoir de protéger les citoyens des effets potentiellement dévastateurs du changement climatique et a confirmé les décisions des tribunaux inférieurs ordonnant au gouvernement de réduire davantage ses émissions.

La décision de jeudi était également surveillée de près par les avocats dans une autre contestation fondée sur la Charte menée par des jeunes concernant le plan climatique global du gouvernement fédéral, actuellement devant la Cour fédérale.

«Ce sera une décision très importante», a déclaré Catherine Boies Parker, avocate des requérants dans l’affaire fédérale, en prévision de la décision.

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