La perte de lait au Québec est «minime», selon l’Union des producteurs agricoles

Frédéric Lacroix-Couture, La Presse Canadienne
La perte de lait au Québec est «minime», selon l’Union des producteurs agricoles

MONTRÉAL — Le président général de l’Union des producteurs agricoles (UPA), Martin Caron, met en doute une étude affirmant que les fermes laitières du Canada auraient jeté une quantité importante de lait depuis la dernière décennie. Il conteste que la gestion de l’offre puisse être l’une des causes de ce gaspillage.

«C’est minime le lait qu’on perd», assure M. Caron en entrevue avec La Presse Canadienne, à la suite d’une allocution devant le Conseil des relations internationales de Montréal, jeudi après-midi.

«Si je compare avec la moyenne mondiale, qui est de 20 % de pertes, on est loin de ça ici au Québec. C’est très peu ici parce qu’on produit au-dessus de 3 milliards de litres de lait et c’est quelques millions ici et là par année qu’on risque (de perdre)», a-t-il affirmé, sans toutefois préciser davantage les chiffres.

Plusieurs médias ont rapporté au cours des derniers jours les conclusions d’une étude menée par trois chercheurs universitaires: Sylvain Charlebois, de l’Université Dalhousie, à Halifax, Thomas Elliot, de l’Université d’Aalborg, au Danemark, et Benjamin Goldstein, de l’Université du Michigan.

D’après leurs estimations, 6,8 milliards de litres de lait, soit environ 7 % de la production totale au pays, ont été jetés entre 2012 et 2021. L’étude doit paraître dans la revue «Ecological Economics» en janvier.

Les auteurs pointent la forme actuelle du système de la gestion de l’offre comme pouvant être une des conséquences de ce gaspillage. M. Caron déplore que ce mécanisme soit ciblé comme «contraire au développement de la sécurité alimentaire».

«C’est loin de ça, rétorque-t-il. Si on a un nombre de fermes qui se maintient ici au Québec, c’est grâce à la gestion de l’offre. Il n’y a aucun producteur de lait qui veut jeter son lait en trop.»

Les pertes peuvent être causées par différents facteurs, tels que des tempêtes, des fermetures d’usine ou des problèmes de transport, expose M. Caron.

«Il n’y a aucun producteur qui a un gain à jeter du lait et penser faire augmenter le prix. Ça nous pénalise quand on jette le lait parce qu’on assume la facture de A à Z», a soutenu le dirigeant de l’UPA.

«C’est ça qui est loufoque vraiment dans cette étude, de dire « c’est fait pour monter les prix ». Ben voyons donc! C’est du n’importe quoi», s’insurge-t-il.

Revoir le système de quotas

L’étude n’appelle pas à la fin du système de quotas, mais plutôt à une révision de celui-ci. La gestion de l’offre fait partie de la solution, précise M. Charlebois, directeur principal du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie.

«L’esprit derrière l’étude, c’est de reconnaître que la gestion de l’offre est un outil fondamental pour éliminer tout surplus», a-t-il dit en entrevue en réaction aux propos de l’UPA.

«Les surplus, c’est tout à fait normal. On ne devrait pas s’attendre à ce que les vaches soient des robots. Ce qui est problématique dans le cas du Canada, c’est qu’il n’y a pas de stratégie pour gérer les surplus», mentionne M. Charlebois.

Les auteurs de la recherche recommandent de réformer le système pour sanctionner la surproduction plutôt que la sous-production.

La Commission canadienne du lait pourrait aussi être mandatée afin de gérer les surplus comme elle le fait avec le beurre en ayant une réserve stratégique, mentionne M. Charlebois.

Le professeur et ses collègues appellent à être plus responsable face au surplus et à prendre conscience de l’ampleur du gaspillage du lait. Les auteurs plaident aussi pour plus de transparence sur le volume de la surproduction.

«On sent que ça va bouger du côté du Sénat»

M. Caron se dit par ailleurs optimiste que le projet de loi du Bloc québécois visant à protéger la gestion de l’offre dans les négociations commerciales soit adopté prochainement.

Le projet de loi C-282, qui a été envoyé de la Chambre des communes au Sénat il y a près d’un an et demi, est toujours à l’étude en comité sénatorial.

«On sent que ça va bouger du côté du Sénat», a dit M. Caron, qui est allé à la rencontre des sénateurs il y a deux semaines.

Sachant qu’une majorité de députés se sont déjà prononcés en faveur du projet de loi, «ça devrait être quelque chose de facilitant et très rapide» du côté des sénateurs, croit-il.

L’UPA ne souhaite toutefois pas embarquer dans l’ultimatum lancé par les bloquistes pour faire adopter leur pièce législative d’ici le 29 octobre. C’est l’une des deux conditions du Bloc québécois pour éviter au gouvernement Trudeau d’être renversé.

«L’important est que les gens au Sénat adoptent le projet de loi le plus rapidement possible» et avant le déclenchement d’élections, a indiqué M. Caron.

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