OTTAWA — Plusieurs députés libéraux sont ressortis mercredi d’une réunion attendue de leur caucus en disant que la question de la remise en doute du leadership de leur chef, Justin Trudeau, n’est pas close.
«Je ne pense pas qu’il y avait des attentes qu’il y aurait (une façon) de mettre un terme aux choses d’un seul coup», a soutenu le député ontarien Marcus Powlowski.
Les conversations ont été «franches» et M. Trudeau s’est montré à l’écoute, estime-t-il. Plusieurs médias tels que le «National Post» rapportent que les élus dissidents ont donné au premier ministre jusqu’à lundi prochain pour répondre à leurs préoccupations.
«Beaucoup de choses ont été dites et nous devons y penser, a ajouté M. Powlowski. Le premier ministre doit y réfléchir et je pense qu’il va (y) penser.»
Le député de la Colombie-Britannique Ken Hardie a abondé dans le même sens sur les ondes de CTV, mentionnant toutefois qu’il ne croit pas qu’il y ait réellement une date butoir que M. Trudeau doive respecter.
«Il n’y a pas d’échéance ici. Ce qu’il y a, évidemment, c’est un compte à rebours vers une élection», a-t-il dit, utilisant en anglais l’expression «the clock is ticking».
M. Trudeau a assuré, durant la période des questions, que «le gouvernement libéral est totalement uni», s’attirant aussitôt des rires dans les banquettes conservatrices.
Quoi qu’il en soit, la députée québécoise Sophie Chatel a évoqué une réflexion qui doit se poursuivre pour l’avenir du Parti libéral. Elle a affirmé que les électeurs de sa circonscription lui disent au sujet de M. Trudeau qu’ils veulent du changement sans toutefois «reculer».
«Ça veut dire plusieurs choses, des choses que le premier ministre va devoir considérer pour prendre la meilleure décision pour le bien du parti», a dit la députée de Pontiac.
Le président du caucus du Québec, Stéphane Lauzon, semblait garder un souvenir bien différent des discussions de mercredi. «Savez-vous quoi? J’ai passé une belle journée aujourd’hui, on s’est dit de belles choses. Je peux vous dire que c’est rassurant», a-t-il plaidé.
Avant la réunion, l’élu de la circonscription de Pierrefonds—Dollard, Sameer Zuberi, ne s’attendait pas à ce que le sujet du leadership de M. Trudeau soit clos de sitôt. «C’est une conversation majeure. Je suis sûr que ça en sera une qui continuera», a-t-il dit.
Tant Mme Chatel que M. Zuberi ont refusé de dire s’ils ont signé une lettre qui circule et dans laquelle quelques dizaines de députés demanderaient à M. Trudeau de songer à son avenir politique.
«Ça, ce n’est pas important. La lettre, ce n’est pas important. Ce qui est important est qu’on veut avoir cette conversation franche et claire», a plaidé M. Zuberi.
Du côté du caucus de l’Ontario, le député Yvan Baker n’a pas non plus voulu dire s’il a signé la missive ni s’avancer sur la capacité du premier ministre de mener la barque libérale au cours de la prochaine campagne électorale.
Chose certaine, la dissension des libéraux qui est apparente en public nuit au parti, juge la députée d’expérience Judy Sgro. «Quand vous êtes divisés, vous avez l’air faible», a résumé celle qui dit appuyer M. Trudeau.
Les conservateurs et néo-démocrates ont sauté sur l’occasion pour se faire valoir. Le chef du Nouveau Parti démocratique, Jagmeet Singh, s’est présenté devant les journalistes entouré de ses députés l’applaudissant chaudement.
Son vis-à-vis conservateur, Pierre Poilievre, a reçu le même traitement en début de période des questions et s’est amusé à lâcher des «merci» à profusion. Les libéraux ont quant à eux ovationné M. Trudeau quelques instants plus tard.
Si plusieurs députés libéraux ont affirmé n’avoir jamais vu la lettre qui fait couler beaucoup d’encre, une pétition de «membres et sympathisants du Parti libéral du Canada» a été rendue publique et réclame que M. Trudeau soit soumis à deux votes de confiance. Les signataires sont anonymes.
«Un vote de »confiance » à bulletin secret devrait être organisé» au caucus et à l’exécutif, écrit-on dans un document d’une quinzaine de pages accompagnant la pétition.
Les députés ne disposent d’aucun moyen formel de destituer M. Trudeau de son poste de chef. L’élu de l’Île-du-Prince-Édouard Sean Casey, qui a signé la lettre, a signalé qu’il aimerait qu’un tel «mécanisme» existe au caucus.
M. Trudeau a nié mardi que son leadership soit en danger, tournant aussitôt les talons pour éviter d’autres questions des journalistes. Il ne s’est pas plus arrêté pour parler aux médias mercredi.
Ken McDonald, un autre signataire de l’Atlantique, a précisé qu’il ne demande pas la démission de M. Trudeau. Selon lui, le message envoyé au premier ministre est «qu’il doit commencer à écouter les gens».
Wayne Long, un autre député de l’Atlantique à avoir apposé sa signature, croit pour sa part qu’un changement de chef s’impose.
Pendant ce temps, le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a exprimé le souhait que le caucus puisse passer à autre chose.
«J’espère qu’on va tourner la page. (…) On n’est pas là pour s’occuper du Parti libéral du Canada. On est là pour s’occuper de la population canadienne», a-t-il tranché.
Même son de cloche chez le député franco-ontarien d’arrière-ban Francis Drouin. «J’espère que (le dossier) est clos parce qu’à un moment donné, il faut avancer, puis il faut lâcher de parler de ça. Donc avançons. On est tous solidaires derrière notre chef Justin Trudeau», a dit celui qui ne se représentera pas aux prochaines élections générales.
La popularité de M. Trudeau chute dans les sondages depuis plus d’un an. Les défaites successives lors d’élections partielles tenues dans les derniers mois ont aggravé les inquiétudes concernant son leadership.