OTTAWA — Le sous-ministre des Affaires étrangères, David Morrison, a confirmé mardi une information selon laquelle le Canada accuse un ministre indien et proche conseiller du premier ministre Narendra Modi d’avoir ordonné des collectes de renseignements sur des citoyens canadiens.
Le «Washington Post» a été le premier à rapporter que des responsables canadiens accusaient le ministre indien des Affaires intérieures, Amit Shah, d’être à l’origine d’une campagne de violence et d’intimidation visant des séparatistes sikhs au Canada.
Le sous-ministre Morrison a déclaré mardi aux députés membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale des Communes que c’était lui qui avait confirmé au quotidien américain l’identité du ministre en question.
Le premier ministre Justin Trudeau a annoncé il y a un an, en Chambre, que le Canada disposait de preuves crédibles démontrant que «des agents du gouvernement indien» étaient impliqués dans le meurtre de Hardeep Singh Nijjar en Colombie-Britannique, en juin 2023.
Le 14 octobre dernier, le Canada a expulsé le haut-commissaire indien au Canada, équivalent de l’ambassadeur, et cinq autres diplomates. Ottawa allègue que ces diplomates sont mêlés à de multiples cas de coercition, d’intimidation et de violence visant à écraser au Canada une campagne pour la création en Inde d’un État sikh indépendant, le «Khalistan».
Nathalie Drouin, conseillère à la sécurité nationale auprès du premier ministre Justin Trudeau, a indiqué mardi devant le comité des Communes que le Canada détenait des preuves selon lesquelles le gouvernement indien avait d’abord recueilli des informations sur des Canadiens d’origine indienne et des ressortissants indiens par le biais de canaux diplomatiques et de mandataires. Elle a déclaré que ces informations avaient ensuite été transmises au gouvernement indien à New Delhi, qui aurait collaboré avec le réseau criminel de Lawrence Bishnoi.
M. Bishnoi est actuellement en prison en Inde, mais Mme Drouin a expliqué mardi que son vaste réseau criminel avait été relié à des homicides, des complots d’assassinat, des actes de coercition et d’autres crimes violents au Canada.
Mme Drouin a déclaré qu’avant que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) ne rende publiques ses allégations selon lesquelles des diplomates indiens étaient des personnes d’intérêt dans le cadre d’enquêtes criminelles, le 14 octobre, il y avait eu un effort des autorités canadiennes pour travailler avec le gouvernement indien afin que les responsables en question répondent de leurs actes.
New Delhi n’a pas voulu bouger
Mme Drouin a soutenu mardi que, deux jours avant la conférence de presse de la GRC, une réunion avait eu lieu à Singapour avec Ajit Doval, conseiller à la sécurité nationale auprès du premier ministre indien. Mais la décision a été prise de rendre l’information publique le 14 octobre lorsqu’il est devenu évident que le gouvernement indien ne coopérerait pas avec le Canada sur les mesures proposées pour que les responsables répondent de leurs actes, a indiqué la conseillère à la sécurité nationale de M. Trudeau.
Ottawa souhaitait notamment que New Delhi lève l’immunité diplomatique de ces diplomates, y compris le haut-commissaire à Ottawa. Mme Drouin a indiqué mardi que cette mesure n’était pas considérée comme probable.
La GRC avait expliqué le 14 octobre en conférence de presse qu’elle ne divulguait pas habituellement d’informations sur les enquêtes en cours, afin d’en préserver l’intégrité, mais que des «circonstances extraordinaires» l’obligeaient à le faire. «Nous estimons qu’il est nécessaire de le faire dans ce cas-ci en raison de la menace importante pour la sécurité publique au Canada», soutenait la GRC.
Le gouvernement indien a nié les allégations et a aussitôt expulsé six diplomates canadiens.
Le député libéral Iqwinder Gaheer, membre du comité, a indiqué mardi que ces informations venaient renforcer les «rumeurs» qui couraient depuis des années au sein de la communauté sikhe au Canada et il a décrit la situation comme sortie tout droit d’un film de Bollywood.
Mme Drouin et M. Morrison ont comparu mardi devant le comité des Communes aux côtés du commissaire de la GRC, Mike Duheme, du directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, Daniel Rogers, et de la sous-ministre déléguée au ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, Tricia Geddes.
Le ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, et la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, devraient aussi comparaître éventuellement devant le comité des Communes au cours de son examen de l’«ingérence électorale et des activités criminelles au Canada par des agents du gouvernement de l’Inde».